Hadjar : Le seul truc que je peux faire, c’est de me montrer tous les week-ends

Isack évoque sa bonne saison en F2 et son avenir en Formule 1

Par Franck Drui

19 août 2024 - 15:31
Hadjar : Le seul truc que je peux (…)

Isack Hadjar, pilote français en F2 pour le Red Bull Junior Team, a pris la tête du championnat le mois dernier et semble sur une très bonne lancée pour finir en beauté.

Hadjar est un des noms de plus en plus cité par le Dr Helmut Marko pour le futur en F1, même s’il ne semble pas être en position de favori pour arriver dans le sport dès 2025. En effet si Daniel Ricciardo doit être écarté, c’est plutôt Liam Lawson qui aurait enfin sa chance. Mais qui sait ?

Pour le Red Bulletin, le journal de Red Bull dédié au sport, Hadjar s’est confié sur ces dernières semaines très riches pour lui, à commencer par sa victoire à Silverstone où il a pris la tête du championnat. Etait-ce excitant ?

"Quand je gagne, je ne suis pas au courant du classement du championnat. On sait en F2 à quel point ça va vite, ça fait yoyo dans le classement. Ça fait plaisir de voir son nom affiché en haut, on est premier du championnat équipe, c’est cool. Je suis content de ma victoire, du taf que j’ai fait, et ça me rassure pour la suite, ça me donne plus de confiance, mais honnêtement, tant que le championnat n’est pas plié, le classement, je n’en fais pas grand-chose. C’est séance par séance."

"En fait, je maîtrise tellement mon milieu que je sais exactement ce que je dois faire, sur quoi je dois me concentrer... Dans la voiture, tu as beau être dans ton cockpit, tu arrives à te faire une image de la course et du schéma de la course. Je pense que c’est là où je suis fort le dimanche : je sais ce qui se passe autour de moi, à quel tour le mec s’est arrêté, est-ce qu’il a de meilleurs pneus que moi, je sais s’il est en train d’économiser, je sais si l’autre est sur une stratégie décalée... Tout ça, je le sais parce que je maîtrise mon sujet."

Hadjar a signé sa première pole position de la saison en juillet seulement mais il est déjà perçu comme un pilote solide, quoi qu’il arrive, pole position ou pas.

"Les trois dernières années, j’ai fait deux poles, mais j’ai gagné plusieurs courses, et sur la plupart de mes victoires, ça s’est fait en partant de derrière, dans des championnats où ce n’est pas évident de doubler, et où souvent on gagne en partant de la pole. Du coup, j’ai cette image du gars qui joue souvent devant, c’est sympa, je prends."

Treize ans le séparent de la F2 du karting, qu’il apprenait en Seine-Saint-Denis.

"Je ne me rappelle pas de ce que je pensais du sport auto à ce moment-là. En fait, je ne sais pas si j’ai toujours voulu aller en F1 ou pas, si je faisais ça pour m’amuser ou non. Je n’arrive pas à me rappeler quand c’est devenu sérieux. Et ça, c’est dommage."

Des regrets ? Mais est-ce que ça n’est pas aussi un bon moyen d’avancer, cette espèce de détachement ?

"La Formule 1, ça a toujours été évident, donc je n’y ai jamais vraiment pensé, je n’ai jamais eu ce genre de déclic, car c’était naturel. Pour moi, ça a toujours été normal d’avoir un volant entre les mains et d’y aller. À cette époque, je regardais à peine la F1, j’étais fan de Cars, en effet..."

"Je regardais le film tous les jours, et j’ai toujours mon doudou Cars à la maison. J’étais fan de bagnoles, et plus tard j’ai vu le documentaire sur Ayrton Senna. Et là, gros coup de cœur pour la personne, le charisme qu’il dégageait. Quand tu le vois dans sa voiture avec le casque jaune, et chaque fois qu’il était en piste, il était spectaculaire comparé aux autres pilotes. Il m’a marqué."

Dix ans plus tard à peu près, à 16 ans, dans une interview pour un média en ligne, il semble déjà hyper cash, lucide, notamment à propos du financement d’une carrière de pilote. Il évoque le soutien de sa mère pour décrocher des financements. Pierre Gasly évoquait lui aussi cette quête de financement dans lesquelles s’impliquaient ses parents...

"On a eu les mêmes problématiques. Dès le karting, les prix sont exorbitants, et depuis la génération de Pierre Gasly, les prix dans la compétition automobile ont explosé. En karting, je n’ai jamais été dans les bonnes conditions, c’est toujours mon père qui a fait ma mécanique, pendant très longtemps, alors que d’autres pilotes avaient des équipes privées. Je n’ai jamais pu faire le calendrier en entier, toutes les courses, avoir le meilleur moteur, etc. J’ai toujours dû compenser, c’était frustrant quand je rentrais d’une course, le lendemain je devais retourner à l’école tandis que des mecs allaient rouler, tester parce qu’ils faisaient l’école à la maison. Je n’ai pas eu droit à ce parcours- là... Je n’ai pas de très bons souvenirs du karting."

"On n’a jamais couru après les titres en karting. Mon père a toujours eu cette approche :« Tu es là pour te former, ce n’est pas parce que tu vas avoir des titres en karting que tu vas être champion du monde de F1. » Quand tu es gamin, tu as forcément du mal à comprendre ça, tu es en mode : « Donne-moi le moteur, donne-moi les jours de roulage et je vais les démonter ! »Tu as du mal à te rendre compte de ce qui est vraiment important. En fait, le karting, c’est important pour apprendre les bases, mais tous les mecs que je suis en train d’exploser en F2 et que j’ai éclatés en F3 aussi, ce sont des mecs qui me mettaient la misère en karting."

"Oui, on a tous grandi ensemble, on se connaît tous depuis ces années-là. C’est maintenant que je comprends, mais quand tu es jeune et que tu te fais laminer en karting par manque de moyens, c’est compliqué. Par contre, ça te pousse à développer une autre approche : comment je peux compenser ? Comment je m’arrache pour rester présent et performer ?"

"Tout ça, c’est mal fait... Si le sport automobile était aussi accessible que le football, la grille de F1 ne ressemblerait pas à ce qu’elle est aujourd’hui."

Il y aurait plus de Français ?

"Il y aurait plus de tout. Surtout des meilleurs pilotes. On ne maximise pas le talent de la grille en F1."

Est-ce qu’un pilote comme Hamilton est la preuve qu’un autre type de pilote de F1 a sa place sur la grille ? Il a été le premier signal du changement ?

"Non, c’est juste lui qui est hors du commun et qui a fait la différence dans un système qui est mauvais, c’est tout. Je pense que c’est ça, la force de ce mec. C’est un bon gars, ça se voit."

Le soutien, aujourd’hui, c’est le Red Bull Junior Team.

"Alors là, on entre dans une autre dimension ! Ce que j’ai aimé dans ce moment-là, intégrer le programme Red Bull Junior Team, c’est cette notion du « enfin ! » : si j’ai les résultats, que je gagne et que l’on voit que je performe, j’irai là où je veux. C’est certain, c’est écrit noir sur blanc. C’est ça le plus important, cette sécurité et cette perspective. Pendant des années, tu navigues dans un désert, tu ne sais pas vraiment où tu vas, et quand Red Bull te signe, si tu performes en F3 et en F2, tu sais où tu arrives, et ça n’a pas de prix. C’est le plus rassurant pour un pilote, pour un sportif. Quand ça ne dépend plus que de toi, il n’y a rien de mieux. Il n’y a pas que ça, bien sûr, il faut aussi aller dans la bonne équipe, bien rouler et tout peut arriver, mais tu as une vraie perspective."

Comment cela se passe avec le Dr Marko ? Plutôt bien selon Hadjar.

"Ouais. Je l’appelle, parfois. Il répond, toujours, et s’il ne répond pas, il te rappelle. Je m’entends bien avec lui, et quand je l’appelle, ça n’est pas pour parler de conneries. (rires) Parfois, quand tu fais de la merde, c’est mieux de l’anticiper et de l’appeler, avant qu’il ne t’appelle. Je l’ai appris, il apprécie, il est plus cool."

Isack Hadjar en F1 l’an prochain chez Visa Cash APP RB ? Est-ce réaliste ?

"Pour commencer, je n’en sais rien. Mais si le Junior Team et le team B (RB F1, ndlr) existent, c’est pour une raison. Et puis on voit très bien ce qui se passe en ce moment, le marché des pilotes bouge beaucoup. Mais le seul truc que je peux faire, c’est de me montrer tous les week-ends et de les éteindre. Il faut qu’on parle de moi, il faut que dans la conversation on pense à Isack qui est en train de les dégommer. Il n’y a que ça que je peux faire, et ça me va."

À quoi faut-il se préparer quand on va piloter une F1 ?

"Toute ta carrière, en tant que jeune pilote, idéalement, tu t’adaptes aux différentes catégories, par paliers. Tu améliores au fur et à mesure cette capacité d’adaptation, et tous les ans, tu t’habitues à avoir plus de grip, que ce soit en karting ou en monoplace. Plus de grip, plus de puissance, plus de grip, plus de puissance, et ainsi de suite. Tu arrives en F4, tu passes en F3, F2, les steps sont assez similaires, et ça passe bien, avec toujours un premier choc. Mais F2 vers F1, c’est comme si tu passais de la F4 à la F2, c’est un step. Les F1 vont vraiment vite et les F2 sont assez loin. Quand je dis que tu n’es pas prêt, tu n’es pas prêt. Quand je monte dans une F1 pour les FP1 (Free Practice 1, essais, ndlr), les premiers tours, ça n’a vraiment rien à voir avec la F2. Tout ce que j’ai appris en F2, je le mets à la poubelle ? Ça n’est plus une voiture de course, c’est un vaisseau spatial !"

Du coup, monter en F1 doit être une perspective stressante ? Ou bien, en parlant à des pilotes passés par là, on sait que ça sera rapidement gérable ?

"Tu le sais, mais tu as toujours ce doute. Mais pour aller tâter les limites de la voiture, il faut faire pas mal de kilomètres. En quelques tours en EL1, je sais déjà exactement où j’ai été bon et où j’ai énormément de marge (à trois reprises, Isack a effectué des essais libres en F1, ndlr). Si tu me laisses des tours, je vais m’y habituer."

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