Grosjean est un miraculé, et la F1 devra s’en rappeler
Elle ne peut pas se relâcher sur la sécurité
Lorsque l’on a vu l’accident dont a été victime Romain Grosjean à Bahreïn, de nombreuses émotions nous ont traversé l’esprit. Une peur soudaine, lorsque l’on a vu la Haas s’embraser au fond de l’image, alors que les 19 autres pilotes arrivaient dans le virage 4.
Puis est venu le soulagement, quelques longues secondes plus tard, lorsque l’on a vu le Français assis à l’arrière de la voiture médicale, hagard, mais sain et sauf. Mais au moment de voir les images de l’accident, et devant la violence de la Haas VF-20 se coupant en deux puis s’embrasant sous l’impact, c’est l’effroi qui revenait, encore plus intense que lors de la vision de l’accident.
Comment avait-il pu subir un tel choc ? Comment, en 2020, une monoplace de Formule 1 avait pu se couper en deux ? Et comment, en 2020, une monoplace de Formule 1 pouvait se transformer en brasier ?
Après tout, la dernière image d’une F1 se coupant en deux était celle de la Footwork d’Alex Caffi, après que l’Italien eut mal négocié les S de la Piscine à Monaco. Et si l’on avait vu des F1 s’embraser dans les années 90, notamment à cause des ravitaillements en essence mal maîtrisés, il fallait remonter à 1989 pour voir une voiture prendre feu après un accident. C’était Gerhard Berger à Imola, dans la courbe de Tamburello qui devint tristement célèbre cinq ans après, lorsque Ayrton Senna y perdit la vie.
L’image d’une voiture s’encastrant dans une glissière de sécurité en métal remontait, elle, aux années 70 et aux accidents cauchemardesques de François Cevert ou Helmuth Koinigg. Et pourtant, en combinant ces trois facteurs, Romain Grosjean a survécu à cet accident.
Tous les éléments de sécurité ont parfaitement fonctionné
S’il est un élément à prendre en compte dans l’issue miraculeuse du crash de Grosjean à Bahreïn, c’est le fonctionnement optimal et absolu de toutes les solutions de sécurité dessinées et conçues pour protéger le pilote.
Le système HANS, évidemment, a parfaitement rempli son rôle. Le support de protection de la tête et du cou a permis au Français de ne pas subir de blessures au cou, et donc de ne pas perdre connaissance lors de l’impact.
La combinaison et les gants ont évité à Grosjean de subir des brûlures trop importantes, bien que ses mains aient été fortement touchées. Mais surtout, le Halo tant décrié (y compris par le Français lui-même à ses débuts) lui a tout simplement sauvé la vie en évitant que sa tête soit le point de contact avec le rail.
Malgré le miracle, on a frôlé la catastrophe
On ne se réjouira jamais assez d’avoir vu Grosjean sortir de la carcasse brûlée de sa Haas, constituée de la cellule de survie, du Halo et de sa protection de tête déboîtée. Mais il est maintenant temps d’accepter la réalité évidente : la F1 ne sera jamais totalement sûre, et elle doit continuer à travailler comme si aucun progrès n’avait été fait.
On peut trouver facilement des accidents à l’issue heureuse qui auraient été catastrophiques quelques années auparavant. Fernando Alonso à Melbourne en 2016 est un exemple. On peut évidemment penser à Mark Webber, à Valence en 2010, lorsqu’il a décollé sur une Lotus. Ou à Robert Kubica, lors de son brutal choc contre le mur et ses tonneaux à Montréal en 2007.
On pense à Ricardo Zonta, qui avait décollé par-dessus les grillages et atterri à l’envers devant les tribunes en essais privés à Silverstone en 2000. Ou même à l’accident d’Alan McNish (photo ci-dessous), qui avait pulvérisé sa Toyota dans le 130R à Suzuka en 2002.
Tous ces accidents ont eu une issue heureuse grâce aux progrès effectués par la FIA et la F1. De la même manière que Romain Grosjean a eu la vie sauve grâce à l’introduction du Halo. Mais il lui a aussi fallu un concours de circonstances particulièrement délicat pour survivre à ce crash.
Comment ne pas être en colère en lisant, sur les réseaux sociaux, de nombreux messages sans considération pour les risques pris par les pilotes ni pour les drames évités de peu ? Comment ne pas être en colère en lisant, de la plume d’un estimé collègue américain, que l’accident de Romain Grosjean n’était "pas un danger de mort" par rapport à des accidents comme celui de Niki Lauda en 1976 ?
C’était pourtant exactement la même situation, et Grosjean aurait pu subir la même chose que Lauda, sinon pire. A l’exception du triste accident de Jules Bianchi en 2014, et de celui de Felipe Massa en 2009 en Hongrie, il est difficile de trouver un accident qui ait plus menacé la vie d’un pilote depuis plus de 25 ans que celui de Grosjean.
Et il est essentiel de conserver cela à l’esprit au moment de juger des possibles améliorations à apporter à la sécurité d’un championnat qui a pourtant déjà énormément œuvré.
La F1 laisse-t-elle trop de paramètres au hasard ?
Il semble essentiel de ne pas se reposer sur les lauriers d’un bilan particulièrement bon, et la F1 ne doit pas tomber dans le même travers que les gens estimant que la discipline est devenue assez sécuritaire avec le temps.
On a vu en 2020 de nombreux errements de sécurité, et l’on ne peut s’empêcher de craindre qu’ils se transforment un jour en drames. A l’image des nombreuses catastrophes évitées de peu avec les grues (photo ci-dessous, au Nürburgring en 2007) jusqu’à ce funeste jour d’octobre 2014, les situations dangereuses avec les commissaires ont de quoi inquiéter.
En 2020, les commissaires se sont retrouvés en danger à Imola, lorsque les retardataires ont été autorisés à rattraper leur tour de retard et que Lance Stroll, visiblement peu conscient de leur présence, est passé à pleine vitesse à quelques mètres de plusieurs d’entre eux.
A Bahreïn, on a pu voir un commissaire de piste traverser juste devant une McLaren pour venir maîtriser un incendie qui n’était pourtant pas développé. En Turquie enfin, les voitures ont été relancées en piste en qualifications alors qu’une grue intervenait encore.
Améliorer les F1 et les circuits constamment
La direction de course a fait plusieurs erreurs en 2020, et la communication avec les commissaires n’a pas toujours semblé idéale. Mais ces moments de forte tension doivent surtout permettre à la Formule 1 de prendre conscience des failles sécuritaires qui existent encore dans la discipline.
Il y en aura toujours, et elles dépendront de plus en plus d’un manque de chance ou d’un concours de circonstances, mais il faut justement saisir les opportunités de les remarquer lorsqu’elles se présentent, et corriger les défauts qui pourraient créer des drames.
Car quoi qu’on puisse lire ou entendre, la F1 est toujours dangereuse, et un accident à plus de 350 km/h peut toujours être mortel. Après avoir failli perdre l’un des siens l’an dernier, sans parler du rappel cruel que fut le décès d’Anthoine Hubert en 2019 en F2, la Formule 1 se doit de redoubler de vigilance.
Elle doit le faire au niveau des voitures, qui peuvent toujours être perfectionnées, au niveau des circuits, dont les protections sont parfois douteuses. On se rappelle que le cauchemardesque week-end d’Imola 1994 avait amené de nombreux changements sur les circuits, et l’accident de Grosjean doit provoquer une réaction similaire, avec la remise en cause de chaque infrastructure.
Enfin, la F1 ne doit surtout pas se relâcher sur le plan de l’organisation, qui doit être toujours parfaite. A défaut de se vanter d’un ’risque zéro’ qui n’existe pas, elle pourra au moins se féliciter d’une approche visant à l’atteindre.
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