L’accrochage de Silverstone rappelle un scénario vu par le passé en F1
Ils ne sont pas les premiers rivaux pour un titre à s’accrocher
L’accrochage entre Lewis Hamilton et Max Verstappen à Silverstone s’est ajouté au nombreux clashs vécus entre les rivaux pour le titre mondial dans l’histoire de la F1.
Au fil des décennies, les rivalités faisant s’affronter deux pilotes pour le titre ont souvent débouché sur des moments de tension et des accrochages. Ce fut le cas dimanche dernier à Silverstone, mais il y a eu d’autres exemples de rivalités ayant fini par un ou plusieurs accrochages.
Prost / Senna - Suzuka 1989 et 1990
Parmi les rivalités les plus célèbres de la Formule 1, celle opposant Alain Prost et Ayrton Senna a donné lieu à deux grands moments de tension, tous deux arrivés sur le circuit de Suzuka, au Japon.
En 1989, alors que leur lutte durait depuis près de deux saisons, les deux hommes ont fini par s’accrocher dans la chicane suivant le 130 R. Le Français a tenté une attaque un peu lointaine sur son équipier, qui n’a pas du tout ouvert la porte.
Les deux McLaren sont d’abord restées immobilisées en piste (photo), avant que Senna ne reparte, laissant Prost perdre le titre. Mais finalement, le Brésilien n’a pas emprunté la sortie prévue dans l’échappatoire de la chicane et a été déclassé, rendant la couronne à Prost.
Un an plus tard, les deux hommes se sont retrouvés en lutte pour le titre sur le même circuit, et qualifiés en première ligne. La pole position ayant été bougée, Senna se plaignait de ne pas bénéficier du bon côté de la piste pour prendre son départ.
Cette fois, ils n’étaient plus équipiers puisque Prost était parti chez Ferrari durant l’intersaison. Mais c’est bien le Français qui a pris le meilleur départ, ce qui a poussé Senna à le harponner au premier virage, causant l’abandon des deux pilotes et validant son deuxième titre mondial.
Le Brésilien mit un an à admettre l’avoir fait volontairement, tandis que Prost fit part d’un "sentiment de dégoût" envers Senna : "Lui mettre mon poing dans la figure m’a traversé l’esprit, mais je crois que je n’en ai pas eu envie car il me dégoûte profondément."
Les deux hommes finirent par se réconcilier sur le podium du Grand Prix d’Australie 1993, pour la dernière course en carrière d’Alain Prost. Senna eut même un mot pour son "cher ami Alain" le matin de son décès à Imola, le 1er mai 1994.
Hill / Schumacher - Adélaïde 1994, Silverstone 1995 et Monza 1995
Après le décès de Senna, Damon Hill se retrouva propulsé au rang de leader chez Williams F1, et eut la tâche d’affronter un Michael Schumacher en pleine possession de ses moyens.
Dans le rôle de l’outsider inattendu et aidé par les pénalités subies par Schumacher, l’Anglais parvint à mener la bataille pour le titre jusqu’au Grand Prix d’Australie, à Adélaïde, dernière manche de la saison.
Après avoir percuté le mur, Schumacher vit son rival arriver et décida de refermer la porte alors que Hill se précipitait pour passer. Les deux hommes s’accrochèrent et l’Allemand remporta son premier sacre.
L’année suivante, Hill était l’outsider désigné de Schumacher mais ne parvint pas à lutter contre le pilote Benetton sur l’ensemble de la saison. A Silverstone comme à Monza (photo), les deux hommes s’accrochèrent par la faute du Britannique et Schumacher perdit patience.
En Angleterre, c’est une attaque optimiste du pilote Williams qui causa le double abandon tandis qu’en Italie, Hill rata son freinage et harponna son rival. Le titre ne fut pas réellement disputé, Schumacher survolant la saison.
Avec plus de 30 points d’écart (soit trois victoires à l’époque) et neuf succès pour Schumacher contre quatre pour Hill, le bilan était sans appel. Hill remporta le titre l’année suivante face à son nouvel équipier Jacques Villeneuve, tandis que Schumacher vivait une première saison difficile chez Ferrari.
Schumacher / Villeneuve - Jerez 1997
Hill parti chez Arrows après avoir été viré par Williams à la suite de son titre mondial, Schumacher retrouva une autre Williams pour la lutte pour le titre, celle de Villeneuve.
Les deux hommes menèrent un combat à distance tout au long de la saison, puisqu’ils ne partagèrent pas une seule fois le podium au fil de l’année, bien qu’étant tous les deux candidats au titre.
Lors de la dernière course de l’année à Jerez, qui accueillait le Grand Prix d’Europe, ils signèrent le même chrono en qualifications, ce que fit aussi Heinz-Harald Frentzen, du jamais vu en Formule 1.
En course, Schumacher prit le large mais Villeneuve remonta en milieu de course sur son rival, non sans avoir été ralenti par la Sauber de Norberto Fontana, sur ordre des dirigeants de Ferrari.
Lorsque Villeneuve attaqua finalement Schumacher, ce dernier lança une manœuvre similaire à celle sur Hill en 1994 et blessa la Williams. Mais sa Ferrari s’échoua dans les graviers, et il vit son rival canadien aller rafler le titre.
Peu contente de voir Schumacher effectuer la même manœuvre qu’en Australie trois ans auparavant, la direction de course de la F1 décida d’effacer tous ses points et de le priver du titre honorifique de vice-champion. Il conserva néanmoins ses statistiques de poles, de victoires et de podium de la saison.
Vettel / Webber - Istanbul 2010
Plus de dix ans plus tard, alors que la F1 entrait dans une ère de domination de Red Bull, l’équipe de Milton Keynes eut l’occasion de découvrir ce que signifiait la gestion de deux pilotes candidats au titre mondial.
En Turquie, Sebastian Vettel remontait sur Mark Webber, alors en tête, suivi des deux McLaren de Jenson Button et Lewis Hamilton. Craignant de devoir lutter pour se défendre face aux deux Britanniques, Vettel attaqua Webber.
A l’aspiration dans l’aileron arrière de l’autre Red Bull, il déborda par la gauche et tenta une manœuvre d’intimidation vers la droite. Webber n’eut pas le temps de se décaler et les deux voitures s’accrochèrent, causant l’abandon de Vettel.
Webber repartit pour terminer troisième, mais le mal était fait. Quelques semaines plus tard à Silverstone, le conflit devint politique lorsque l’équipe enleva une évolution à Webber pour la donner à Vettel, alors que la sienne avait cassé en essais.
Mark Webber s’imposa et lâcha un cynique "pas mal pour un numéro 2" à la radio après sa victoire. Les deux pilotes ne s’accrochèrent plus par la suite, mais leur relation monta encore en tension en 2012 à Interlagos, lorsque Webber refusa d’aider Vettel, qui remontait pour aller chercher son titre après un tête-à-queue au départ.
Quelques mois plus tard, au Grand Prix de Malaisie 2013, Vettel refusa d’écouter la consigne ’Multi 21’, qui signifiait que la voiture numéro 2 devait rester devant la numéro 1. Les deux hommes mirent du temps à enterrer la hache de guerre, mais y parvinrent une fois que Webber avait quitté la F1.
Hamilton / Rosberg - Spa 2014, Barcelone 2016, Spielberg 2016
Après Red Bull, ce fut au tour de Mercedes F1 de découvrir les difficultés d’avoir deux pilotes se battant librement pour le titre mondial. Amis de longue date, Lewis Hamilton et Nico Rosberg virent leur relation s’effondrer sous le poids des tensions liées à la défense d’un titre mondial.
Après une année 2013 plutôt sereine chez Mercedes, la saison 2014 donna lieu au premier véritable affrontement pour le titre entre les deux pilotes. A Spa-Francorchamps, une première touchette eut lieu et les premières tensions naquirent à la suite de cet incident.
La saison 2015 fut dominée par Hamilton, ce qui évita toute situation de lutte directe - bien que le départ du GP des Etats-Unis fut houleux entre les deux équipiers. En revanche, 2016 donna lieu à de nouveaux affrontements en piste, et ce dès la cinquième course de l’année.
Au départ à Barcelone, Rosberg vira en tête mais sélectionna le mauvais mode moteur à la sortie du virage 3. Fortement ralenti, il vit Hamilton se porter à sa droite et tenter un dépassement sur une partie de piste qui était très étroite.
Aucun ne voulut lâcher et les deux Mercedes s’accrochèrent et abandonnèrent. Ironiquement, ce double abandon offrit à un certain Max Verstappen sa première victoire en Grand Prix.
A partir de là, la guerre était déclarée et les deux pilotes s’accrochèrent de nouveau en fin de course en Autriche. Avec des pneus totalement détruits, Rosberg vit Hamilton remonter et défendit l’intérieur en ratant son freinage.
Hamilton tourna pour prendre son virage et les deux pilotes se touchèrent. Par la suite, aucun autre incident ne vint ponctuer leur fin de saison, mais la relation entre les deux hommes était totalement dégradée.
Encore aujourd’hui, une certaine tension existe dans les déclarations au sujet de leur affrontement. Cependant, ils ont été vus ensemble lors d’une journée de repos et de loisirs à Monaco cette année, laissant un espoir de réconciliation publique à l’avenir.
Une chose semble en tout cas sûre, et a fortiori si Hamilton et Verstappen se battent encore plusieurs années : l’accrochage de Silverstone pourrait être le début d’une série d’incidents entre les deux hommes, qui donneront tout pour aller chercher le titre mondial en fin de saison.