McLaren F1 : Une ’vision fonctionnelle’ a imposé la nouvelle structure

Stella explique le rôle des trois responsables techniques

Par Emmanuel Touzot

17 janvier 2024 - 13:41
McLaren F1 : Une 'vision fonctionne

McLaren F1 aura cette année une toute nouvelle structure tournant autour de trois directeurs techniques. Peter Prodromou, Rob Marshall et David Sanchez vont se partager les tâches liées à la conception des monoplaces et leur directeur, Andrea Stella, explique pourquoi l’équipe a adopté cette structure.

"Avant de penser aux organigrammes, nous voulons avoir une vision fonctionnelle de l’équipe" a déclaré Stella. "Les fonctions essentielles sont l’aspect technique, où l’on conçoit la voiture, l’aspect production, où l’on produit la voiture, puis la fonction course, où l’on emmène la voiture en course."

"Mais les fonctions de soutien sont importantes. La finance est désormais totalement intégrée. Il faut que la finance soit presque intégrée à la technique parce qu’elle doit rester sur la même ligne de temps."

"Les fonctions d’appui doivent rester avec vous parce que les options que vous envisagez au niveau technique, de la production ou de la course doivent prendre en compte les implications financières dès le début de la conception."

"La culture se définit par l’exemple, par la conversation, par l’affirmation de vos valeurs auprès de vos collaborateurs. Mais, en réalité, elle se construit avec votre personnel. La communication devient donc essentielle. Je dis cela pour donner une idée de la complexité. Certains projets simples peuvent se heurter à ce niveau de complexité."

Une gestion "trop complexe" pour une seule personne

Stella explique que les programmes liés aux nouvelles monoplaces sont devenus trop complexes, selon lui, pour être gérés par un seul directeur technique. Et il précise que ce sera encore plus le cas en 2026, avec des concepts aérodynamiques totalement revus.

"C’est vraiment bien d’avoir quelqu’un en charge, mais lorsque vous devez gérer ce niveau de complexité et de détail nécessaire pour créer des idées compétitives, à moins que cette personne ne soit vraiment exceptionnelle, incroyablement experte et qu’elle ait l’attitude de tirer le meilleur des gens, c’est trop complexe. Il y a tant à faire."

"D’un point de vue technique, les voitures d’aujourd’hui sont loin de ressembler à celles d’il y a 20 ans. La façon dont on gère l’aérodynamique aujourd’hui est d’une autre ampleur de complexité. Même la complexité de la construction, ou l’approche de la performance et du concept requis pour penser à la voiture de 2026, qui est complètement différente."

"Pour un seul responsable, c’est un véritable défi. Dans une certaine mesure, il faut être très conscient de l’équilibre entre la gestion, la microgestion et le fait de prendre un peu de recul. Lorsque vous prenez du recul, vous devez vraiment comprendre. C’est donc un véritable défi compte tenu de cette complexité."

Un directeur technique par département

Selon lui, McLaren a peiné à progresser ces dernières années car il n’y avait pas assez de responsabilité technique de la part des ingénieurs responsables, qui se chargeaient de trop de choses pour se concentrer sur les points cruciaux qui dépendaient d’eux.

"Chez McLaren, nous avons eu du mal à obtenir une augmentation constante des performances. Nous avons eu du mal à générer le concept de base, nous avons eu du mal à assurer la stabilité et la cohérence du développement, et ce parce que nous ne nous sommes pas suffisamment concentrés sur les domaines clés."

"Nous avons été, je dirais, dilués. Pour se concentrer sur l’aérodynamique, il faut confier la responsabilité à la personne la plus compétente, la plus experte et la plus expérimentée. C’est là qu’il faut placer le directeur technique, parce qu’il n’a pas à diriger un département, il dirige l’aérodynamique."

"Chez McLaren, il y a un directeur de l’aérodynamique qui rend compte au directeur technique de l’aérodynamique, mais le directeur technique de l’aérodynamique a 30 ans d’expérience, donc je sais que dans ce domaine il y a assez de spécialisation, assez d’expérience et assez de leadership pour élever nos standards."

Des responsables qui ont une "vision globale"

Le fait de changer cette structure maintenant n’est pas une inquiétude pour Stella, car l’objectif est aussi d’avoir des directeurs techniques prêts à se lancer sur le concept de 2026 quand cela sera autorisé.

"La vision, les connaissances, le fait d’être passé par le processus plusieurs fois, c’est ce qu’il faut pour aider à élever ce domaine au niveau du championnat du monde. En ce qui concerne la performance et le concept, pensons à la voiture de 2026 à partir d’une feuille blanche."

"Vous parlez d’aérodynamique, mais si vous ne connaissez pas l’aérodynamique, ce sera difficile. Nous avons David Sanchez, un ancien responsable de l’aérodynamique, mais qui a une vision globale du véhicule. Lorsqu’il va parler à Peter Prodromou, ils parlent le même langage."

"Mais je sais qu’une fois que David aura rejoint l’équipe et que je lui aurai dit ’David, peux-tu commencer à définir et à développer la voiture de 2026 ?’, il élèvera nos standards à un niveau mondial. Il faut donc avoir une compréhension fonctionnelle de l’équipe."

"Mais dans chacun de ces domaines, il faut que les conditions soient réunies pour travailler avec du matériel digne d’un championnat du monde, ce qui nécessite une spécialisation, une concentration et un leadership suffisants."

"Si l’on se contente d’avoir un responsable et que l’on ne parvient pas à étendre son influence dans tous ces domaines, on risque fort d’avoir de la simplicité, mais des normes moins élevées."

Stella est un "coach" pour les responsables

En tant que directeur de l’équipe, Stella chapeaute ces départements de conception mais n’intervient pas dans leur manière de gérer leur propre partie de la voiture. En revanche, il se considère quelque peu comme un entraîneur qui devrait gérer plusieurs individus ensemble, et parfois désamorcer les conflits.

"Les décisions sont la partie la plus simple de tout le processus. Lorsque vous suivez un processus bien formé et bien informé, la décision découle naturellement des bonnes informations que vous apportez à la table."

"En fin de compte, s’il y a une compétition entre deux ensembles d’informations différents, je suis toujours là. Mais je suis là en tant que leader, je ne suis pas là pour diriger la technique, parce que dès que je veux diriger la technique, je laisse tomber les normes."

"Je n’en sais pas autant que Peter Prodromou en aérodynamique, que Rob Marshall en ingénierie, en design, et que David Sanchez en aménagement de la voiture. Mais je peux coacher en termes d’intégration si nous avons un conflit."

L’Italien ne pense pas avoir un rôle similaire à Adrian Newey chez Red Bull, mais il partage sa culture de la liberté donnée à ses ingénieurs : "Il est évident que Red Bull a Adrien Newey, qui est un cas particulier de quelqu’un de très préparé, qui peut influencer tous ces domaines de manière compétente, sans abaisser les normes."

"Mais lorsque vous entendez parler de sa façon de travailler, il s’agit de laisser les gens s’épanouir, de laisser les idées s’épanouir. Il faut donc veiller à ce que le fait d’avoir une seule personne en charge ne soit pas un plafond. C’est un peu la philosophie que nous avons adoptée chez McLaren pour créer les fondations de l’avenir."

Trouver "pourquoi" une équipe est compétente

Ancien ingénieur, Stella a gravi les échelons en essayant de faire progresser les équipes dans lesquelles il était. Cela est passé par la recherche de la performance via les origines du succès des équipes. Cela inclut évidemment, à l’inverse, la recherche des causes des échecs.

"Vous avez raison de dire que j’ai toujours cherché à comprendre ce qui fait le succès des organisations. De même, qu’est-ce qui fait le succès des individus ? Pourquoi Michael Schumacher a-t-il connu un tel succès et pourquoi a-t-il réussi dans une équipe qu’il a rejointe alors que la voiture était loin d’être la meilleure ?"

"Il a créé les conditions pour que cette équipe produise la meilleure voiture et l’a ensuite maintenue. Pourquoi a-t-il pu faire cela, quels sont ses attributs en tant qu’individu et pourquoi Ferrari à l’époque a créé ces conditions pour dominer ?"

"En même temps, Fernando [Alonso] a 41 ans, il est toujours là et il est l’un des plus compétitifs. Il y a des raisons à tout cela. J’ai toujours été intéressé et fasciné par l’élaboration de termes simples pour expliquer ces raisons. Parce qu’une fois que l’on a élaboré en termes simples, on se demande si c’est pertinent."

"Dans la même équipe, chez Ferrari, je suis passé d’une période où nous dominions à une période où nous ne pouvions pas changer la tendance. En 2010, nous étions compétitifs, mais nous avons perdu cette compétitivité les années suivantes. Comment cela se fait-il ?"

"Ce sont des choses qui m’intéressent. Je n’ai jamais pensé à l’apogée, ou que je l’utiliserais, parce que personnellement, je suis très axé sur le présent. Tout ce qui m’intéresse, c’est ce que je fais maintenant, c’est-à-dire faire du bon travail."

"Développez vos compétences autant que possible, concentrez-vous simplement sur le fait de devenir un meilleur ingénieur, un meilleur quoi qu’il en soit dans ce que vous faites jour après jour. Il ne s’agit pas de se demander quel sera mon prochain emploi ou comment je pourrai utiliser cela à l’avenir."

"C’est uniquement par intérêt que j’ai pensé qu’il pourrait être utile pour moi de m’améliorer un peu plus chaque jour. Et lorsque vous avez la chance de travailler avec des personnes ou des organisations qui constituent une référence aussi forte, il y a beaucoup de choses à approfondir, pour en comprendre les raisons."

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