La vraie-fausse fin des couvertures chauffantes, un grand gâchis pour Pirelli ?
Isola fait le bilan d’une année rock-and-roll
Pirelli n’a pas chômé en cette année 2024.
Le manufacturier italien a tout d’abord continué à développer des pneus slicks sans couvertures chauffantes… avant que le sport décide finalement, face aux craintes et aux critiques, de dire « niet » au bannissement des couvertures chauffantes.
Au moins, Pirelli a pu introduire des pneus « full-wet » sans couvertures chauffantes, tester une allocation alternative de pneus pour économiser de l’argent comme du carbone, ou lancer une nouvelle construction des pneus au Grand Prix du Royaume-Uni, pour faire face à l’augmentation de l’appui aérodynamique. Dans le même temps, le travail pour développer des pneus 2025 avec moins de surchauffe est bien lancé.
Et bien sûr, Pirelli a prolongé son contrat avec la F1 (pour peut-être la dernière fois) jusqu’à fin 2027.
« Le point de vue global est positif » se réjouit ainsi, au pied du sapin, Mario Isola, le responsable de Pirelli pour la F1.
« Nous avons été en mesure de réagir à quelques situations qui n’étaient pas prévisibles. »
« La première était l’augmentation des performances que nous avons constatée au début de la saison. Et je pense que notre réaction a été la bonne. Homologuer une nouvelle construction dont nous savions qu’elle n’apporterait aucune différence en termes d’équilibre, de performance et de comportement était la bonne approche, au lieu d’augmenter la pression. »
« Il est évident que nous devons essayer d’anticiper autant que possible, mais parfois ce n’est pas possible ou prévisible. Ce qui est important dans ce cas, c’est que nous trouvions ensemble la bonne solution. »
La vraie-fausse fin des couvertures chauffantes, un épisode malheureux pour Pirelli ?
Mario Isola revient un instant sur le stop-and-go infligé aux couvertures chauffantes…
Initialement, la F1 devait bannir les couvertures chauffantes pour des raisons tant économiques qu’écologiques. Mais de nombreux pilotes, comme George Russell, président du GPDA, ont pointé le danger que cela représenterait, notamment en début de relais (avec des pneus plus froids, le risque d’accident aurait été plus élevé). De plus, les stratégies auraient été rendues plus basiques (il serait moins avantageux de faire un arrêt supplémentaire, compte tenu du temps de chauffe), et l’overcut serait devenu plus puissant que l’undercut.
Mario Isola regrette-t-il le temps perdu ? Aurait-il voulu que la F1 maintienne l’interdiction des couvertures chauffantes pour l’an prochain ou 2025 ?
« Grâce au travail sur la fin des couvertures chauffantes, nous avons trouvé de nouveaux matériaux et de nouvelles géométries pour la construction qui fonctionnent très bien. Pour 2025, nous introduirons donc certaines des idées que nous avons eues avec les pneus sans couvertures chauffantes. »
« Si vous travaillez pour un pneu sans couvertures chauffantes qui pourrait fonctionner dans des conditions froides, vous devez alors abaisser la fenêtre de fonctionnement, mais vous augmentez alors la surchauffe. Mais maintenant, nous pouvons aller dans l’autre direction. Sur le plan de la construction des pneus, je pense donc que le travail sur la fin des couvertures chauffantes a été utile. Pour les composés, un peu moins. »
« Heureusement, nous étions déjà en train de tester cette nouvelle construction, car il s’agissait d’une idée pour les pneus sans couvertures chauffantes. La première étape pour les pneus sans couvertures chauffantes, était d’avoir une construction plus résistante à basse pression. »
« Sans couvertures chauffantes, il est évident que l’on commence avec des pressions beaucoup plus faibles, puis on augmente la pression. Il y a donc une phase transitoire qu’il faut protéger. »
Réduire la surchauffe, le nouveau défi de Pirelli
La réduction de la surchauffe est désormais la grande priorité de Pirelli pour 2025.
Après deux années d’interruption d’essais, en raison de la pandémie, le manufacturier pu reprendre un programme de tests chargé pour développer les pneus 2024 et 2025.
Mais Mario Isola dispose-t-il d’assez de données pour bien faire son travail ? Et peut-il indiquer les premières tendances des pneus Pirelli pour les deux prochaines années, en fonction des données déjà reçues ?
« Il est évident que lorsque vous avez une nouvelle voiture, le taux de développement est plus important au début, puis la courbe s’aplatit un peu. »
« Nous avons reçu les simulations actualisées des équipes pour l’année prochaine, avec une estimation des charges d’appui aérodynamique, à la fin de l’année prochaine. Notre priorité est d’analyser ces données pour comprendre la situation. Ils s’attendent à un taux de développement plus faible pour l’année prochaine, de sorte que nous puissions faire face avec la construction actuelle. »
« L’année dernière, si vous vous souvenez bien, les commentaires des pilotes étaient très positifs, ils disaient qu’il y avait beaucoup moins de surchauffe par rapport au pneu de 13 pouces, que nous pouvions suivre les autres F1, que nous pouvions pousser beaucoup plus. Et puis nous avons orienté notre développement sur les pneus sans couvertures chauffantes. Nous nous sommes donc entièrement concentrés sur ce pneu. Et nous avons dû changer un peu de direction. »
Mario Isola explique que la surchauffe est redevenue un problème en F1, en raison de l’augmentation de l’appui des forces aérodynamiques. Les voitures ont ainsi plus de mal à se suivre...
« Nous avons une nouvelle construction, mais nous avons des composés qui sont similaires à ceux de 2022. Mais en 2023, les pilotes se plaignaient de surchauffe, et sur le même composé, ce qui signifie qu’il y avait quelque chose de différent par rapport à l’année dernière. »
« Si l’année dernière, la surchauffe n’avait pas d’impact, aujourd’hui elle provient du développement du package aérodynamique qui crée un flux d’air différent derrière la voiture. Je pense que l’écoulement de l’air est différent. Les pilotes ont donc des turbulences qui perturbent l’appui aérodynamique lorsqu’ils se suivent. »
Pirelli satisfaite de son engagement de 13 ans avec la F1
Au final, Pirelli a donc prolongé pour trois années supplémentaires avec la F1, avec une incertitude pour la suite.
Pirelli est ainsi avec la F1 depuis maintenant 13 ans : le bilan est-il globalement positif pour Mario Isola ? En dépit des polémiques ?
« Nous voulions continuer. Je pense qu’au cours de ces 13 dernières années, nous avons été un bon partenaire de la F1, un partenaire loyal, qui a toujours essayé de satisfaire les demandes de la F1, de la FIA, des équipes et des pilotes. »
« Et avec un niveau de flexibilité qui n’est pas commun pour une plus grande entreprise, parce que Pirelli n’est pas seulement une entreprise de sport automobile, ce n’est pas une équipe de F1. »
« Au cours des 13 dernières années, nous avons dû relever de nombreux défis : différentes voitures, différentes tailles de pneus, différentes demandes, différents niveaux de dégradation, de nouveaux circuits - cette année, Las Vegas a été un grand défi, par exemple. »
« Nous avons toujours trouvé le moyen de remplir nos obligations. Je pense que c’est probablement un avantage et l’une des raisons pour lesquelles nous avons été sélectionnés par la F1. »
« Et je crois que nous avons été en mesure de démontrer notre flexibilité. Nous nous sommes également engagés à travailler ensemble afin de trouver les meilleures solutions pour le sport. Et il est clair que les meilleures solutions pour le sport sont aussi les meilleures pour nous, car si le sport est couronné de succès, nous investissons notre argent de la bonne manière. »
Pirelli
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