Mansell sent que le pilotage est moins exaltant aujourd’hui que dans les années 80
Il revient sur une époque faste de la F1
La Williams de Nigel Mansell, en 1987, pesait 540 kg ; aujourd’hui, notamment en raison de la réglementation hybride, le poids des F1 a progressé jusqu’à franchir les 750 kgs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle plusieurs pilotes, ainsi que Jean Todt, militent pour le retour des ravitaillements.
Nigel Mansell constate lui-même combien le pilotage de ces F1 de la fin des années 80, était beaucoup plus sensible et ardu que le pilotage des F1 actuelles. Avec un brin de fierté personnelle, l’ancien champion du monde estime que les F1 d’aujourd’hui appartiennent à une autre catégorie – inférieure, cela va de soi.
« La Formule 1 ne reviendra jamais sur les voitures de l’ère turbo des années 80. Conduire ces voitures turbo était la chose la plus exaltante et la plus effrayante que vous puissiez faire dans votre vie, » explique Mansell.
« Prenez la Williams FW11B de 1987 (photo) : rien ne s’approche de cette voiture, rien au monde. Et la Formule 1 ne reviendra jamais à cela. Vraiment, les pilotes d’aujourd’hui ne sauront jamais à quoi ressemble une vraie F1. Lors des qualifications, vous aviez littéralement 1 500 chevaux. BMW en aurait même eu plus. Et faire patiner les roues en sixième vitesse dans les lignes droites, à 280 km/h… Vous ne pouvez pas retranscrire cela en mots en tant que pilote. Dans chaque virage, la voiture essayait littéralement de vous tuer. »
Le pilotage a également changé sur un autre plan : comme au Paul Ricard par exemple, de nombreuses zones de dégagement rendent les erreurs beaucoup plus permissives…
« Sur le vieux Silverstone » poursuit Mansell « par exemple, dans la ligne droite du Hangar, avec le boost lié au mode qualifications, vous dépassiez les 320 km/h. Vous passez Stowe à fond, sans relâcher l’accélérateur – et cela sur un vieux circuit, avec des poteaux, des barrières et des câbles à quelques mètres de la piste, à l’extérieur du virage – et vous passiez au large sans même heurter ces poteaux. Ensuite, vous arriviez à Club, de nouveau à fond, sans lever le pied. Quand vous sortiez de ce virage, vous respiriez, vous aviez un vrai soupir de soulagement. D’abord, parce que vous pouviez respirer après avoir été secoué par des forces-G extraordinaires ; et ensuite – c’est le plus important – parce que quand vous sortiez de ce virage, vous vous disiez ‘je l’ai fait’. »
Mansell se dit heureux de s’en être simplement sorti « vivant, en un seul morceau, si on écarte un cou cassé, trois blessures au dos, un bras cassé, des orteils écrasés, 148 points de suture en tout et j’en oublie certainement ! »
« Les choses allaient dans le bon sens question sécurité dans les années 80 et 90, mais la technologie n’était pas vraiment là pour l’améliorer. C’était quand même assez sinistre. »
« Mais malgré ça, c’était une époque extraordinaire, » poursuit Mansell. « Quand j’ai commencé en F1, il y avait Alan Jones, Niki Lauda, Keke Rosberg, Nelson Piquet, Mario Andretti, Alain Prost, tous des champions ou futurs champions. Il y avait ensuite d’autres pilotes exceptionnels qui n’étaient pas champions du monde comme Patrick Tambay, Gilles Villeneuve, Didier Pironi, Jacques Laffite, Carlos Reutemann… Tous des vainqueurs de Grand Prix qui ont joué aussi les titres mondiaux. Ayrton Senna arrivait aussi, donc la pression nécessaire pour résister à ce genre de pilotes était juste immense. Mais faire partie d’un groupe de talents aussi extraordinaires était exceptionnel en soi, on savait qu’on faisait partie d’un club incroyable, de l’élite. »
« A ce jour, les gens ne réalisent pas que le succès modéré que j’ai eu, n’a pas été obtenu simplement contre la crème de la crème des pilotes, mais aussi dans des conditions où les pilotes numéros 2 n’étaient pas vraiment là pour battre les numéros 1. Donc en un mot, c’était l’expérience la plus surréelle, phénoménale, que pouvait avoir un sportif. C’était lutter contre des multiples champions du monde, alors que vous étiez au sommet de votre art, contre des pilotes qui voulaient seulement protéger leurs statuts, gagner plus de championnats, et annihiler le plateau. »
Chez Ferrari notamment, Mansell regrette d’avoir couru sous ce fameux statut de numéro 2.
« Je subissais toujours des coups venus de partout. Je venais toujours après pour recevoir des informations au sein de l’équipe, j’avais le second choix pour le moteur, la boîte de vitesses, les ingénieurs, les mécaniciens… parfois vous obteniez les données en deuxième, parfois pas du tout. »
« Il fallait s’y a attendre, vous aviez signé pour ça. Donc pour lutter presqu’au même niveau, il fallait s’assurer que vous progressiez toujours dans les domaines où vous pouviez le faire. Vous allez chercher loin la performance, il faut vraiment faire beaucoup d’introspection, dire que même si tout cela vous ennuie, il ne faudra pas que ça interfère avec votre productivité. Parce que vous pouvez si facilement aller sur le mauvais chemin, sans vous concentrer sur ce que vous faites. Ce fut difficile, extrêmement difficile, et incroyablement frustrant parfois. »
Pour toutes ces raisons, Mansell se considère enfin comme un « racer ».
« Les gens me demandent quels types de pilotes il y a en F1. Il y a des racers, et il y a des pilotes. Les pilotes conduisent une voiture et attendent que les choses arrivent. Les racers, les purs racers, les provoquent. Je n’ai jamais été accusé de ne pas être un racer, je n’attends pas à ce que les choses se produisent, j’essaie de les causer. De toute façon, si vous regardez les pilotes contre qui j’ai dû lutter, ils n’allaient pas me rendre la vie facile. Tout ce que j’ai réussi, j’ai dû le mériter. J’ai dû le retirer aux meilleurs pilotes du monde. Quand vous commencez, vous êtes bas dans la hiérarchie, donc cela affûte votre concentration, pour essayer d’atteindre vos objectifs. »