Interview - Grosjean évoque sa santé, son accident et sa volonté de courir à Abu Dhabi
Le Français fait le point aujourd’hui depuis Bahreïn
Sorti de l’hôpital ce matin, et avant son interview ce soir avec Canal+ Sport, Romain Grosjean s’est entretenu cette après-midi à Bahreïn avec la presse française et a fait un point sur son état de santé, sur ce qu’il se rappelle de l’accident et sur la raison qui le pousse à courir à Abu Dhabi.
Globalement, le Français, qui a rejoint sa bulle chez Haas F1 (photo) ; assure qu’il va bien mais révèle que c’est "toute la partie gauche de mon corps qui a pris".
"Ma main gauche a été brûlée au deuxième degré, c’est ce qui m’inquiète le plus. Elle est encore gonflée et ce n’est pas très joli à voir. Le pouce gauche a aussi pris avec l’impact, je pense qu’il y a un petit souci avec le ligament en plus d’une entorse. J’arrive à faire pas mal de choses mais pas encore tout. Côté douleur ça, c’est supportable avec du paracétamol."
"Le pied gauche, et la cheville, ça va mieux, je peux maintenant marcher sans que cela me fasse trop mal. J’ai des bleus au genoux, aux fesses, à l’avant-bras et à l’épaule, tout du côté gauche."
Le Français est aussi revenu très en détail sur l’accident dont il a enfin pu voir les images. Il admet qu’il se souvient "de chaque seconde" comme en témoigne son récit.
"Sur le coup, ça va trop vite, je ne savais pas que j’avais touché Kvyat car je ne l’avais pas vu. J’étais énervé de lui avoir coupé la piste, il était dans mon angle mort de la sortie du virage 1 à l’impact. J’ai regardé deux fois dans le rétro : j’étais sorti plus vite que les autres du virage, il y avait des débris à gauche, donc je me mets à droite. Pour moi, il n’y avait personne, c’est pour ça que je me rabats à ce moment-là mais il y avait Kvyat. Le choc est subtil. Puis il y a le choc avec la barrière je ne l’ai pas senti violent avec la voiture. Je ferme les yeux."
"J’ouvre les yeux, j’enlève mon harnais, je tape quelque chose qui me bloque : je pense que c’est le halo, je me rassieds et je me dis qu’on va venir m’aider. À cet instant, je ne me rends pas compte qu’il y a le feu. Puis je regarde à gauche : c’est tout orange, je trouve ça bizarre, je comprends alors que ça brûle car le plastique de mes "tear off" sur le casque a pris feu. J’essaie de sortir sans réussir, j’ai le temps de penser que je vais finir comme Niki Lauda, méchamment brûlé. Je me dis que ce n’est pas possible, que je ne peux pas finir comme ça. Je réessaie, encore bloqué. Je me rassieds à nouveau et là, moment étrange où je vois la mort aussi proche qu’on peut le voir. J’ai presque le corps qui se relâche et qui se dit que c’est terminé."
"Je me suis demandé quelle partie allait brûler en premier, et si ça allait faire mal. J’ai pris 53G dans la tête donc forcément je suis un peu sonné. Mais ensuite, je tire comme un fou car mon pied gauche est coincé sous la pédale."
"Je me dis que je n’ai pas encore essayé de me glisser de l’autre côté : je mets mes mains dans le feu, les gants deviennent tout noirs, je sens la douleur, je sais alors que je suis en train de me cramer les mains. Au moment où le buste passe, c’est la délivrance, je sais que je vais vivre. Je passe la barrière, je sens que le docteur tire sur ma combinaison. Il me dit ’Assieds-toi’. J’enlève les gants et je l’engueule car il me parle comme à un blaireau."
Transporté à l’hôpital militaire, le plus proche du circuit, Grosjean a pu compter sur le président de la FIA pour rassurer au plus vite sa famille.
"Déjà, lorsque j’arrive au centre médical, je commence à douiller un peu, surtout au niveau du pied, c’est un peu l’étonnement. Je commence à trembler à cause de la douleur. Jean Todt me demande le numéro de ma femme, un des rares que je connais par cœur. Il a été extraordinaire, il a appelé plusieurs fois puis il a réussi à la joindre. Il a mis le haut-parleur et j’ai dit : ’Moustique, c’est moi’. Elle a éclaté de rire et s’est effondrée."
"Moi, j’ai vu la mort de trop près, c’est une sensation que je ne souhaite à personne. Ça changera ma vie à jamais. À ce moment-là, je n’avais pas peur, je n’étais pas énervé mais je ne voulais pas que ça se termine comme ça. J’ai juré : ’Putain, ça peut pas se terminer comme ça."
"Enfin, je n’ai pas eu de mal à visionner les images de l’accident. J’ai envie de voir la caméra dans la voiture (la fin du crash n’a pas été diffusée au public, ndlr) qui est apparemment impressionnante. On m’a dit que je suis resté d’un calme olympien. Après l’accident, le plus dur a été pour ma femme et mes enfants. Je me suis mis à leur place : mes enfants l’ont vu en direct devant la télé, comme mes proches. J’ai eu plus peur pour eux."
Que va-t-il se passer maintenant ? Günther Steiner a pris note de la volonté de Romain Grosjean de faire le dernier Grand Prix à Abu Dhabi, si le Français est bien en état de le faire. Le directeur de Haas F1 ne le lui refusera pas. Est-ce pour dire au revoir à la Formule 1 en beauté ? Ce n’est pas la première explication que donne Grosjean.
"Remonter dans une voiture de course, ce sera une bonne chose. Il y aura un choc post-traumatique : j’ai d’ailleurs commencé à travailler avec ma psychologue. Mais mon envie, tout de suite, c’était de remonter dans une F1. J’ai pensé à Abu Dhabi - désolé pour ma femme -, mais j’en ai besoin pour moi : savoir si j’en suis capable, savoir ce que je vais ressentir, comment je vais réagir. Je ne peux pas attendre sans savoir, je suis obligé de tout faire pour essayer de revenir dans la voiture. Si les médecins me disent que ce n’est pas possible, je les écouterai mais je dois essayer de remonter. Je dois être égoïste."
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