Les patrons de F1 expliquent le ’défi incroyablement difficile’ de Pirelli

Alors que Pirelli travaille à la suppression des couvertures chauffantes

Par Emmanuel Touzot

30 octobre 2022 - 19:54
Les patrons de F1 expliquent le (…)

Pour 2023 et surtout 2024, la F1 prévoit de réduire la température des couvertures chauffantes sur les pneumatiques, puis de les retirer pour des raisons environnementales. Les pilotes ont déjà exprimé leur inquiétude de voir cette décision apporter un danger supplémentaire.

Du côté des équipes, on s’inquiète en revanche de l’impossibilité d’utiliser des pneus qui n’auraient pas été préchauffés. C’est ce qu’explique Andrew Shovlin, ingénieur de piste en chef de Mercedes F1, après le deuxième test des prototypes Pirelli pour 2023.

"C’est assez difficile de comparer parce que nous avons utilisé un pneu plus dur à Austin avec une température de couverture plus basse" explique Shovlin. "Je pense que le défi consistant à prendre une voiture aussi rapide, aussi puissante, avec autant d’appui, et utiliser des pneus sans couverture est incroyablement difficile."

"Et je pense qu’il est très facile de regarder la Formule 2 et de dire, ’ils le font’. Mais les énergies impliquées sont énormément plus élevées, nous faisons jusqu’à 20 secondes de mieux sur certains circuits. Et ce défi pour Pirelli est très, très difficile. Il nécessite beaucoup d’étapes de développement technique."

"Et le sport doit faire très attention à ce que la législation sur les couvertures ne prenne pas le pas sur le rythme auquel nous pouvons développer les pneus. Et le problème de Pirelli n’est pas statique. Ces voitures ont plus d’appui en ligne droite que les voitures que nous avions auparavant."

"Pas de bonne course" avec un pneu spécial pour cela

Shovlin ne remet pas en cause la capacité de Pirelli à appliquer un cahier des charges revu. En revanche, il détaille les raisons pour lesquelles une Formule 1 moderne ne serait pas capable de se lancer avec des pneus entièrement froids en piste.

"Les charges à haute vitesse sont très, très élevées et les équipes travaillent constamment pour ajouter de la performance. Et il est difficile pour Pirelli de suivre ce développement constant. On pourrait dire ’vous pouvez faire un pneu sans couverture’, et Pirelli pourrait probablement nous en donner un tout de suite."

"Mais ce pneu ne donnerait pas lieu à une bonne course, il ne permettrait pas aux pilotes de pousser aussi fort, vous vous retrouveriez avec des pressions de pneu très élevées et une perte d’adhérence significative."

"Il s’agit de trouver un équilibre entre les besoins du sport et les préoccupations environnementales, qui sont toutes prises en compte. Mais la grande préoccupation est de s’assurer que nous ne nous retrouvions pas avec un sport plus mauvais à cause de son règlement."

Une direction plus prometteuse au Mexique

Laurent Mekies, le directeur sportif de Ferrari, valide les arguments de Shovlin, tout en précisant que Pirelli pourrait travailler à long terme sur une telle gomme : "Peut-être la seule chose étant que l’objectif est le bon dans un but environnemental, de supprimer les couvertures."

"Je pense que nous devons simplement donner à Pirelli le temps et la chance, ainsi que les bonnes opportunités de tests, pour développer le produit qui répondra à tout ce qu’Andrew vient d’expliquer. Une fois que nous l’aurons, nous pourrons passer à l’approche sans couverture."

Alan Permane, le directeur sportif d’Alpine F1, explique comment la F1 et Pirelli ont réussi à réduire l’empreinte énergétique des couvertures chauffantes à Mexico ce week-end, sans compromettre la sécurité des pilotes.

"La différence entre ici et Austin, c’est que nous avons fait chauffer les pneus à 70 degrés ici, mais pendant deux heures" explique l’ingénieur, après avoir parlé au directeur F1 de Pirelli. "Normalement, notre temps de chauffe est de trois heures et Mario Isola nous dit que 70 degrés à deux heures, c’est la même chose voire un peu moins que 50 degrés pendant trois heures."

"Il semble donc qu’ils aient déjà trouvé un bon compromis par rapport à Austin, où nos pilotes, en particulier Fernando, ont dit que c’était dangereux. Il avait vraiment ressenti un manque d’adhérence. Donc, je pense qu’ils ont trouvé une bonne direction, quelque chose que nous pouvons, je l’espère, envisager jusqu’à l’année prochaine."

Ne pas donner à Pirelli "un défi impossible à relever"

Shovlin est donc totalement compréhensif quant à l’objectif initial de cette demande. Cependant, il demande à la Formule 1 de prendre en compte ce que peut et ne peut pas faire Pirelli. Selon lui, il faut faire preuve de pragmatisme face aux défis que peut relever le manufacturier pneumatique.

"Je pense que le sport doit être pragmatique. Si vous repensez à l’époque de la guerre des pneus, chaque équipe faisait trois jours d’essais de développement de pneus entre chaque course, plus ou moins. Pour Pirelli, les occasions de faire des essais sont rares et espacées."

"Et les pneus font toujours l’objet d’un examen minutieux parce que les pneus sont en fait la chose qui définit le type de course que nous avons. Je pense donc qu’ils font un bon travail en s’adaptant au fait que les équipes apportent de plus en plus de performance, ce qui rend le travail du fabricant de pneus de plus en plus difficile."

"Mais pour en revenir à ce que j’ai dit au début, nous devons simplement être pragmatiques dans nos décisions et ne pas nous mettre dans une impasse en donnant à Pirelli un défi impossible à relever. Nous leur avons déjà donné un défi incroyablement difficile. Mais nous devons nous assurer que cela ne devient pas impossible et garder l’intérêt du sport au premier plan."

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