La lumière avant l’ombre : Espagne 2012 et 2014, ultimes sourires de Frank Williams en F1
Des rayons de soleil teintés d’ombre
La dernière victoire de Frank Williams comme de l’équipe qu’il aura fondée en F1 restera donc (peut-être pour un bon bout de temps encore) celle, tout à fait inattendue, au Grand Prix d’Espagne 2012, avec la pole position et la victoire de Pastor Maldonado.
Alors que l’équipe se situait entre deux saisons très décevantes, 2011 et 2013, cette victoire apparut comme un rayon de soleil inattendu, qui faisait démentir la perception de Grove comme une équipe engagée dans un déclin aussi pénible qu’inéluctable.
Peut-être ce jour de mai 2012 demeurera ainsi comme l’un des derniers sourires de Frank Williams en F1 qui cloué sur sa chaise, ne vécut pas un week-end tout à fait comme les autres.
Cette victoire de Barcelone fut résumée alors en un mot par Frank Williams : un « soulagement. » Comme un dernier soupir après tant de périodes difficiles, sportives et financières.
« De nombreuses années ont passé depuis notre dernière victoire en Grand Prix (Brésil 2004, ndlr). Mais pour tous les gars dans l’équipe, un million de merci à eux et à tous ceux à l’usine. Nous avions vraiment besoin de cette victoire » poursuivait-il alors.
Mais pour Frank Williams, cette victoire était aussi et surtout celle de Pastor Maldonado. Le Vénézuélien était alors perçu comme un pilote parfois rapide, mais surtout erratique et payant. Tel n’était pas l’avis de Frank Williams qui assurait ne pas l’avoir engagé seulement grâce à ses pétros-dollars.
« Je ne pense pas l’avoir vu faire la moindre erreur, il a conduit bien au-dessus de nos attentes et c’est un pilote de course brillant. Peut-être même un possible champion du monde... » commentait ainsi Frank Williams à propos de son pilote.
« Oui, dans une certaine mesure. Je ne peux pas nier que nous n’y avons pas pensé [à son argent]. Mais s’il avait été mauvais, il ne serait pas dans l’équipe, peu importe la somme d’argent qu’il pouvait amener. Il a fait un très bon travail en GP2 et mérite pleinement d’être dans l’équipe, avec ou sans l’argent. La vérité aujourd’hui c’est que si vous n’avez pas de budget, vous ne pouvez pas rouler en F1 ».
« Mais nous avons un véritable pilote de course. Je suis juste étonné par la façon dont il parvient à se contrôler et par le fait qu’il n’a pas fait la moindre erreur. Quand un pilote qui n’est pas habitué à rouler devant se retrouve en tête, il a toujours tendance à faire une erreur. Mais pas lui. Il était calme à la radio tout le temps. »
Pour l’anecdote, Toto Wolff, qui était alors un des principaux actionnaires de Williams, soutenait totalement la politique Maldonado : « Pour faire du GP2, il vous faut quelques millions. Les pilotes d’aujourd’hui ne doivent pas seulement être rapides et talentueux, ils doivent aussi attirer les sponsors. Oublions donc ce qualificatif de pilote payant. »
L’incendie du garage
Unique et pas comme les autres, ce Grand Prix d’Espagne 2012 le fut jusqu’au bout pour Williams. Car après le soupir de soulagement, vint la frayeur : le garage Williams prit feu et fut détruit à plus de 90 %.
C’est alors que la solidarité du paddock entra en œuvre : les autres équipes, après avoir aidé à maîtriser le feu, fournirent du matériel, en particulier des casques radio, à Grove, qui sans cela aurait été dans l’impossibilité de disputer le prochain Grand Prix à Monaco.
Cet épisode illustra ainsi la solidarité à toute épreuve du paddock, ce dont Frank Williams était tout à fait reconnaissant quelques jours après : « Nous avons tous les équipements nécessaires pour cette course à Monaco et nous avons reçu en prêt beaucoup de matériel de la part des autres équipes. C’est extraordinaire. Mon travail principal ce week-end sera d’aller voir tous les patrons d’équipe un à un pour aller les remercier et essayer de leur rendre la pareille, quelles que soient les choses qu’ils nous ont donné ou prêté. »
2014, le dernier rayon de soleil... avant la chute annoncée
Si Barcelone 2012 peut être ainsi considéré comme l’un des derniers rayons de soleil dans la fin de carrière éprouvante de Frank Williams, ne négligeons pas non plus la saison 2014 qui vit Williams revenir sur le devant de la scène, obtenant la 3e place au classement des constructeurs et battant McLaren ou Force India à moteur Mercedes égal.
Mais cette saison 2014 fut paradoxale. Certes, ce fut donc dans un premier temps celle d’un renouveau sportif. Un renouveau que Frank Williams voyait par exemple venir dès l’hiver 2013, en regardant les chiffres venus de la soufflerie (ce qui nous rappelle que le succès de Williams fut aussi un succès aérodynamique, pas seulement un succès dû à l’unité de puissance Mercedes, dont disposaient aussi McLaren et Force India) : « Selon les informations que nous avons et les données qui viennent de la soufflerie, cette voiture devrait être très compétitive » confiait ainsi Frank Williams à l’hiver 2013, qui ne se trompait pas.
Et cela redonnait une nouvelle ambition, comme une nouvelle motivation, au directeur d’écurie : « D’après ce que l’informatique nous dit, cette monoplace est plus compétitive que celle de l’année passée et nous avons aussi un moteur très compétitif. Les attentes et les aspirations sont des choses différentes. Nous aspirons à terminer régulièrement sur le podium et à terminer le championnat des constructeurs dans le top 3, mais je ne pense pas que nous en soyons déjà là. La première étape a été d’engager des ingénieurs compétents dans l’aérodynamique et l’engineering cet hiver afin de compléter l’équipe compétente que nous avions déjà. Cet hiver, nous avons aussi été très occupé sur le plan commercial et le résultat de ce travail est l’arrivée de plusieurs nouveaux partenaires. Nous avons démontré ces derniers mois que nous n’avions pas peur des changements afin de revenir à notre meilleur niveau »
Cependant si ce rayon de lumière fut paradoxal, c’est qu’il prépara sans crier garde le déclin de Williams. En effet cette nouvelle unité de puissance hybride était aussi particulièrement coûteuse. En un sens elle accéléra le déclin financier de Williams, ce qui aboutit au résultat que l’on sait (saisons catastrophiques à partir de 2019, puis vente de l’équipe).
Le pire est que Frank Williams avait vu venir la catastrophe, lui qui pointait dès l’intersaison 2013 le coût astronomique de cette nouvelle unité de puissance : « Pour tout vous dire, ce sont des moteurs incroyablement et inutilement chers. Cela ressemble peut-être à un voyage de noce pour les ingénieurs, mais ceci étant dit – car je ne peux parler que pour moi – je suis inquiet à propos du coût de ces moteurs. Cela va en effet nous coûter deux fois plus cher que les moteurs d’aujourd’hui. »
La lumière préparait ainsi l’ombre pour l’équipe Williams, et le flair de Frank avait vu l’une et l’autre.
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