Ingénieur de course en F1 : les coulisses moins connues du métier
Plongée dans les coulisses du métier chez Aston Martin F1
Peter Bonnington et Gianpiero Lambiase sont peut-être les ingénieurs de course les plus connus de la F1, peut-être parce qu’ils officient auprès des deux pilotes les plus populaires, respectivement Lewis Hamilton et Max Verstappen.
Mais le grand public connaît peut-être moins les noms des autres ingénieurs de course.
Chez Aston Martin F1, c’est Ben Michell (auprès de Lance Stroll) et Chris Cronin (auprès de Fernando Alonso) qui remplissent ce rôle crucial, en week-end de Grand Prix mais pas seulement.
Ils sont les yeux, les oreilles, et parfois les cerveaux des pilotes titulaires dans le feu de l’action. Et ce sont parfois avec ces ingénieurs que les pilotes s’accrochent verbalement, en pleine course, en discutant stratégie ou consignes de course…
C’est une plongée dans les coulisses de ce travail que nous offre pour commencer Chris Cronin (photo), l’ingénieur de course de Fernando Alonso.
« Une grande partie de notre travail consiste à faire le lien entre les données qui nous sont transmises par Aston Martin Racing Technology et le pilote - en décidant quelles informations nous transmettons aux pilotes, ainsi que le moment et la manière de les communiquer. »
À la télévision, les communications radio entre les ingénieurs de course et les pilotes sont parfois diffusées... mais c’est évidemment une infime goutte dans l’océan, poursuit Cronin.
« Nous disons beaucoup de choses aux pilotes pendant la course, que vous n’entendrez jamais lors de la retransmission en direct à la TV. »
« Nous pouvons entendre tout ce qui est transmis aux autres voitures, entre les pilotes et leurs ingénieurs. Après un Grand Prix, nous disposons d’un fichier audio d’environ 15 minutes de chaque pilote et de chaque ingénieur de course, à partir duquel nous pouvons repérer les codes et mieux comprendre leur approche et leur stratégie. »
Ben Michell, l’ingénieur de course de Lance Stroll, souligne aussi que si l’on écoutait l’intégralité des échanges radio entre les ingénieurs et les pilotes, on pourrait vite s’ennuyer... Cependant, la TV déforme aussi parfois la nature des communications.
« Ils (la réalisation TV) ne font que prendre des bribes de la radio de l’équipe… et parfois le contexte est totalement différent - mais cela fait partie du jeu, et vous devez l’accepter. »
« Beaucoup de choses qui ne sont pas diffusées sont des choses banales comme les changements de bouton, qui ne sont peut-être pas passionnantes à écouter mais qui sont importantes - et nous écoutons les autres équipes discuter de ce genre de choses sur la radio d’équipe. »
L’ingénieur de course n’est bien sûr pas seul : il peut et doit s’appuyer sur les autres ingénieurs pour construire ses communications, précise Michell.
« On se rend vite compte qu’on ne peut pas faire le travail tout seul. »
« Pour être un bon ingénieur de course, il faut pouvoir compter sur le soutien, les compétences et le temps de ceux qui vous entourent. Tu fais partie d’une équipe et il y a beaucoup de gens autour de toi qui peuvent se concentrer sur des choses spécifiques. »
« En tant qu’ingénieur de course, vous n’avez pas le temps de vous concentrer en détail sur chaque domaine. Au lieu de cela, vous devez faire confiance à vos collègues pour qu’ils vous donnent les informations et qu’ils les transmettent au pilote. »
« Si vous essayez de tout faire vous-même, ce n’est pas efficace et vous vous épuiserez. C’est un privilège d’être en bout de chaîne de ce flux d’informations, de les fournir au pilote, mais si vous essayez de tout faire tout seul, cela va mal se passer. »
« Vous devez être sûr que la voiture et la stratégie soient là où il faut. Ce n’est pas sur la grille de départ qu’il faut commencer à douter ou à changer ces éléments. »
Construire une relation de confiance avec le pilote, le défi de l’ingénieur de course
Pour que la performance soit au rendez-vous, la technique joue un grand rôle, mais la confiance et l’intelligence émotionnelle aussi.
En héritant de Fernando Alonso, Chris Cronin a ainsi dû construire une relation de confiance avec un pilote déjà très expérimenté, et qui avait ses préférences.
« Les trois à six premiers mois de construction de la relation et de la compréhension entre vous, pour déterminer comment vous pouvez vous aider mutuellement à faire le meilleur travail possible, constituent l’une des périodes les plus difficiles. »
« Vous essayez, le plus rapidement possible, de ne leur donner que les informations qui vont vraiment les aider, qui vont faire la différence - qui vont leur permettre d’aller plus vite. Il y a beaucoup de choses périphériques qu’un pilote peut penser avoir besoin de savoir, mais ce n’est pas le cas. Cela ne fait que diluer les informations sur lesquelles il doit se concentrer. »
« Lorsque Fernando est arrivé, il s’est immédiatement dit : "C’est le genre de choses que j’aime et c’est ce qui m’aide à aller vite". Le fait d’avoir ce genre de direction raccourcit le processus de familiarisation, alors que pour les pilotes plus jeunes, cela peut prendre un peu plus de temps pour trouver ce dont ils ont besoin. »
Quant à Michell, il était lui ingénieur responsable de la performance, avant de devenir ingénieur de course de Lance Stroll.
« C’était presque un choc de devenir directement l’ingénieur de Lance. »
« Nous devions nous lancer directement dans la course. J’ai occupé d’autres fonctions, des fonctions importantes, à la fois sur la piste et à l’usine, mais des fonctions où il n’y a pas la même pression temporelle qu’en tant qu’ingénieur de course. »
« J’ai gagné des championnats dans d’autres catégories et j’espère faire de même en F1, mais si vous pensez que gagner un championnat va fondamentalement vous changer en tant que personne ou changer votre vie, ce n’est pas le cas… »
« Gagner un championnat ne sera pas la dernière pièce du puzzle qui vous comblera en tant qu’être humain. Cela ne marche pas comme ça. Ce qui compte, c’est le processus - le voyage pour arriver à ce point - et la façon dont vous jouez votre rôle en aidant le pilote et l’équipe à réaliser leur ambition. »
Aston Martin F1 Team
Aston Martin F1 : Deux points pour terminer une ’longue saison’
’Vous prenez un anti-douleur et vous y retournez’ : La difficile fin de saison d’Alonso
Alonso : La 9e place est un ’bon exemple’ de la ténacité d’Aston Martin F1
Alonso se félicite de sa ’meilleure saison en qualifications’ en carrière
+ sur Aston Martin F1 Team