‘Je ne dors jamais’ : Waché, un Newey à l’accent français ?

Le directeur technique de Red Bull parle de son travail de l’ombre

Par Alexandre C.

15 février 2024 - 18:36
‘Je ne dors jamais' : Waché, (...)

Pierre Waché n’est pas aussi connu qu’Adrian Newey, et pourtant, c’est bel et bien lui qui est le directeur technique en titre de Red Bull et chapeaute donc les monoplaces qui sortent de Milton Keynes, comme la RB20 présentée ce soir à 20h30.

Wache est d’ailleurs un ingénieur si reconnu que Frédéric Vasseur chercherait à le recruter à tout prix pour Ferrari.

Le Français de 48 ans (diplômé de l’Institut National Polytechnique de Lorraine à Nancy) s’est fondu dans l’univers feutré de Milton Keynes, en dépit de son accent français – « Les gens peuvent au moins entendre que je suis Français » plaisante-t-il d’ailleurs.

Plus sérieusement, l’adaptation, notamment langagière, de Waché, n’a pas été sans poser quelques problèmes professionnels comme personnels…

« Un Français au Royaume-Uni, cela demande quelques ajustements, oui ! »

« Nous avons à Oxford, où nous vivons, une très belle boulangerie française, mais le goût est toujours différent. »

« Vivre dans un autre pays a, dans mon cas, un impact important non seulement sur ma vie personnelle, mais aussi sur mon travail. Il faut essayer de s’exprimer dans une langue différente. Cela peut être un handicap, surtout s’il s’agit de détails : il est plus difficile de faire passer les subtilités, surtout s’il s’agit de questions techniques compliquées. Cela prend du temps. »

Ancien de BMW, Waché a rejoint Red Bull en 2013 et est depuis le second de Newey - même si c’est bien Waché qui dirige au quotidien le travail technique de Red Bull.

« Chez Red Bull, l’objectif est principalement de gagner des courses, ce qui est du très court terme. Je suis très compétitif, c’est pourquoi j’aime tant la Formule 1. C’est le seul endroit au monde où il y a une compétition technique, et pour un ingénieur, c’est formidable. »

« Le travail chez Red Bull n’est pas fondamentalement différent de celui de Sauber-BMW, mais l’objectif l’est. Cela a un impact sur l’atmosphère et les gens qui vous entourent. Chez Sauber, j’ai travaillé avec de bonnes personnes, mais nous n’avions pas les ressources dont nous disposons chez Red Bull. Nous avons donc essayé de faire le maximum avec ce que nous avions à notre disposition. Chez Red Bull, nous avons, en théorie, tout ce dont nous avons besoin, donc il n’y a pas d’excuses pour perdre. »

« Du moins pour moi. Je suis un perfectionniste. Les techniciens sont très stricts. À notre niveau, il est important non seulement de viser une perfection inatteignable, mais aussi de prêter attention aux détails. Car c’est ce qui fait la différence en fin de compte. Dans notre métier, si une voiture est 1% plus lente qu’une autre, c’est une mauvaise voiture, ce qui est bizarre quand on y pense. »

« Je ne dors jamais… (sourires) Ce travail prend une grande partie de votre vie. Je l’ai toujours à l’esprit, notamment parce que je travaille avec une très bonne équipe. Nous nous lançons des défis les uns aux autres. Cela signifie que lorsque vous allez vous coucher, vous pensez encore aux choses qui ont été dites. Et l’environnement de travail est d’une compétitivité inouïe. Nous voulons être meilleurs que tous les autres. Nous ne sommes pas des pilotes, mais pour nous aussi, ce travail est un sport extrême. »

Diriger une équipe de 600 personnes (300 ingénieurs techniques et 300 au département production) n’est pas chose aisée ; et cependant, Red Bull a tout fait, ou presque, à la perfection l’an dernier.

Waché aurait des raisons de se montrer orgueilleux, et pourtant...

« Nous avons fait du bon travail, c’est clair. Non seulement la saison dernière, mais aux essais hivernaux, nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour obtenir des résultats avec cette voiture. Nous avons travaillé dur, nous avons fait de notre mieux, notre devoir si vous voulez, mais je m’attendais à ce que les autres équipes soient beaucoup plus proches de nous qu’elles ne l’ont été en fin de compte. »

« Nous n’avons pas découvert de remède miracle, nous avons simplement développé une bonne voiture, comme on l’attendait de nous. Je pense que si vous voyez comment certaines équipes ont gagné de performance tout au long de la saison, c’est qu’elles n’ont pas tiré le meilleur parti de la réglementation au départ. Cela m’a surpris. »

La RB19 aurait-elle été cependant la meilleure F1 de l’histoire sans Max Verstappen derrière le volant ?

« Développer une voiture rapide est un concept, cela n’existe pas en réalité. Une voiture rapide est une voiture dont le pilote peut tirer le maximum. En ce sens, nous avons échoué, parce qu’un seul pilote, Max en l’occurrence, pouvait bien conduire la voiture. C’est le talent de Max, qui pouvait tirer le maximum de la voiture, quelles que soient les circonstances. »

« D’un autre côté, nous n’avons pas bien compris ce dont Checo avait besoin pour pousser la RB19 à son plus haut potentiel. »

« Mais si le succès de cette année est principalement dû à Max… ou si c’est la voiture en fin de compte ? Je pense qu’il faut les deux. Plus le pilote est talentueux, plus la voiture est performante. C’est alors que le talent et la voiture se rejoignent. Si vous rendez une voiture plus facile à conduire, vous réduisez son potentiel. Croyez-moi, si je conduisais moi-même cette voiture, non seulement je serais lent, mais je m’écraserais. »

« Le travail n’est jamais terminé. Nous avons beaucoup gagné en 2023, mais nous voulons faire de même en 2024. »

Waché admire beaucoup le travail de Newey

À la veille de la nouvelle saison, Waché a enfin essayé de donner quelques éclaircissements au sujet de la répartition du travail, entre lui et Newey.

Quelle est, au quotidien, la relation qu’entretient Waché avec Newey ? Est-il son supérieur ? Son mentor ?

« Sans lui, je n’aurais pas été chez Red Bull. C’est lui qui m’a amené ici. Depuis mon arrivée, j’ai énormément appris de lui. Notre façon de travailler ensemble a évolué au fil des années. De plus, il ne consacre plus tout son temps au projet de Formule 1, ce qui me laisse une plus grande marge de manœuvre. »

« Et Adrian est une personne très compétitive. Il n’abandonne jamais. À bien des égards, il est une source d’inspiration pour moi. Sa motivation et son dévouement sont impressionnants, surtout si l’on considère ce qu’il a déjà accompli. Chaque jour, il vous met au défi d’améliorer encore les choses. »

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