Les questions auxquelles la FOM devra répondre en 2024 (1/2)
Première partie : Andretti et les circuits urbains pour le ‘show’
Le cirque médiatique de la F1 est aussi un cirque aux enjeux économiques et politiques énormes.
En coulisses, si la FIA supervise le respect des règlements sportif, financier et technique, c’est la FOM qui s’occupe des enjeux économiques, de la gestion du calendrier, des Accords Concorde, etc.
Or l’année 2023 s’est terminée sans que la FOM et Liberty Media ne règlent certains dossiers en cours – des dossiers dont la finalisation est pourtant cruciale pour l’avenir de la F1. Petit tour d’horizon…
Refus de l’inscription d’Andretti : une claque suivie d’une affaire judiciaire ?
« Festina lente », hâte-toi lentement : la FOM a fait sienne la devise de l’Empereur Auguste sur le dossier Andretti. Avant que le couperet ne tombe finalement, et de manière violente, hier soir.
L’équipe américaine frappait à la porte de la F1 depuis maintenant plus d’un an.
En octobre dernier, la FIA avait annoncé, avec tambours et trompettes, retenir et valider le dossier Andretti pour qu’elle entre en F1 et devienne sa 11e équipe.
Seulement, il ne fallait pas s’y tromper. Si l’accord de la FIA est nécessaire, celui de la FOM (Liberty Media) et des équipes l’était tout autant, et c’était là que se situait la véritable difficulté.
Avec des arguments massue et insultants pour la qualité de la candidature d’Andretti-Cadillac : moteur client (jusqu’en 2028), doutes sur la compétitivité, taille des paddocks restreinte (alors même que cet argument a déjà été démonté), la FOM mêlait des arguments injustes ou très sévères, au choix.
Le communiqué apparaît in fine comme une véritable claque pour Andretti… Et cela peut paraître bien surprenant, étant donné qu’Andretti apportait des garanties financières et sportives solides ; étant donné aussi que Général Motors (via Cadillac) avait rejoint aussi le projet, comme sponsor puis comme éventuel motoriste ; et enfin, à l’heure où la F1 cherche à se développer aux États-Unis, l’arrivée d’une équipe américaine serait tout à fait bienvenue.
Les dernières déclarations de la FOM comme des équipes montraient toutefois un grand scepticisme. En novembre dernier, Stefano Domenicali assumait sa volonté de prendre du temps sur le dossier : « Je dirais que je n’ai rien à cacher là-dessus. C’est un processus commercial en cours, que je respecte, et quand nous serons prêts, nous donnerons la réponse Nous ne ressentons aucune pression là-dessus mais nous devons faire le bon travail, c’est notre devoir. »
La FOM semblait de toute façon acquise aux arguments des autres équipes F1, qui craignent de perdre un dixième de leurs revenus (puisqu’il faudrait partager davantage le gâteau). À chaque nouvel argument apporté par Andretti, les équipes en demandaient davantage (augmenter le fonds anti-dilution, exiger plus de garanties pour montrer pourquoi les revenus de la F1 croîtront grâce à Andretti, etc.). Comme si les dés étaient pipés d’avance.
Même l’arrivée de Cadillac ne changeait rien par exemple pour Lawrence Stroll, qui a un point de vue très intéressant, bien sûr, en tant que propriétaire d’équipe. « L’arrivée de GM ne change rien à ma positio » lançait-il en novembre dernier. « Regardez ce qu’Audi a fait, Audi voulait se lancer dans le sport et ils ont acheté une équipe. La bonne façon d’entrer en NFL aujourd’hui, dans le hockey avec la LNH ou dans n’importe quelle grande franchise sportive, c’est d’acheter une équipe. Ensuite, c’est juste une question d’argent, donc s’ils veulent participer, ils devraient acheter une équipe comme d’autres l’ont fait. »
Se jouait enfin une lutte de pouvoir FIA/FOM sur ce point. À chaque déclaration, Mohammed Ben Sulayem rappelle tout le bien qu’il pense du projet Andretti ; or céder trop facilement aux avances d’Andretti, ce serait donc, pour Stefano Domenicali, en froid notable avec Mohammed Ben Sulayem, donner raison au président de la FIA. Autant dire qu’il n’en est pas question…
Désormais, que va-t-il se passer ? Andretti pourrait bien décider de porter l’affaire en justice, et il y aurait des arguments pour cela. En effet, une évolution récente de la jurisprudence européenne (voir notre article) a donné des arguments de poids à une telle procédure devant la CJUE. La FOM a sans doute déjà préparé ses avocats, et Andretti-General Motors aussi…
Quoi qu’il en soit, cet épisode et la violence de la réponse finale risquent de laisser des traces : la F1 apparaît comme un club trop fermé, privilégiant l’entre-soi à l’ouverture, fût-ce à des candidatures de qualité.
Trop de circuits urbains, trop de show et de spectacle ?
Cela a été annoncé en janvier, Madrid va accueillir la F1 de 2026 à 2035… sur un circuit qualifié de semi-urbain, ou semi-permanent, selon que l’on voie la bouteille à moitié pleine ou vide.
Sur les réseaux sociaux, les réactions des fans ont été plutôt fraîches : encore un circuit urbain ? À la place, potentiellement, d’un circuit permanent (Barcelone) ?
Et cela n’est peut-être pas tout. Puisqu’un autre tracé plus emblématique encore du calendrier F1, celui de Suzuka, voit son contrat expirer à la fin d’année. Or Osaka a justement candidaté pour le Grand Prix du Japon, en proposant un circuit qui serait aussi urbain.
Ces dernières années, la F1 a pris un virage ‘à la Formule E’, en se rapprochant des centres-villes : Miami, Djeddah, Las Vegas, Bakou, ou même Singapour… les courses urbaines se multiplient. L’objectif est bien sûr commercial : les opportunités offertes par les GP proches des centres sont plus intéressantes, ne serait-ce que pour la facilité d’accès des fans (à titre d’exemple, Madrid paierait ainsi le triple de Barcelone, tout en étant situé à moins de 10 km du centre-ville).
Or ces mêmes fans déplorent vivement la multiplication des courses urbaines, en avançant plusieurs arguments : circuits fades, dépassements plus difficiles, artificialité des événements, sécurité parfois douteuse (Djeddah ou plaque d’égout à Las Vegas)...
La fronde gagne même les pilotes et le premier d’entre eux, Max Verstappen. « C’est 99 % de spectacle et 1 % d’événement sportif » avait-il déclaré après le Grand Prix à Las Vegas, où il s’était senti comme un « clown ». « Je ne pense pas que ce soit si excitant. Déjà pour moi, un circuit urbain n’est pas très excitant, surtout avec ces nouvelles voitures, trop lourdes. »
La question qui se pose à la FOM est ainsi la suivante : Liberty Media va-t-elle écouter ses fans et limiter le virage urbain de la F1 ? Ou bien l’appel de l’argent, de l’attractivité financière, sera-t-il plus fort ? À cet égard, l’avenir du Grand Prix du Japon devrait être décisif.
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