Il y a dix ans, le premier roulage de Brawn GP

Le début d’une success story fulgurante

Par Emmanuel Touzot

6 mars 2019 - 18:11
Il y a dix ans, le premier roulage (…)

Le 6 mars 2009 roulait pour la première fois une nouvelle équipe, lors d’un shakedown rapide à Silverstone : Brawn GP. Un premier déverminage tardif pour une équipe sauvée des eaux après le retrait soudain de Honda face au manque de résultats de son équipe d’usine et à la crise ayant touché le secteur automobile, qui précipitera également les retraits de Toyota et BMW un an plus tard.

Tout remonte donc au 5 décembre 2008, date à laquelle le président de Honda annonce que son écurie fermera sous trois mois si elle ne trouve pas de repreneur. Takeo Fukui veut même négocier rapidement avec Jenson Button pour libérer le Britannique et lui permettre de rejoindre Toro Rosso, seule équipe à disposer de places libres pour la saison 2009.

Mais rien n’est fait, et Ross Brawn et Nick Fry, directeurs technique et sportif de Honda, veulent essayer de reprendre l’activité à leur compte. Parmi les acheteurs potentiels, on trouve notamment David Richards, qui refuse finalement de se mouiller, et Carlos Slim, investisseur mexicain qui souhaite soutenir Bruno Senna en l’engageant, comme Honda le voulait, au sein de l’équipe qu’il pourrait racheter.

Le projet tombe également à l’eau, tout comme ceux de Vijay Mallya et Martin Leach, et des rumeurs plus farfelues font état de rachat par PSA ou par Michael Schumacher. Mais les deux candidats les plus sérieux sont en interne, puisqu’il s’agit de Ross Brawn et Nick Fry. Cependant, ce dernier ne recueille pas les suffrages du conseil d’administration de Honda, qui a encore droit de parole à ce sujet et voit en Brawn un meilleur propriétaire.

Le temps de ces négociations fait craindre qu’aucune issue ne soit trouvée puisque courant janvier, la FIA publie une liste des engagés avec deux places vacantes. Honda accepte d’étendre sa deadline prévue à début février et Bernie Ecclestone commence à se mêler de l’affaire, proposant à Brawn et Fry de payer les frais d’inscription de l’équipe afin que la F1 garde 20 voitures. Ceux-ci déclinent, craignant un conflit d’intérêt avec le propriétaire de la discipline.

L’important, dans le même temps, est de trouver un motoriste pour remplacer les blocs Honda prévus dans les monoplaces 2009. Brawn veut y placer un moteur Mercedes mais le constructeur allemand, qui est d’accord avec la fourniture d’une troisième équipe, veut des garanties financières.

Bruno Senna semble bien placé pour décrocher un volant grâce à l’apport de ses sponsors personnels, tandis qu’un nouvel investisseur potentiel entre dans la danse : Virgin. Richard Branson, propriétaire du groupe, veut négocier avec Honda et demande aussi, s’il devient propriétaire d’une équipe, à ce que la F1 soit plus écologique à l’avenir. Mais Honda finira par écarter cette hypothèse aussi.

Brawn prend le contrôle au dernier moment

Fin février, la monoplace est prête à prendre la piste mais le sort de l’écurie n’est toujours pas résolu. Cependant, la rumeur d’un rachat par Brawn devient de plus en plus évidente et le dépôt initial du nom Brawn Racing confirme ces bruits.

Nick Fry devient actionnaire de l’équipe et Jenson Button consent à une réduction de son salaire de 80 % pour permettre de débloquer du budget dans d’autres départements. Cela nous amène au 6 mars 2009, date à laquelle tout s’est débloqué.

Ross Brawn confirme ce jour-là que Jenson Button et Rubens Barrichello seront les pilotes de l’équipe et disputeront leur quatrième saison ensemble pour la structure de Brackley. Honda révèle également avoir transféré la propriété de l’équipe à Brawn, qui en devient le propriétaire, tandis que Fry en est le président.

Le nom est un autre domaine de réflexion et après avoir réfléchi à des noms tels que Tyrrell, pour rendre hommage à la première équipe née à Brackley, ou Pure Racing, c’est finalement Caroline McGrory, la conseillère juridique de l’équipe, qui propose d’utiliser le nom de Brawn GP F1 Team. Le nom est également annoncé le même jour, une date décidément cruciale pour l’équipe.

Enfin, c’est également le 6 mars 2009, il y a dix ans jour pour jour, que la Brawn GP BGP 001 effectue un shakedown sur le circuit de Silverstone, apportant un épilogue au feuilleton de l’hiver. Ross Brawn en profite pour remercier ses partenaires mais surtout ses employés, qui ont développé une voiture à l’aveugle, ne sachant pas si celle-ci prendrait un jour la piste.

La Brawn BGP 001, une arme de guerre

Arborant une livrée blanche, vierge de tout sponsor, et soulignée par une pointe de jaune fluo et de noir, la BGP 001 effectue un premier roulage discret en Angleterre avant de se mesurer à la concurrence en essais privés.

Fiable, rapide, facile à pousser dans ses retranchements, la Brawn montre de nombreuses qualités qui inquiètent certains rivaux. Ross Brawn n’est pas surpris, conscient de l’apport du moteur Mercedes qui développe près de 50 chevaux de plus que le Honda, et du double diffuseur qui confère à la monoplace une stabilité exceptionnelle en courbe.

Certains rivaux, comme Fernando Alonso, assurent que Renault ne serait pas capable de tourner aussi vite que Brawn, tandis que Sam Michael, directeur technique de Williams, s’inquiète des performances de la nouvelle venue. Seule la rumeur d’un poids en dessous de la limite pour attirer des partenaires commerciaux laisse espérer à la concurrence que la Brawn ne soit pas aussi performante que ce que l’on dit.

Si Williams et Toyota se mettent en avant lors des essais libres du Grand Prix d’Australie, trois semaines après le premier roulage de la Brawn, ce sont bien Button et Barrichello qui décrochent la première ligne en qualifications.

A ce moment-là, les pilotes embarquent en Q3 la quantité d’essence qu’ils auront lors du premier relais de la course, et celle-ci est dévoilée quelques heures après la qualification. Les derniers sceptiques pensent que les deux pilotes s’arrêteront dans les tous premiers tours, Button ayant relégué à six et sept dixièmes les premiers rivaux de l’équipe, Sebastian Vettel et Robert Kubica.

Il n’en est rien, les Brawn sont les monoplaces les plus chargées en carburant des quatre premières lignes de la grille, et la révélation des quantités de carburant le samedi soir confirme que la BGP 001 est la monoplace à battre.

Le lendemain, la course est perturbée par plusieurs incidents qui empêchent les Brawn de survoler l’épreuve, mais Button et Barrichello réalisent le doublé et sur le podium, tant le Britannique, qui signe sa deuxième victoire en F1, que son directeur et propriétaire ne semblent pas y croire.

Malgré un budget serré qui empêche un réel développement, Brawn GP fait le gros du travail en début de saison. Button remporte six des sept premières courses et Barrichello en ajoute deux un peu plus tard dans la saison. Malgré un gros retour de Vettel et Red Bull, Button et Brawn remportent les deux titres mondiaux.

L’équipe est revendue en fin de saison à Mercedes et Button part chez McLaren. Mais ce qu’ils ont accompli rentre dans l’Histoire, et la F1 a trouvé son compte de fée, notamment pour les 700 employés fidèles qui ont failli perdre leur emploi au cours de l’hiver précédent.

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