Limites de piste : la FIA sous le feu des critiques après une nouvelle décision confuse
La polémique repart de plus belle…
Le dernier Grand Prix des États-Unis à Austin a relancé les débats sur la constance des commissaires en Formule 1 s’agissant du respect des limites de piste, après une manœuvre de dépassement controversée impliquant, dans les derniers tours, Lando Norris et Max Verstappen.
Norris a écopé d’une pénalité de cinq secondes pour avoir dépassé la Red Bull hors des limites de la piste… Mais la décision a semé la division dans le paddock, certains estimant que la décision était injuste, surtout lorsque l’on considère que Verstappen avait lui aussi quitté la piste en défendant sa position (et en poussant Lando Norris hors-piste).
Une clarification des règles de la FIA… qui n’a rien clarifié
Cette controverse n’est pas sans rappeler l’affrontement entre Verstappen et Lewis Hamilton lors du Grand Prix du Brésil 2021, où des manœuvres défensives similaires (de la part du pilote Red Bull) avaient fait l’objet de vives critiques. Le Néerlandais n’avait alors pas été sanctionné.
Cependant, depuis cet épisode, la Formule 1 a instauré de nouvelles « lignes directrices » sur les standards de pilotage, visant à clarifier les règles pour les pilotes. Il est prévu que ces lignes directrices soient intégrées au Code Sportif International de la FIA dès 2025, devenant ainsi une référence pour toutes les disciplines.
L’objectif de ces règles était de rendre les situations plus lisibles pour les pilotes, mais l’incident au virage 12 à Austin semble avoir généré davantage de confusion : en clair, rien n’est réglé ! On y voit même plus flou…
L’une des critiques majeures à propos de la pénalité infligée à Norris repose sur le fait que Verstappen, lui aussi, a quitté la piste, ce qui rend l’incident plus ambigu que si le pilote de Red Bull était le seul à être resté à l’intérieur des limites. Norris n’avait certes pas rempli le critère pour être aux côtés de son adversaire au point de corde, mais la défense de Verstappen pose également question.
Selon les lignes directrices : « Si, en défendant une position, une voiture quitte la piste (ou coupe une chicane) et revient dans la même position, cela sera généralement considéré par les commissaires comme un avantage durable, et par conséquent, la position devra généralement être rendue, conformément aux règles. Ce sera à la discrétion exclusive des commissaires de déterminer si le pilote d’une voiture est “en train de défendre une position”. »
Cela soulève une question bien légitime et paradoxale : si Norris était resté sur la piste et avait abandonné sa tentative de dépassement, est-il possible que Verstappen (s’il était resté hors-piste) aurait dû céder sa place à Norris ? En clair, pour dépasser, Lando Norris n’aurait-il dû… ne pas tenter de dépassement ?
« Je pensais que normalement, si les deux ne restent pas sur la piste, cela devient un peu flou… Ça me rappelle le Brésil [2021]. Je pense que si tu peux rester sur la piste, alors très bien, tu as gagné » pense aussi Alexander Albon, le pilote Williams F1.
« Ce qui est incorrect, c’est ce que Max a fait, c’est-à-dire défendre sa position en quittant la piste, et effectivement conserver sa position, ce qui n’est pas correct. Il est sorti de la piste en défendant, il a surexploité et fait une erreur, et par conséquent il en a tiré avantage » expliquait pour sa part Lando Norris, qui était bien sûr juge et parti.
La pénalité semble d’autant plus injuste que dans leur décision, les commissaires de la FIA relèvent que Lando Norris « n’avait pas d’autre choix que de quitter la piste en raison de la proximité de la voiture 1 (Max Verstappen) qui avait également quitté la piste. »
Vaut-il mieux foncer au point de corde, sans réfléchir ?
Un autre point fait débat, la problématique du point de corde : le pilote qui l’atteint le premier est considéré comme « devant » l’autre voiture, et donc en position de force dans l’arbitrage de la FIA.
Mais cela augmente la tentation pour un pilote de « foncer » vers le point de corde, comme le relève Andrea Stella.
« Prendre comme point de référence l’avant du point de corde, pour interpréter la manœuvre de dépassement n’est pas la partie pertinente » explique Stella, le directeur d’écurie de McLaren F1.
« Je pense que la voiture qui défend fonce tout simplement vers le point de corde. »
« Nous avons vérifié la vidéo plusieurs fois. Elle (la voiture de Max Verstappen) va tout droit, elle sort de la piste tout autant que Lando, ne laissant aucune chance à Lando de compléter la manœuvre. »
« Les deux voitures sortent de la piste. Donc, je pense que les deux voitures gagnent un avantage s’il y a un avantage à gagner. Pour nous, cette manœuvre était au moins neutre. »
Cependant, cette approche ne semble pas toujours s’appliquer de manière équitable. En témoigne le cas d’Oscar Piastri, qui a été sanctionné pour avoir poussé Pierre Gasly hors de la piste au virage 12 lors du sprint à Austin, malgré le fait qu’il soit resté lui-même sur le circuit.
« Je pense que si vous regardez ma pénalité lors du sprint, c’était pratiquement une copie conforme de ce qu’il s’est passé entre Max et Lando, mais je suis resté sur la piste et j’ai pris la pénalité. Donc non, ce n’est pas très clair » relève ainsi Oscar Piastri.
La seule constance, c’est l’inconstance des commissaires…
L’incident entre Norris et Verstappen a également mis en lumière, une fois de plus, les accusations de manque de cohérence et de constance dans les décisions des commissaires. Même les pilotes ont du mal à comprendre pourquoi certaines décisions divergent pour des incidents qui semblent similaires. La seule constance, ce semble être l’inconstance…
« Les règles semblent changer, car je trouve que c’est assez incohérent par rapport à ce qu’il s’est passé en Autriche, où Max n’a pas été pénalisé alors qu’il est sorti de la piste et en a tiré avantage » râle encore Lando Norris.
Et en effet au Red Bull Ring cette année, Verstappen n’avait pas été inquiété malgré le fait qu’il soit sorti de la piste pour conserver sa position face à Lando Norris, qui avait pourtant réussi à atteindre le point de corde en premier.
Le patron de Mercedes, Toto Wolff, a également critiqué le manque de clarté dans les critères de jugement. Il a particulièrement regretté la pénalité infligée à George Russell pour avoir poussé Valtteri Bottas hors piste, affirmant :
« Tout le monde se bat durement, mais pour moi, la décision contre George était inexplicable. »
« Il y a toujours quelqu’un qui est content et quelqu’un qui ne l’est pas, mais nous devons essayer de comprendre s’il existe certains schémas dans les décisions, et si cela correspond à certaines situations. »
Précisons cependant que George Russell n’avait pas respecté les critères des lignes directrices en n’atteignant pas l’apex en premier, ce qui l’obligeait donc à laisser de l’espace à Bottas à l’extérieur.
L’incident à Austin pourrait-il pousser la FIA à réévaluer le système d’arbitrage et les méthodes de prise de décision ? À nommer des commissaires permanents ? La Formule 1, encore une fois, se retrouve sous les feux de la critique pour des raisons regrettables et les luttes en piste semblent encore moins importantes que les limites de piste...
NB : Retrouvez-nous ce soir sur le site en direct à partir de 20h30 ou directement sur notre Twitch pour interagir avec nous dans l’émission Grand Prix, le talk F1 pour le debrifing de ce Grand Prix à Austin, avec un gros volet FIA évidemment !
FIA
Villeneuve : Wittich paye peut-être ses récentes décisions
Micro-management, susceptibilité… Steiner enfonce Ben Sulayem
Villeneuve soutient Herbert : On peut être commissaire FIA et consultant
La FIA ne pouvait contraindre Renault F1 à rester malgré son engagement pour 2026
+ sur FIA