Le départ de Honda, le prologue d’une crise existentielle pour la F1 ?

Quid de la prochaine génération de moteurs, entre hybride et électrique ?

Par Alexandre C.

4 octobre 2020 - 18:00
Le départ de Honda, le prologue (...)

Honda, peu convaincue par la stratégie durable de la F1 ?

Le départ de Honda de la F1, d’ici fin 2021, a certes été motivé par des considérations financières (l’engagement en F1 coûtait très cher au motoriste japonais) et sportives (la domination de Mercedes commençait à être pesante). Mais elle a été surtout été poussée par des motifs stratégiques et écologiques, ainsi que le rappelle le communiqué officiel du groupe publié à cette occasion.

Honda annonce ainsi, en se retirant de la F1, vouloir pousser pour « réaliser la neutralité carbone d’ici 2050 afin de contribuer à une société durable. » Et d’annoncer la couleur : le groupe se tournera davantage vers l’électrique pour ce faire (« À cette fin, notre objectif actuel d’électrifier les deux tiers de nos ventes mondiales d’automobiles en 2030 deviendra une étape que nous devons franchir avant d’atteindre l’objectif 2050, et nous devons donc accélérer encore l’introduction de nos technologies décarbonées » peut-on lire dans le communiqué). »

C’est ainsi que Honda déploiera ses ressources de la F1 vers l’électrique et le durable en priorité.

Cela a été encore peu noté, mais il s’agit d’une vraie claque infligée à la F1. Car Liberty Media a poussé pour que le sport s’engage sur la voie de la durabilité. Une stratégie de neutralité carbone a été annoncée, entrant en vigueur pour 2030… alors même que Honda se retire en invoquant sa volonté d’atteinte la neutralité carbone. De même, la F1 a annoncé vouloir introduire 100 % de carburants durables à terme. Visiblement, Honda n’a pas été satisfaite par ces évolutions.

Autre camouflet pour la F1 : Honda a annoncé la prolongation de son engagement en IndyCar… Cette fois-ci, sans doute moins pour des raisons écologiques (l’IndyCar a lancé une stratégie hybride mais moins ambitieuse que celle de la F1) que pour des raisons de coût (l’IndyCar coûte bien moins cher) et de compétitivité (Honda peut régulièrement jouer le titre, alors que Mercedes verrouille la compétition en F1).

La Formule E, une menace ?

Au vu du communiqué de Honda, il est alors possible de s’interroger : le groupe japonais ne va-t-il pas définitivement délaisser la F1 pour la Formule E ? En effet, un tel engagement dans la série électrique serait logique, pour un groupe voulant prioriser ce domaine.

Si Jean Todt par exemple ne voit pas la Formule E menacer à terme la F1, ce n’est pas le cas d’Alejandro Agag, le promoteur de la discipline, ou d’autres observateurs. Le départ de Honda relance ainsi le débat : à terme, la Formule E n’est-elle pas une menace existentielle pour la F1 ?

C’est d’ailleurs la tendance actuelle de l’industrie en général. Cette évolution est ainsi logique pour Mark Callagher, l’ancien responsable de Cosowrth dans la discipline : « La Formule 1 risque aujourd’hui de perdre un peu de sa pertinence pour les constructeurs automobiles, et en particulier pour les constructeurs qui ne sont pas encore investis dans ce sport, car le monde des véhicules évolue beaucoup plus vite qu’on ne le pensait il y a cinq ans. Je pense que le départ de Honda, bien qu’il soit choquant, est tout à fait conforme à ce que nous voyons se produire dans le monde entier. Pour la Formule 1, cela pose des questions assez fondamentales sur ce qu’ils vont faire au cours des trois ou quatre prochaines années. »

Le monde du sport a déjà vu une série être totalement asséchée par la Formule E : le WEC. En quelques mois, Porsche et Audi ont délaissé le WEC pour la Formule E. Sans compter que la discipline attire de plus en plus de constructeurs prestigieux (Jaguar, Mercedes, PSA, BMW…). Si la qualité des pilotes suit, c’est bien à ce moment que le leadership de la F1 pourra être remis en question.

La future motorisation de la F1 : un tournant décisif.

Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour autant, afin d’éviter ce risque, la question de la prochaine motorisation des F1 sera décisive.

Les nouveaux moteurs de F1 devraient être introduits en 2025-2026 et une grande question se pose déjà : quelle direction emprunter ?

Ce que le choix de Honda veut dire, c’est ceci : le groupe japonais semble davantage croire dans l’électrique que dans l’hybride – pour lequel la F1 a beaucoup poussé. Que doit alors faire la F1 ? Tenter de prendre la Formule E à son propre jeu en allant vers l’électrique ? Ce serait assécher l’identité de la discipline. Poursuivre vers l’hybride ? Honda l’a prouvé, ce choix pourrait ne pas être pertinent aux yeux de grands constructeurs (car il s’agit aussi d’en attirer de nouveaux…). Et une stratégie 100 % carburants durables semble un peu légère pour contenter tout le monde. Revenir aux V10 pour tout miser sur le romantisme sonore ? Ce serait un choix anachronique.

En mai dernier, Cyril Abiteboul, qui a une grande expérience des moteurs chez Renault, résumait ainsi la situation, en évoquant la piste d’une F1 à multiple technologies, entre moteurs hybrides et électriques, ce qui pourrait être en effet une piste à explorer : « Le romantique en moi dirait [de revenir aux V10], mais bien sûr, en 2025, le monde sera différent. Les moteurs électriques sont une tendance lourde. Selon moi, il faudra étudier, ces prochaines années, la pertinence du MGU-H pour les voitures de série. Parce que clairement, ce composant a été introduit dans ce but. Et aujourd’hui, nous ne voyons aucune transposition de cette technologie sur les voitures de série. (…) Et ensuite oui, une diversité dans les technologies employées serait génial. Mais il faut veiller à ne pas créer trop d’inégalités dans les performances. Il pourrait être intéressant de discuter non pas de la prochaine génération de moteurs, mais de la prochaine génération de carburant, parce que nous croyons toujours que la F1 doit épouser une technologie hybride - pas 100 % électrique, pour un certain nombre de raisons. »

Entre hybride et électrique, entre bio-carburants et nouveaux moteurs, la F1 se retrouve ainsi face à un dilemme, que révèle le choix de Honda : c’est tout simplement la question de la pertinence de la série, pour les grands motoristes, qui se pose à moyen terme… Un dossier de plus sur la pile de travail de Stefano Domenicali.

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