L’interdiction des couvertures chauffantes bloquée par les équipes de F1 ?

Vers la fin de l’undercut en F1 ?

Par Alexandre C.

22 juin 2023 - 18:47
L'interdiction des couvertures

Pour des raisons d’économie (budgétaires comme d’émissions carbone), la FIA entend bannir les couvertures chauffantes en F1 dès l’an prochain. Pirelli est en train de développer un pneu prévu à cet effet.

Or les pilotes, qui ont pu déjà effectuer quelques tests de pneus sans couvertures chauffantes, tirent la sonnette d’alarme.

C’est ainsi que chez Mercedes, George Russell (aussi président du GPDA) s’est dit « très inquiet » pour la sécurité. Charles Leclerc, après son test à Barcelone, a aussi fait part publiquement de son inquiétude, notamment pour la chauffe des gommes quand les températures de piste seront peu élevées.

Ce à quoi Pirelli a répondu qu’il fallait surtout que les pilotes changent et adaptent leur style de pilotage.

Quelle direction sera alors prise par le sport ? L’horloge tourne : il faudra qu’une décision soit prise d’ici le 31 juillet.

Les règles sont claires : il faut que FIA et FOM soient d’accord, mais aussi cinq équipes de F1. Si six équipes s’opposent au bannissement des couvertures chauffantes, alors la règle ne sera pas introduite pour l’an prochain.

L’opposition monte... mais tout n’est peut-être pas perdu pour Pirelli. Le manufacturier compte aussi ses partisans, comme chez Alpine avec Alan Permane.

« Pirelli voulait introduire les pneus sans couvertures chauffantes cette année et avait besoin du soutien de huit équipes, ce qui n’a malheureusement pas été obtenu. Mais nous y arriverons pour l’an prochain. »

Toutefois il y a aussi les contre, notamment chez Mercedes. A entendre James Allison, le directeur technique, on se doute que Mercedes votera contre l’interdiction des couvertures pour l’an prochain.

« Au premier abord, et après les premiers roulages de ces pneus sans couvertures chauffantes, on ne peut pas dire, c’est un fait, que ce soit forcément une bonne chose l’année prochaine. Je dirais qu’il y a beaucoup de défis à relever pour que cela fonctionne. »

Même son de cloche du côté de Toto Wolff, qui veut se fonder sur le retour de ses pilotes. Or le retour d’expérience est donc très négatif pour George Russell...

« Si l’on fait abstraction des pensées spécifiques des équipes, à la fin, nous voulons un bon spectacle et nous devons écouter les pilotes. Et ne pas attendre trop longtemps, mais écouter tout le monde et voir quelle est l’opinion sur les pneus sans couvertures. »

« J’ai tendance à être d’accord avec les pilotes : pourquoi faire des expériences qui peuvent potentiellement créer un risque pour la sécurité ? Nous avons vu en WEC [championnat qui court sans couvertures chauffantes] à quel point cela peut mal tourner à Spa. »

« Que voulons-nous donc obtenir ? Ne pas dépenser d’énergie pour chauffer des pneus pluie ou intermédiaires que nous utilisons très peu dans l’année ? »

« C’est une question de risque et de récompense. Dans ma vie, j’ai compris que le risque et la récompense doivent être bien mesurés. Et je ne pense pas qu’il y ait une grande récompense à faire des expériences dans des voitures de Formule 1 avec des pilotes pour le plaisir. »

Chez McLaren, Andrea Stella, le directeur d’écurie, est aussi inquiet des risques potentiels de sécurité. Il met en garde la FIA contre toute mesure qui pourrait se retourner en énorme polémique l’an prochain, en cas d’accident grave...

« Si les rapports techniques contiennent des preuves convaincantes que c’est une bonne idée, nous les soutiendrons. Il est clair que cela doit être très convaincant parce que les implications, si vous vous trompez, peuvent être dramatiques. Et donc nous ne voulons pas exposer le sport à ce genre de risque si ce n’est pas techniquement, et même d’un point de vue sportif, tout à fait valable. »

« Nous verrons donc. Nous faisons confiance à la FIA pour mener ce processus, mais il est certain qu’elle doit être bien informée, ce n’est pas une question d’opinion pour ce genre de sujet. »

Apportant un éclairage plus technique, Pierre Waché, le directeur technique de Red Bull, est aussi plutôt dubitatif. Notamment sur la véritable réduction des émissions carbone, l’un des grands facteurs derrière la proposition de bannissement.

« Le principal problème [du point de vue] du pneu est plutôt l’évolution de la pression pendant un relais - et c’est quelque chose que nous verrons lorsque nous le testerons. Et nous aurons alors une meilleure vue sur ce point. »

« Avoir plus d’énergie électrique est plus efficace selon moi [pour polluer moins], mais c’est mon sentiment et ma vision des choses. »

Ce ne serait pas la première fois que la F1 échouerait à bannir les couvertures chauffantes : de pareilles tentatives avaient eu lieu en 2008 (avec Bridgestone) et en 2014 et 2018 avec Pirelli.

Pirelli répond aux critiques mais reconnaît la fin potentielle de l’undercut

Il y a donc le feu au lac et alors que le vote final et crucial approche, Pirelli a rappelé, à travers Mario Isola, combien la sécurité importait pour le manufacturier italien.

« La priorité pour nous est la sécurité ; et nous n’allons pas fournir un pneu qui ne soit pas sûr. »

Mais même Isola reconnaît que sans couvertures chauffantes, le visage de la F1 pourrait changer : le niveau de dégradation comme la puissance de l’undercut seront impactés. Forcément, s’il est plus difficile de chauffer les Pirelli, l’overcut deviendra une stratégie plus fiable que l’undercut !

« Le spectacle est important et nous devons aussi, dans cette analyse, comprendre quel est l’impact de l’interdiction, non seulement pour le pilotage, mais aussi en termes de niveau de dégradation, de pic d’adhérence et d’autres éléments de ce genre. »

« Nous devons simuler, avec la FIA et la F1, des courses et des situations de course pour voir quelles sont les stratégies, etc. Il se peut que nous découvrions que tout le monde soit poussé à faire un arrêt unique pour de nombreuses raisons. »

« Lorsque nous parlons de stratégie, il s’agit d’un mélange de facteurs. Il s’agit de la dégradation du pneu, de la difficulté à dépasser, car le trafic a évidemment une influence différente sur la stratégie. »

« Nous devons toujours prendre en compte l’ensemble des facteurs, car ce n’est pas seulement le pneu qui fonctionne sur une voiture et sur un circuit. »

« Je sais que les pilotes ne sont pas contents parce que c’est un grand changement et qu’ils devront changer leur approche. »

« Nous savons que l’undercut ne fonctionnera plus et que la situation sera donc différente. »

« C’est pourquoi, par exemple, au cours de nos essais de développement, nous surveillons également les temps lors des tours de sortie, secteur par secteur, pour comprendre, au tout début du relais, quelle est la différence en termes de secondes par tour ou de secondes par secteur. »

« Nous essayons de collecter autant de données que possible pour fournir des informations utiles à la prise de décision. Mais si l’objectif est d’avoir un pneu sans couverture qui fonctionne exactement comme le pneu actuel, je vous le dis, c’est impossible. Impossible. »

« Mais ce n’est pas impossible seulement pour nous, c’est impossible pour tout le monde parce que si vous sortez avec un pneu froid, vous ne pouvez pas avoir la même adhérence que celle que vous avez maintenant avec 70 degrés de température dans le pneu. »

« Peut-être qu’à Bahreïn, il suffit d’un seul virage pour chauffer le pneu, parce que le tarmac est très agressif, que la température est élevée et que le tracé aide à injecter de l’énergie dans le pneu. Mais à Monaco, il faudra plus de temps pour chauffer les pneus. À Spielberg, il en faudra plus. C’est donc une approche différente. »

Un dernier test de pneus sans couvertures chauffantes, décisif, aura lieu après le Grand Prix de Silverstone...

Les pneus intermédiaire et pluie sans couvertures chauffantes donnent pourtant satisfaction

Pour rappel, Pirelli a pourtant déjà introduit des pneus intermédiaires et extrême-pluie sans couvertures chauffantes qui ont donné satisfaction.

C’est cette satisfaction qu’exprime Alan Permane, chez Alpine, alors que l’équipe française a aussi fait un test Pirelli à Miami.

« Nous les avons comparés au pneu intermédiaire standard qui roulait avec une couverture et les pneus sans couverture étaient meilleurs à tous points de vue. »

« Ils étaient meilleurs sur la mise en température, ils avaient une meilleure adhérence, ils étaient beaucoup plus agréables à conduire pour les gars. C’est tout ce que je peux dire. »

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