La F1 rend-t-elle la vie impossible aux rookies ?
Trop de formats différents, de circuits inconnus…
Les équipes doivent aligner, lors de deux séances d’essais libres, des rookies – il s’agit là d’une obligation afin de donner du temps de roulage aux jeunes pilotes.
Le problème c’est qu’avec la multiplication des courses sprint, avec encore des tests de formats particuliers (l’allocation alternative de pneus), avec encore des pistes techniques et piégeuses (comme Singapour prochainement)… les équipes ne sont pas tentées de le faire !
Plus généralement, cela complique la vie des rookies en F1.
D’ailleurs, plutôt que de faire confiance à des jeunes pilotes, on préfère souvent rappeler ou prolonger de vieux briscards du sport (Nico Hülkenberg a ainsi remplacé Mick Schumacher chez Haas cette année, Fernando Alonso est revenu en F1, etc.)
James Vowles mesure bien combien il est difficile, pour un rookie, de s’adapter à la F1 dans ces conditions : les performances de Logan Sargeant ne sont pas au rendez-vous et Vowles lui-même a récemment mis la pression sur l’Américain.
C’est cette contradiction que pointe le patron de Williams : la F1 multiplie les innovations mais veut en même temps donner l’opportunité à des jeunes de rouler. Ne faut-il pas choisir et rendre la vie plus simple pour les rookies comme pour tout le monde ?
« Je n’y avais pas pensé en janvier, mais oui. La situation actuelle, avec le format d’allocation des pneus, le format des courses sprint, avec les séances mouillées qui arrivent sur la plupart des week-ends… vous êtes dans une situation où un jeune pilote a un cycle d’apprentissage considérablement réduit par rapport à ce que j’ai connu il y a cinq, dix, quinze ans. »
« Je pense qu’il convient de repenser, à certains niveaux, ce que nous pouvons faire pour aider les pilotes dans cette situation car, en fin de compte, nous nous retrouverons dans une position où nous n’ajouterons pas de nouveaux pilotes au rythme que nous souhaitons. »
« Ou alors, nous devrons leur permettre de rester si longtemps dans la voiture que cela compromettra les performances de l’équipe. C’est une discussion à plus long terme. »
Franz Tost livre son expertise sur les rookies
Spécialiste du développement des jeunes pilotes, Franz Tost, chez AlphaTauri, lui relève l’incongruité du calendrier F1. Les courses de début d’année notamment (Arabie saoudite, Miami, Melbourne...) et de fin saison sont inconnues des pilotes F2 qui ne s’y rendent pas.
« Si vous voulez engager un jeune pilote, vous devez le préparer de la meilleure façon possible - ce qui signifie faire au moins cinq à six mille kilomètres l’année précédente, avec des tests privés, et il doit s’agir de pilotes très qualifiés, sinon c’est très difficile pour eux, car, ne l’oubliez pas, au début de la saison, ils ne connaissent pas les circuits de course. »
« La plupart d’entre eux n’ont jamais été à Melbourne, à Miami, en Arabie Saoudite. Toute la deuxième moitié de la saison est un problème avec Singapour, le Japon, Austin, Mexico, São Paulo, le Qatar, ils ne connaissent pas ces circuits parce qu’ils courent en Formule 2 et la plupart de ces courses sont en Europe. Donc, une fois de plus, si vous voulez amener un pilote débutant, vous devez vraiment le préparer de la meilleure façon possible, sinon, aucune chance. »
Un pilote ne peut-il pas apprendre la piste dans le simulateur ?
« Le pilote connaît immédiatement la nouvelle piste, mais les circonstances sont différentes. Par exemple, s’ils sortent en essais libres, la température de la piste est, disons, de 35 degrés, puis de 40 degrés en qualifications. Lors des qualifications, il peut y avoir un vent latéral ou un vent de face, ce qui change tout. Les performances des équipes sont tellement élevées, les voitures sont tellement proches les unes des autres que des centièmes de seconde décident des différentes positions. Cela rend les choses difficiles. »
« Le pilote connaît le circuit et les virages après, disons, 30 minutes de conduite parce qu’il les a appris en Formule 3, en Formule 2 et aussi sur le simulateur. Mais pour tirer le meilleur parti des pneus, pour tirer le meilleur parti des qualifications à ce tour précis, il faut de l’expérience. Et vous pouvez dire au pilote tout ce que vous voulez, il doit en faire l’expérience. Quel angle adopter pour passer les vibreurs, quand freiner, comment tourner - ce sont des choses très spéciales. Ici, à Zandvoort, par exemple, tout dépend du vent, du sable qui entre, il faut en tenir compte. C’est une expérience que l’on ne peut acquérir qu’au fil des années et qui manque aux pilotes débutants. »
Franz Tost relève également d’autres facteurs, d’ordre financier cette fois, expliquant la prudence de Sioux des équipes F1 à engager des rookies.
« Il est devenu beaucoup plus difficile pour les pilotes débutants d’entrer en Formule 1 qu’il y a quelques années. »
« Pourquoi ? Tout d’abord, le plateau de la F1 est très, très proche. Deuxièmement, sur le plan financier, il y a 10 ou 15 ans, vous obteniez peut-être 20 ou 30 millions de dollars pour la 10e place [dans le championnat des constructeurs]. »
« Aujourd’hui, vous obtenez 70 ou 80 millions. Cela signifie qu’il y a une grande différence. »
« La direction à suivre sera donc d’essayer de faire venir des pilotes expérimentés, car sinon vous vous retrouvez en queue de peloton du championnat des constructeurs. »
« Si vous voulez engager un pilote débutant, vous devez vraiment le préparer de la meilleure façon possible, sinon vous n’avez aucune chance. »
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