Le temps des chevaliers : comment Moss perdit un titre en défendant Hawthorn face aux commissaires
Il défendit Hawthorn face aux commissaires de piste
La saison 1958 de F1 s’annonçait comme celle du duel entre les Italiens de Ferrari, emmenés par le fameux trio Mike Hawthorn - Peter Collins - Luigi Musso (plus le joker Wolfgang von Trips), et les Britanniques de Vanwall, pour lesquels concouraient Tony Brooks, Stuart Lewis-Evans et surtout Stirling Moss.
Le « champion sans couronne », décédé aujourd’hui à l’âge de 90 ans, avait toujours souhaité courir pour une équipe britannique, fût-elle peu compétitive ; mais en cette saison 1958, Vanwall disposait d’une monoplace bien plus performante (l’écurie gagna même, cette année, le tout premier titre décerné aux constructeurs, 8 points devant Ferrari).
Le titre aurait pu basculer définitivement dans l’escarcelle de Stirling Moss au Grand Prix du Portugal. Tandis que Moss gagnait le Grand Prix, Hawthorn, qui avait franchi la ligne d’arrivée en 2e position, risqua en effet la disqualification. Le pilote Ferrari, dans la seconde moitié de course, fut piégé et finit en tête-à-queue ; son moteur ne voulut pas tout de suite redémarrer. Les spectateurs arrivèrent alors pour l’aider à redémarrer, en poussant sa voiture, qui emprunta une échappatoire et à contre-sens – ce qui était formellement interdit par le règlement.
Les commissaires de piste avaient bien décidé de retirer tout point à Hawthorn, quand Stirling Moss – justifiant déjà son titre de chevalier – plaida pour son concurrent.
« Tout était alors très confus » se rappelait Moss au sujet de cet incident. « Nous devions travailler avec des interprètes. Les témoins visuels ont été convoqués pour donner leur vision des choses. Mais le point que je voulais soulever devant les juges était que, selon moi, Hawthorn n’avait rien fait de mal. Les spectateurs avaient essayé de l’aider sans réaliser qu’ils enfreignaient une règle. Ils ont supposé que l’échappatoire qu’il avait empruntée ne faisait pas partie de la piste principale, donc c’était OK, de leur côté, pour pousser la voiture. »
La plaidoirie de Stirling Moss, l’avocat improbable, fut efficace : Hawthorn fut finalement repêché par les commissaires, tandis que le pilote Vanwall reçut les applaudissements béats de la presse et du public.
L’histoire voulut finalement que Hawthorn remportât le titre 1958 avec un seul point d’avance, devenant le premier champion du monde britannique, au grand désespoir du patriote Moss ; Hawthorn, qui n’avait gagné qu’un seul Grand Prix (contre 4 pour Moss) s’était montré moins méritant cette année, mais plus régulier. Si Moss n’avait ainsi pas fait preuve d’autant de chevalerie au Portugal, il n’aurait pas été surnommé, le reste de sa vie, le « champion sans couronne ».
« Cela m’a coûté un titre de champion, oui. Et alors [So what] ? Ce que je voulais le puis, c’était le respect entre les pilotes » confiait encore, toujours magnanime, Moss au début des années 2010…
« Bien sûr, ce ne pourrait arriver aujourd’hui. Mais moi, je n’ai pas changé, dans la même situation, mon instinct, ce serait de faire exactement la même chose. C’était la bonne chose à faire. Mais la F1 a changé, mon équipe ne me permettrait jamais de faire quelque chose qui coûte des points à l’équipe. Aujourd’hui, il y a trop d’argent en jeu. »
Pour la petite et grande histoire, Hawthorn signa, lors de ce fameux Grand Prix du Portugal, le meilleur tour en course, ce qui valait alors un point (décisif pour l’attribution du titre). Moss fut prévenu, par panneau interposé, que la Ferrari avait battu le record du tour, par la mention « Hawthorn REC » (Record) ; mais Moss lut Hawthorn REG (pour régulier) et n’accéléra ainsi pas le tour suivant…