Les tops, les flops et les interrogations après le Grand Prix du Japon
La gestion de la FIA en question – mais pas pour le typhon
Après chaque Grand Prix, Nextgen-Auto.com vous propose de retrouver les « tops » et les « flops » identifiés par la rédaction. Qui mérite d’être louangé ? Qui, au contraire, doit être critiqué ? Enfin, quels sont les points d’interrogation ou ambiguïtés, qui devront être suivis avec intérêt lors des prochains Grands Prix ? Découvrez-le ci-dessous !
Les Tops.
Top n°1 : Bottas au sommet, Bottas récompensé, Bottas requinqué ?
Depuis le Grand Prix d’Azerbaïdjan, Valtteri Bottas était à la recherche d’une victoire : la voici enfin. Et elle n’a rien de volée. Dès les essais libres, le Finlandais avait affiché un rythme supérieur à celui de Lewis Hamilton ; en qualifications également, même si les Ferrari s’avérèrent plus rapides, le Finlandais réussit à devancer de nouveau son coéquipier, comme d’ailleurs assez souvent cette saison. En course, on pouvait ainsi légitimement se demander si, comme trop souvent cette saison, Valtteri Bottas allait s’effacer derrière Lewis Hamilton. Il n’en fut rien. Grâce à un départ canon, qui rappela celui de sa première victoire en F1, au Red Bull Ring en 2017, Valtteri Bottas avala les deux Ferrari et pointa en tête à la fin du premier tour – certes bien aidé par le vrai-faux départ de Sebastian Vettel, et l’accrochage entre Charles Leclerc et Max Verstappen. Par la suite, Valtteri Bottas montra un rythme facilement supérieur à celui de Sebastian Vettel. Si sa victoire est pleinement méritée, elle souffre cependant d’une discussion : Mercedes aurait-elle pu laisser Lewis Hamilton en piste lors de son dernier relais ? Et si le Britannique n’avait pas marqué son deuxième arrêt, aurait-il pu tenir la tête de la course ? Il ne restait que dix tours à ce moment... Mais Mercedes a sûrement aussi voulu, par là, récompenser le « wingman » qui avait tant besoin de confiance pour l’an prochain. Avec le recul, cette victoire en 2019 a sûrement préparé 2020, puisque de toute manière, Mercedes était déjà titrée.
Reste que cette victoire n’efface rien de la grande faiblesse de Valtteri Bottas cette saison, et qu’il l’a lui-même reconnue : son manque de constance. Si Valtteri Bottas redevient anonyme au Mexique, lors du prochain Grand Prix, il retombera ainsi dans les travers qui lui ont causé tant de tort cette année. Gagner est bien, confirmer est nécessaire. La confiance amènera-t-elle la constance ?
Top n°2 : Carlos Sainz, « meilleur des autres » voire un peu mieux au classement final ?
Le « meilleur des autres », c’est définitivement lui. Au Japon, Carlos Sainz a de nouveau confirmé son statut avec une autorité encore supérieure à celle du dernier Grand Prix. En qualifications, l’Espagnol réussit tout d’abord, pour la 4e fois d’affilée, à devancer son coéquipier Lando Norris, qui avait certes le désavantage de quasiment découvrir l’épineux tracé nippon. En course, Carlos Sainz prit un excellent envol et se porta même à la hauteur de Lewis Hamilton, avant de logiquement céder. Il réussit tout de même à avaler Alexander Albon (comme Lando Norris) et tint en respect pendant une bonne partie de la course le pilote Red Bull. Son rythme, enfin, dans son second relais, fut éminemment bon… ce qui lui permit même de contenir le retour en furie de la Ferrari de Charles Leclerc (même si Alexander Albon finit devant lui). Carlos Sainz est le seul pilote du milieu de grille à avoir fini dans le tour du vainqueur (ce ne fut pas le cas de Charles Leclerc d’ailleurs). Il ne perd que 2 points sur Alexander Albon et en regagne 6 d’un coup sur Pierre Gasly : autrement dit, l’objectif de la 6e place finale est plus que jamais à portée. Chapeau !
Top n°3 : Gasly fait briller Honda et éteint Kvyat
Course après course, Pierre Gasly confirme qu’il monte en puissance au volant de la Toro Rosso qu’il a retrouvée depuis Spa. Sur un tracé de Suzuka qu’il connaît très bien, puisqu’il l’a arpenté aussi en Super Formula, le Français a battu, et l’on pourrait même dire écrasé, Daniil Kvyat en qualifications : 8 dixièmes d’avance sur son coéquipier en Q2, voilà qui fait mouche pour l’un, et tache pour l’autre. Avant son premier arrêt, le Normand était même 6e. Au volant d’une Toro Rosso intrinsèquement moins véloce qu’une Renault, une McLaren ou même une Racing Point, il réussit pourtant à se battre comme un beau diable dans le peloton. Sa résistance face à Sergio Pérez, dans le dernier tour, fut certes un peu vive, mais le Mexicain ne fut pas exempt de tout reproche non plus. Blanchi par la FIA, Pierre Gasly a ramené 4 points au terme d’un week-end réussi, alors que son coéquipier a été sous l’éteignoir.
Les flops
Flop n°1 : Red Bull-Honda : le no man’s land
Où est passé le « step » que voulaient franchir Red Bull et Honda en ce week-end à domicile, au Japon ? On cherche encore… Depuis plusieurs Grands Prix, les pilotes maison avaient accumulé les pénalités pour préparer ce rendez-vous ; un nouveau carburant avait été introduit ; et les réglages de l’unité de puissance devaient être affinés.
Las ! En qualifications comme en course, Red Bull n’avait certainement pas le rythme de Ferrari et de Mercedes. En qualifications, Max Verstappen et Alexander Albon réalisèrent exactement le même temps, ce qui est significatif, mais surtout à une demi-seconde de Lewis Hamilton et 8 dixièmes de Sebastian Vettel, ce qui l’est plus encore. Et dire que Helmut Marko assurait que Red Bull serait au moins au niveau de Valtteri Bottas… En course, l’image donnée fut plus embarrassante encore. D’un côté, Max Verstappen abandonnait rapidement, après un accrochage avec Charles Leclerc, comme découragé et dépité au vu de la perte d’appui subie par sa Red Bull (près de 25 %). L’image était bien mauvaise… De l’autre côté, pour la seule Red Bull restée en piste, la course fut laborieuse : Alexander Albon eut du mal à se défaire des deux McLaren, et finit à quasiment 50 secondes du vainqueur… Un gouffre. Pour la fin de saison, c’est inquiétant ; pour la saison prochaine aussi. Max Verstappen se pose-t-il des questions sur son avenir à Milton Keynes ?
Flop n°2 : Départ volé, drapeaux à damiers, incident avec Leclerc… La FIA donne l’impression d’être dépassée
La FIA s’est quelque peu pris les pieds dans le tapis au Japon. Non pas pour avoir annulé la journée de samedi : cette décision doit être saluée et soutenue, notamment pour avoir été annoncée suffisamment à l’avance afin que les équipes s’organisent en fonction, en protégeant par exemple leurs stands. Mais trois autres incidents ou évènements ont entaché le week-end de Michael Masi, le directeur de course de la FIA. Il y eut tout d’abord l’affaire du départ volé de Sebastian Vettel : la Ferrari bougea bien avant les drapeaux rouges, comme le démontrent les images… Une enquête fut logiquement ouverte, et chacun attendait un drive-through, puisque Kimi Räikkönen reçut une sanction pour pareille infraction lors du dernier Grand Prix, en Russie. Mais quelle ne fut pas la surprise générale, quand l’on apprit que Sebastian Vettel serait finalement blanchi ! La raison ? La vérité des capteurs n’est pas celle des images : Sebastian Vettel, en vérité, serait resté dans la limite de tolérance de ces systèmes électroniques. L’image apparaît contre-intuitive. Et les spectateurs ont des raisons de se sentir interloqués. La décision peut être justifiée techniquement, elle ne l’est pas sur le plan de la communication, de la constance ou de la pédagogie – c’est d’ailleurs le manque de constance qui est le premier reproche fait aux commissaires. « En la matière, ce doit être blanc ou noir » a justement commenté Loïc Duval à ce sujet.
Un deuxième incident, plus embarrassant encore, et lié encore à l’électronique, a aussi fait parler de lui : le drapeau à damiers a été affiché (électroniquement) aux équipes au 52e tour et non au 53e. Un bug lié peut-être au reboot du système après le typhon serait à l’origine de cette méprise… qui fut loin d’être symbolique, car elle permit à Sergio Pérez, accidenté dans le dernier tour, de finalement sauver 2 points. Une deuxième bourde de ce type en deux ans, cela fait beaucoup !
Enfin, il y eut un imbroglio, durant les premiers tours, autour de l’aileron avant de Charles Leclerc. Après son accrochage avec Max Verstappen, le pilote Ferrari fut prié de rentrer aux stands par la direction de course… mais ne s’exécuta pas, sans doute pour ne pas concéder une défaite stratégique dès les premiers tours, et alors que la perte d’appui subie n’était pas considérable. Si la décision se justifiait sur le plan sportif, sur le plan sécuritaire, en revanche, des risques considérables furent pris puisque l’aileron avant de Charles Leclerc se détacha pour arracher le rétroviseur de la Mercedes de Lewis Hamilton qui suivait de près. On imagine le scandale si l’aileron avant était passé ailleurs… La McLaren de Lando Norris récolta aussi des débris de la Ferrari, ce qui a causé la colère légitime de Andreas Seidl, le directeur de l’écurie McLaren en F1…. Michael Masi s’est défendu, en assurant que Ferrari n’avait pas tenu sa promesse. Mais la question se pose : au lieu de parler au muret Ferrari, n’aurait-il pas fallu simplement intimer, sans conciliation ou médiation, par un drapeau rond orange sur fond noir, l’ordre à Ferrari de rappeler le Monégasque ? Le retard pris par la FIA fut très gênant…
Flop n°3 : Le rythme de Renault en qualifications malgré les évolutions
Ne nous y trompons pas, la course des Renault fut superbe : partis de bien loin, vers l’arrière de la grille, Daniel Ricciardo et Nico Hülkenberg réalisèrent des remontées formidables pour revenir dans les points, et même jusqu’à la 6e place pour Daniel Ricciardo. Pourtant, comme l’a avoué Cyril Abiteboul, après la course, c’est le vent qui a quelque peu masqué la faiblesse aérodynamique des Renault sur ce circuit. La performance pure réelle des monoplaces française est peut-être davantage reflétée par le résultat des qualifications, désastreux : élimination en Q1 pour Daniel Ricciardo, et 15e place pour Nico Hülkenberg. Et cela, malgré l’apport d’évolutions notables, en particulier au niveau de l’aileron avant. Renault a ainsi démontré avoir perdu le fil de la course au développement, face à McLaren et même face à Racing Point. Rien de très prometteur pour 2020.
On demande à voir…
Le format inhabituel de ce Grand Prix, une idée à conserver tout de même ?
Et si le format des Grands Prix évoluait en s’inspirant de ce week-end japonais ? L’annulation du samedi, légitime en raison de l’arrivée du typhon, a en effet abouti à quelques curiosités. Les EL2 ont été ainsi particulièrement animés, non seulement parce que les équipes savaient qu’il faudrait rouler deux fois plus pour compenser la perte des EL3, mais aussi parce qu’en cas d’annulation des qualifications (le dimanche matin), les chronos des EL2 auraient servi pour établir la grille de départ. Résultat : le vendredi fut plus condensé, rythmé et passionnant que de coutume… et une journée de roulage a été économisée.
« C’est un bon format » a ainsi souri Romain Grosjean, le directeur du GPDA. « Si nous ne courions que le samedi et le dimanche, avec les EL1 le samedi matin, et les EL2 l’après-midi – mais en se servant de ces EL2 pour établir la grille – ce serait bien. Vous devez pousser, vous avez une bonne quantité de pneus, vous pouvez toujours affiner les réglages de la voiture… et il y a le couvre-feu le soir, donc les mécanos ne vont pas se coucher trop tard. » Le typhon, une boîte à idées inattendue pour la FIA et la FOM ? Ross Brawn, le manager des sports mécaniques pour Liberty Media, a écarté cette idée pour le moment, mais il n’est pas impossible de voir ressurgir ce débat…