’Conçu pour la course’, Austin n’a pas peur de Miami et Las Vegas

Epstein pense que la F1 viendra longtemps au COTA

Par Emmanuel Touzot

29 mars 2023 - 15:19
'Conçu pour la course', (…)

Austin a permis à la F1 de se refaire un nom aux États-Unis, après le fiasco d’Indianapolis 2005, qui avait amené la disparition de la manche américaine au calendrier après 2007. Bobby Epstein, le PDG du Circuit of the Americas, se souvient de la genèse du projet.

"Je n’étais pas un fan inconditionnel de F1, parce qu’il était très difficile de suivre ce sport aux États-Unis" a-t-il déclaré au Black Book Motorsport Forum. "Austin était une ville en pleine expansion et j’avais ce terrain, mon seul investissement immobilier en fait, et l’idée est venue de la possibilité d’amener la Formule 1 à Austin."

"J’ai vraiment pensé que c’était une excellente occasion de faire quelque chose pour les communautés dans lesquelles nous vivons, ainsi que quelque chose que nous pourrions rentabiliser et avec lequel nous pourrions nous amuser, et qui ferait une grande différence."

Le Grand Prix des États-Unis est un festival, dans le sens où ses organisateurs souhaitent y voir un public qui n’est pas forcément présent à l’origine pour voir la F1.

"Plus nous en parlions et plus nous y pensions, plus nous considérions cela comme une opportunité de construire une destination de divertissement de classe mondiale, et avec la F1 comme pierre angulaire, cela nous donne une merveilleuse marque pour commencer."

"Cela a immédiatement attiré les foules. Notre objectif pour le campus est d’en faire un lieu où les gens veulent venir s’amuser et construire des souvenirs avec leurs amis et leur famille. La F1 n’est qu’une partie de ce tableau d’ensemble."

Attirer un "deuxième niveau" de spectateurs

Epstein explique que pour attirer un public énorme, il faut proposer un événement spécifique qui amène un public aimant l’événement lui-même, et non la F1. Il compare cela à l’Indy 500 : "En IndyCar, lorsque nous sommes à Indianapolis, vous avez un quart de million de personnes pendant une semaine."

"Vous prenez exactement le même produit, vous le mettez dans un lieu différent, et vous voyez que la fréquentation est de 10 ou 15 % de ce qu’elle aurait pu être, ou moins, parfois. C’est là que se situe la différence entre un ’fan inconditionnel’ et un ’fan de l’événement’."

"Ce n’est pas que nous n’offrons pas la meilleure expérience possible au fan inconditionnel de sport automobile. Mais comme c’est le cas dans n’importe quel sport, vous allez devoir attirer ce que j’appelle le ’deuxième niveau’, en dessous du fan inconditionnel, pour qui ce n’est pas un hobby, ni une passion."

"Nous sommes des fans inconditionnels du sport automobile. Mais ces sports ne vont pas survivre grâce à notre seul intérêt. Il va falloir descendre d’un cran dans l’intérêt du fan occasionnel, qui est aussi un fan d’un événement et qui veut y participer."

Selon Epstein, le COTA offre aussi une approche inédite sur la vision de la piste pour les fans : "Si vous êtes un fan inconditionnel de sport automobile, j’espère que vous repartirez en vous disant que vous avez eu la meilleure visibilité possible sur un circuit."

"En raison des collines, vous pouvez voir cinq ou six virages depuis une place en enceinte, et vous pouvez en voir sept, huit ou neuf depuis les tribunes. C’est inhabituel, et le fan inconditionnel reconnaîtra que c’est inhabituel. Le supporter occasionnel l’acceptera, mais il le remarquera."

Une concurrence qui n’est pas "conçue" pour la F1

Il y a désormais trois Grands Prix de F1 aux USA, avec Austin, Miami, et Las Vegas à partir du mois de novembre. Mais pour le COTA, il n’y a pas de risque avec cette concurrence car selon Epstein, son circuit a été conçu pour amener du spectacle.

"Parfois, la concurrence est bénéfique. Tant qu’il y a assez de fans, nous pouvons en avoir beaucoup plus. Mais je pense que notre objectif est de toujours être unique, de nous démarquer, de nous concentrer sur les fans et de faire de notre mieux."

"Je pense que pour les fans qui achètent des billets, nous devons être prudents et nous assurer qu’il y a suffisamment de fans aux États-Unis qui achètent des billets pour assurer la pérennité de la course. Je pense que ce sur quoi il faut se concentrer, c’est la qualité de la compétition."

"Notre circuit est conçu pour la compétition. Nous avons des avantages par rapport à d’autres, donc je me réjouis de la compétition de ce point de vue. Je pense que les fans qui choisissent d’être des visiteurs réguliers choisiront de venir à COTA parce que nous avons un avantage."

"Nous avons été construits pour la course. Le Strip de Vegas n’a pas nécessairement été conçu pour la course, mais c’est un endroit amusant. C’est une destination internationale de classe mondiale. Je ne sais pas combien de temps les gens reviendront et achèteront des billets pour cela."

Il pense que les gens n’iront pas juste à Las Vegas pour la F1 : "À Vegas, il s’agit plutôt d’un dîner et d’un grand spectacle, puis probablement d’un casino ou d’un autre endroit. Vous avez droit à quelques heures de divertissement sur la piste. Nous allons voir si les gens veulent plus que cela, car je pense que c’est le cas."

"L’effet Netflix est réel" autour de la F1

Epstein a confiance quant à la durabilité du succès autour de la Formule 1 et de la course d’Austin. Il explique cela par le succès de la série Drive to Survive, mais aussi par les émotions que procurent la catégorie reine du sport auto.

"Je pense que c’est durable. Disons que nous croyons que l’effet Netflix est réel, et qu’il a été énorme. Il y a aussi le danger et l’excitation. Cela ne changera pas. Je pense que Survivor est diffusé à la télévision depuis plus de 20 ans, car ça a cet effet de frisson."

"Et puis je pense à The Bachelor, qui est un peu la coqueluche, le sex-appeal de la romance. C’est ce que l’on trouve en F1. Du point de vue de l’effet Netflix, les perspectives devraient donc être très bonnes, et cela va durer longtemps."

"Ensuite, j’aimerais savoir ce qu’il en est des événements. Pas seulement le sport, mais aussi la durabilité des événements et les raisons pour lesquelles les gens s’y rendent. Car c’est sur cela que nous nous concentrons. Serons-nous encore là dans cinq, dix ou quinze ans ?"

Une "tradition" qui se développe à Austin

Selon lui, une course peut survivre en s’inscrivant dans la durée auprès des fans : "L’une des choses les plus difficiles à acheter - ce qu’on ne peut pas acheter - c’est la tradition. Vous regardez certains événements sportifs et vous vous demandez pourquoi ils existent encore ?"

"Les 500 miles d’Indianapolis ou le Kentucky Derby, pourquoi attirent-ils autant de monde ? Les gens devaient se déplacer pour les vivre avant la télévision, et c’est devenu une tradition. Cela devient une tradition familiale. Et une fois que vous avez une tradition, vous avez tout."

Il révèle néanmoins que cet esprit de tradition se développe autour de la manche d’Austin en F1, car une grande partie du public se présente d’année en année, et revient assister au Grand Prix.

"Une chose que COTA avait, parce qu’il avait une longueur d’avance sur les autres événements qui se déroulent aux États-Unis, c’est que nous avons découvert qu’il y a une tradition pour les familles qui est de revenir. Nous le constatons dans le nombre de visiteurs qui reviennent."

"Je pense donc que nous nous maintiendrons parce que nous avons créé une ambiance dans laquelle les gens veulent revenir. Et puis, avec le sport lui-même qu’est la F1, ce qu’il offre, et avec la connexion de type Netflix, l’avenir devrait être bon."

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