Les tops, les flops et les interrogations après le Grand Prix de Singapour
Ferrari brille là où on ne l’attendait plus, Kvyat étonne par sa stupidité
Après chaque Grand Prix, Nextgen-Auto.com vous propose de retrouver les « tops » et les « flops » identifiés par la rédaction. Qui mérite d’être louangé ? Qui, au contraire, doit être critiqué ? Enfin, quels sont les points d’interrogation ou ambiguïtés, qui devront être suivis avec intérêt lors des prochains Grands Prix ? Découvrez-le ci-dessous !
Les Tops.
Top n°1 : Ferrari, le coup de maître stratégique et aérodynamique
Ferrari a gagné, à Singapour, grâce à sa performance en virages lents et à sa clairvoyance stratégique… c’est-à-dire grâce à ce qui, jusqu’alors, constituait les deux principaux défauts de la Scuderia. La victoire des Rouges fut tout d’abord une victoire stratégique. Ce fut bien Ferrari qui prit l’initiative et fit subir sa stratégie à Mercedes, et non l’inverse comme trop souvent. La décision de jouer l’undercut était la bonne, et s’était même avérée meilleure que prévu étant donné la puissance de l’undercut à Singapour (presque 4 secondes). Faire rentrer Sebastian Vettel en premier était sans doute le meilleur choix possible aussi, puisque l’Allemand devait aussi se méfier de Valtteri Bottas et des Red Bull, tout en mettant clairement la pression sur Lewis Hamilton, en le forçant à s’arrêter. La Scuderia eut raison sur un deuxième point : Mattia Binotto l’avait prévu avant la course, il s’agissait, en début d’épreuve, de rouler à un train de sénateur, afin d’empêcher les Mercedes et les Red Bull d’avoir une bonne fenêtre pour rentrer aux stands (elles seraient ressorties en plein milieu de grille, au lieu d’avoir piste libre comme d’habitude). Cette mauvaise nouvelle pour le spectacle fut une bonne nouvelle pour les pneus, que Ferrari a tendance à moins préserver. Bref, un carton plein stratégique, qui a profité à tout le monde – sauf à Charles Leclerc, mais l’équipe passe avant tout.
La victoire de Ferrari fut aussi une victoire aérodynamique. Grâce aux évolutions (mais seulement grâce à elles ?) substantielles apportées au niveau de l’aileron avant, la Scuderia a changé de visage sur un circuit typé châssis. A Budapest, les Ferrari avaient fini à une minute pleine de Lewis Hamilton et de Max Verstappen, un gouffre absolu ; à Singapour, elles réussirent à signer la pole. Le changement est radical en un petit nombre de semaines seulement. Pour une fois que les évolutions Ferrari fonctionnent comme il se doit en cours de saison… est-ce la patte Mattia Binotto qui commence à se matérialiser ? Avec ces trois victoires consécutives, le directeur de l’écurie vient d’ailleurs de s’offrir la paix pour six mois.
Top n°2 : Gasly n’a rien perdu de son talent
Helmut Marko l’avait critiqué pour son manque de vitesse ? Pierre Gasly signait un solide 13e temps en qualifications, en tout cas facilement devant son coéquipier Daniil Kvyat, sur un circuit technique et sélectif. Helmut Marko l’avait critiqué pour son manque d’agressivité en course, au moment de tenter un dépassement ? Il livrait une course pleine d’audace, en réalisant plusieurs manœuvres tout aussi osées que réussies – et en restant prudent, comme lorsque le leader Sebastian Vettel revenait sur lui. En somme, Pierre Gasly, excellent 8e à Singapour, et seulement devancé par Lando Norris en milieu de grille, a parfaitement répondu aux reproches qui lui étaient adressées. Le Normand fit même parler sa sagesse et sa science de la course, lors d’un premier relais prolongé en durs qui lui permit de naviguer sur le podium lors de la première moitié de l’épreuve. De quoi se replacer pour un retour chez Red Bull en 2020 ? Peut-être pas, car dans le même temps, Alexander Albon ne déçoit pas… Mais s’il continue comme ça, Pierre Gasly fera sûrement réfléchir l’état-major autrichien.
Top n°3 : Un pas de plus vers la prolongation pour Antonio Giovinazzi
Après sa bourde de Spa – alors qu’il jouait les points, il s’était sorti bêtement à Pouhon en fin d’épreuve – Antonio Giovinazzi semblait plus que jamais sur la sellette pour l’an prochain. En l’espace de deux courses pourtant, l’Italien a parfaitement réagi sous la pression. En qualifications tout d’abord à Singapour, il réussit à battre pour la deuxième fois d’affilée Kimi Räikkönen, et passa même à un petit dixième de la Q3, dans une voiture qui ne la valait sûrement pas. En course, Antonio Giovinazzi brilla plus encore ; en prolongeant efficacement son premier relais en médiums, le quasi-rookie occupa même, un court instant, la tête de la course, une première pour une voiture n’appartenant pas à une des écuries de pointe depuis le Grand Prix du Royaume-Uni 2015 ! Au-delà de l’aspect symbolique, cette performance en dit long sur les progrès d’Antonio Giovinazzi. S’il finit 10e, c’est sûrement moins dû à un manque de rythme qu’à un manque de chance : en effet, l’Italien fut l’un des moins vernis par le timing de la voiture de sécurité, puisqu’il dut changer de pneus entre deux safety cars… Alfa Romeo ne lui a pas facilité la tâche, et Frédéric Vasseur l’a volontiers reconnu. Un petit point ? Peut-être, mais beaucoup de crédit.
Les flops
Flop n°1 : Mercedes, le fiasco et la mauvaise image
Quand rien ne va… A Singapour, la finesse du châssis Mercedes aurait dû faire la différence sur ce tracé plutôt lent. Mais ô surprise, les Ferrari s’avéraient plus rapides en qualifications. Certes, Mercedes n’avait pas la meilleure voiture – tout du moins sur un tour – à Singapour. Mais si l’équipe allemande ne put obtenir de podium dans la cité-État, ce n’était pas seulement dû au regain de performance des Ferrari ; Toto Wolff en avait bien conscience après l’arrivée, lui qui évoqua un week-end durant lequel Mercedes s’était « totalement plantée. » La plus grosse faille de Mercedes fut stratégique. Les stratèges, à l’inverse de Lewis Hamilton, ne virent pas venir l’undercut de Sebastian Vettel ; et au lieu de réagir immédiatement, comme ce même Lewis Hamilton l’en pria, le muret des stands décida de prolonger le premier relais du Britannique, en espérant sans doute une voiture de sécurité. Un pari totalement perdu. Pire, cette stratégie contre-productive conduisit James Vowles à demander à Valtteri Bottas – afin de préserver la position en piste de Lewis Hamilton – de ralentir de trois secondes au tour. Défaite stratégique, Singapour fut aussi une défaite médiatique pour Mercedes. Quand Mercedes est sous pression, Mercedes craque.
Flop n°2 : Les déclarations immatures et irresponsables de Daniil Kvyat
« Il a essayé de se suicider et en se suicidant de me tuer ! ». Ce fut ainsi que Daniil Kvyat commenta, le dimanche soir, après l’arrivée, la défense de Kimi Räikkönen sur un dépassement que le Russe tenta soudainement à l’extérieur, au terme d’une courte zone DRS. Cette déclaration est tout d’abord infondée : si Kimi Räikkönen n’est pas tout blanc dans cette manœuvre, Daniil Kvyat aurait sans doute pu prendre plus de précautions ; les commissaires ont d’ailleurs classé l’incident sans suite. Mais au-delà de son bien-fondé, une telle parole est totalement immature, irresponsable et, il faut bien le dire, d’une nullité et d’une néantise crasses, un mois après le décès d’Anthoine Hubert et la grave blessure de Juan Manuel Correa. Daniil Kvyat a perdu une occasion de se taire : on ne joue pas (plus) avec la mort. Voulait-il par-là faire oublier son week-end médiocre, passé dans l’ombre de Pierre Gasly ?
Flop n°3 : Deux erreurs en deux jours pour Lance Stroll
Lance Stroll est capable du pire comme du meilleur ; à Singapour, ce fut le pire. Sur un tracé sélectif et technique, le Canadien ne fit hélas pas mentir ses détracteurs en commettant deux erreurs lourdes de conséquences en deux jours. Le samedi, en qualifications, il se fit éliminer en Q1 – une mauvaise habitude. Certes, il ne passa qu’à un dixième de la Q2, mais sa voiture valait bien mieux. Ce fut en réalité après avoir touché le mur que le pilote Racing Point avorta sa dernière tentative. Le dimanche, rebelote : bien parti, il pouvait viser les points quand un nouveau passage vers le mur le contraignit à repasser par les stands. Elimination en Q1, départ excellent, fautes de pilotage : un week-end qui résume une partie de la saison de Lance Stroll.
On demande à voir…
Quelle hiérarchie d’ici la fin de saison ?
Ferrari était forte en lignes droites, voilà désormais que la Scuderia fait aussi peur en virages. Faut-il, dès lors, en faire l’épouvantail de cette deuxième moitié de saison ? Ou bien la performance de la Scuderia n’était-elle due qu’à des facteurs conjoncturels, qui ne se reproduiront pas, comme par exemple une exploitation exceptionnelle des Pirelli ? Il faudra attendre au moins le prochain Grand Prix pour le savoir.
Mercedes et Red Bull ont de plus de sérieuses raisons d’espérer. L’équipe allemande, tout d’abord, était sans doute la plus solide en rythme de course ; Lewis Hamilton disait ainsi qu’il n’avait aucun mal à suivre le rythme de Charles Leclerc. Et ce fut sans doute moins en raison de la performance pure que de la stratégie que les Flèches d’Argent ne purent exprimer leur plein potentiel. Du côté de Red Bull, Helmut Marko a expliqué qu’une erreur dans les données entrées dans le simulateur avait conduit l’équipe à adopter des réglages franchement erratiques ; la situation pourrait ainsi revenir à la normale à Sotchi, si le bon Docteur dit vrai… Bref, Ferrari va devoir encore se retrousser les manches.