Ingénieur-stratège : dans les coulisses d’un métier-clef en F1
Aston Martin F1 nous dévoile quelques recettes…
La stratégie dans la F1 moderne doit combiner, d’une part, les modèles mathématiques de prévision, et d’autre part, l’adaptation à la situation en piste, en temps réel.
Le bon stratège en F1 est ainsi celui qui saura se fier aux chiffres, sans cependant leur accorder une foi absolue.
L’équilibre n’est bien sûr pas aisé à trouver : surtout quand les équipes de F1 disposent aujourd’hui de milliers de données, ce qui peut donner une impression d’invincibilité.
D’ailleurs, comment font les équipes de F1 pour concevoir leurs modèles informatiques, simulant les scénarios d’un Grand Prix ?
Tom McCullough, responsable de la performance chez Aston Martin F1, a livré quelques informations éclairantes à ce sujet, dans les coulisses de son équipe…
« Nous créons nous-mêmes la plupart de nos outils de simulation et nous cherchons constamment à les améliorer et à les perfectionner. Les ingénieurs en stratégie doivent continuellement développer les outils que nous utilisons pour permettre une prise de décision toujours plus facile et meilleure. »
« Les personnes capables de développer ces outils de simulation sont extrêmement utiles à l’équipe. Savoir coder et être à l’aise avec la programmation dans des langages tels que Python, Java, MATLAB et C# vous aidera à vous démarquer des autres candidats. »
« Grâce à l’IA et à l’apprentissage automatique, ils simulent des milliers de scénarios et actualisent même les simulations et la stratégie pendant la course - sur la base de données en temps réel provenant de la piste. »
« Les ingénieurs en stratégie sont généralement issus d’une formation en mathématiques et possèdent un solide diplôme d’ingénieur. Dotés d’excellentes compétences en matière de résolution de problèmes et d’une capacité de réflexion logique sous pression, ils doivent être en mesure de comprendre et d’analyser de grandes quantités de données. »
Il faut donc avoir la bosse des maths, mais aussi faire preuve d’agilité et de flexibilité... et il faut aussi apprendre à tirer un trait sur des stratégies, même si elles ont dû demander un dur labeur.
« Pour les personnes intéressées par une carrière dans ce domaine, nous recherchons des personnes qui comprennent l’aspect théorique, mais aussi l’aspect pratique - parce que si vous ne faites de la stratégie qu’avec des chiffres, cela va mal se passer. »
« Par exemple, il est très facile d’écrire un modèle sur la façon dont les pneus devraient se comporter en course après les EL1, mais il faut tenir compte du fait que les conditions de cette séance peuvent ne pas être représentatives de celles auxquelles les pneus seront soumis en course. La piste peut avoir évolué en termes de niveaux d’adhérence de plusieurs secondes, la température peut être plus élevée, les réglages de la voiture peuvent être différents et, par conséquent, les pneus se comporteront différemment. »
« En théorie, la stratégie est très simple. Il est facile de déterminer le chemin le plus rapide entre la ligne de départ et le drapeau à damier lorsque l’on connaît la durée de la course, la durée de vie des pneus, la dégradation des pneus, la différence de rythme entre les composés de pneus et les pertes de temps au stand, mais le défi consiste à être capable de prédire et de réagir à ce qui se passe dans la réalité. »
« Vous réagissez constamment à des événements en direct et à des données. Il y a tellement de variables : la dégradation réelle des pneus, la performance réelle des pneus, les positions sur la piste, la voiture de sécurité, ce que font les concurrents. »
« C’est l’une des tâches les plus difficiles sur la grille de départ. »
Ecouter ou ne pas écouter les pilotes ? Telle est la question
Un autre facteur s’ajoute à tout cela : la communication avec les pilotes. Là encore, il faut savoir trouver l’équilibre, poursuit le responsable d’Aston Martin F1. Les écouter, mais pas aveuglément.
« Vous devez vous assurer que vos pilotes comprennent la stratégie. Avant une course, nous discutons des différents plans avec les pilotes, afin qu’ils connaissent les plans A, B, C, etc. Ensuite, pendant la course, si le pilote dit : "J’ai vraiment du mal avec les pneus, je ne pense pas que nous allons faire le plan A, je pense que nous devrions envisager le plan B", c’est un retour d’information très utile et nous pouvons réagir sur la base de cette information. »
« Nous pouvons choisir de passer au plan B, à un autre plan ou, par exemple, un ingénieur en pneumatiques peut apporter plus d’informations à ce stade et ajouter : "Le pilote dit cela parce que les pneus surchauffent, mais si nous attendons que les pneus refroidissent, le niveau d’adhérence s’améliorera et nous pourrons nous en tenir au plan A". »
« Mais il est très risqué de suivre aveuglément tous les conseils et suggestions d’un pilote. »
« Par exemple, sur une piste séchante, un pilote peut demander un arrêt au stand pour passer des pneus secs aux pneus mouillés, mais il ne voit pas les fenêtres d’arrêts aux stands. C’est à nous de lui donner une image complète, en lui expliquant que changer les pneus pourrait l’entraîner dans le trafic derrière des pilotes équipés de pneus intermédiaires et lui faire perdre plus de temps que de rester sur la piste avec l’air libre. »
Aston Martin F1 Team
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