Alonso chez Renault F1 : le choix de l’évidence... ou du risque ?

Un transfert qui comporte aussi son lot d’inconnues

Par Alexandre C.

8 juillet 2020 - 19:16
Alonso chez Renault F1 : le choix de (…)

Alonso : Le choix de l’évidence…

Même si elle était largement attendue, l’annonce du retour de Fernando Alonso chez Renault F1 en 2021 est une nouvelle sans aucun doute majeure non seulement pour l’équipe d’Enstone, mais encore pour le monde de F1 – il n’est ainsi pas courant qu’un double champion du monde fasse son retour dans la discipline.

Pour certains observateurs comme Ralf Schumacher, le choix de Renault pour remplacer Daniel Ricciardo, parti chez McLaren, tenait de l’évidence, et ce même si Sebastian Vettel était libre de tout contrat pour l’an prochain.

Et en effet, pour plusieurs raisons, le choix Alonso peut apparaître comme un « no brainer » comme le disent les Anglo-Saxons – une décision extrêmement facile à prendre.

Il y a tout d’abord les motifs liés, bien évidemment, à la compétitivité et à la performance pure de Fernando Alonso. Double champion du monde, l’Espagnol a prouvé au cours de sa carrière être l’une des références ultimes du plateau – comme le reconnaissait encore Lewis Hamilton récement. Même dans une McLaren-Honda en souffrance, le "pit bull" Fernando Alonso s’est d’ailleurs illustré à maintes reprises par sa grinta : par exemple à Bakou, en ramenant dans les points une voiture pourtant quasiment détruite au terme du premier tour ; en pointant à la 3e place au premier virage à Singapour 2017 ; ou en écrasant son coéquipier Stoffel Vandoorne en qualifications, pourtant champion prometteur de GP2. Sebastian Vettel, même libre, ne présente certainement pas les mêmes garanties – alors qu’au Red Bull Ring le week-end dernier, le pilote Ferrari a prouvé de nouveau que son manque de compétitivité et de confiance était loin d’être résolu.

L’expérience de Fernando Alonso, sa capacité à guider le développement technique d’une équipe, seront aussi très précieuses avant le grand changement réglementaire de 2022. Renault compte s’appuyer sur ces deux décennies d’expérience de l’Espagnol en F1… même si, comme par exemple en 2013, Alonso n’a jamais été non plus une assurance contre les erreurs dans la direction du développement.

D’autre part, le choix Alonso peut apparaître d’autant plus sécurisant quand l’on considère que l’Espagnol connaît parfaitement la maison Enstone, pour y avoir déjà été sous contrat à deux reprises. Ce retour permet ainsi de réactiver des souvenirs historiques positifs, de redonner confiance à Enstone dans sa capacité à rejoindre et dépasser les écuries de pointe.

Renault a aussi considéré les avantages marketing et commerciaux d’une telle décision : car faire revenir Fernando Alonso dans la discipline, c’est aussi attirer l’attention et la lumière sur la marque au Losange, qui recherche justement un surcroît de prestige et d’exposition en cette période de crise du coronavirus. Combien d’Espagnols s’étaient mis à la F1 simplement parce que Fernando Alonso y brillait ? Combien de fans, encore, portent Fernando Alonso dans leur cœur ? Ainsi, la popularité de Fernando Alonso va mécaniquement augmenter celle de Renault.

Enfin, en signant dès à présent Fernando Alonso, Renault s’épargne une longue « silly saison » de doutes et de spéculations. C’est Renault qui sera son propre « maître des horloges » et qui n’aura ainsi pas à subir le timing de l’annonce de Mercedes autour de Valtteri Bottas.

Pour autant, le choix Fernando Alonso n’est pas sans poser quelques inconnues, ou quelques risques.

… ou du risque ?

Il y a tout d’abord la question de l’âge  : Fernando Alonso fêtera ce mois-ci son 39e anniversaire, et il a d’ailleurs déclaré, dans une interview très récente, « être bien au courant de son âge ». En 2020, il aura donc 40 ans. Peut-on être au niveau à cet âge ? Michael Schumacher, lors de son retour chez Mercedes, n’avait pas vraiment donné de signaux rassurants. De même Kimi Räikkönen, depuis la fin de deuxième moitié de saison 2019, commence à souffrir face à Antonio Giovinazzi chez Alfa Romeo, au moins en qualifications. Rappelons d’ailleurs que le dernier « quadra » à avoir gagné un Grand Prix était Nigel Mansell, en Australie, en 1994 (à l’âge de 41 ans). Plus que d’autres, Fernando Alonso aura ainsi à veiller sur sa forme physique.

Se pose une question complémentaire en parallèle : Fernando Alonso aura-t-il le temps nécessaire, après deux saisons loin de la F1, de se remettre au niveau, de s’habituer au pilotage des nouvelles monoplaces ? Car très probablement, les essais de Barcelone seront sinon annulés, du moins réduits à la portion congrue en 2021, afin d’économiser des dépenses : voilà du temps en piste précieux qui s’envolera. Une parade pourrait être trouvée par Renault : faire participer Fernando Alonso à quelques EL1, à la place de Daniel Ricciardo… Renault peut cependant être rassurée par la capacité d’adaptation d’Alonso : que ce soit en WEC, à Daytona, ou sur le Dakar, l’Espagnol a tout de suite su être rapide dans des conditions bien différentes. Gageons que cette diversité d’expériences sera fort utile.

Plus sensibles semblent être les risques politiques liés à l’arrivée de Fernando Alonso. En effet, que ce soit chez Ferrari ou chez McLaren, l’Espagnol a fait le vide autour de lui, pour faire d’une équipe de F1 une « équipe Alonso », instaurant parfois un climat sinon malsain, du moins pesant. Chez McLaren en particulier, Alonso n’a rien fait pour instaurer un climat de confiance avec ses nombreuses déclarations (« GP2 Engine… » qui ont aggravé les difficultés du motoriste Honda et précipité son départ, avec des conséquences économiques sérieuses pour McLaren.

Du reste, les dernières déclarations d’Alonso laissent en effet apercevoir sa volonté d’imposer sa culture de la gagne à Enstone : « J’y reviens pour construire et instiller ma culture de la victoire dans tous les aspects de l’équipe et le groupe Renault » a-t-il par exemple lancé avec ambition.

La gestion politique de Fernando Alonso dépendra en grande partie de son niveau de motivation, qui peut être également questionné : en effet, Alonso court le risque de passer une saison de plus en milieu de grille, là où il a souvent répété ne vouloir revenir en F1 que pour jouer la gagne. Or avec un châssis en partie gelé l’an prochain, Renault a peu de chances de revenir dans le top 3. Un Fernando Alonso s’arrachant pour une 7e place sera-t-il toujours un Fernando Alonso heureux ?

Fort heureusement, contrairement au début de l’ère McLaren-Honda, Renault a fait moins de promesses à son nouveau pilote, en ayant le cap fixé vers 2022, et non 2021 : Alonso saura donc qu’il lui faudra être patient. C’est ce qu’il a d’ailleurs confirmé dans une interview récente : « J’ai suivi la F1 et je sais qu’il n’y a qu’une seule équipe qui a une vraie chance de gagner en 2020 (Mercedes) et probablement en 2021 aussi. »

Enfin, le choix de Fernando Alonso peut apparaître un risque pour la carrière d’Esteban Ocon. C’est bien le Normand qui représente l’avenir de Renault. Or, à Enstone avec Nelson Piquet, ou surtout chez McLaren avec Stoffel Vandoorne, Fernando Alonso est réputé comme un « briseur de carrières » : le Belge, pourtant large champion de GP2, ne s’était jamais remis de la domination formidable exercée par Alonso à Woking. Ocon saura-t-il éviter ce sort ?

En définitive, le choix de Fernando Alonso, comme tout pari, comporte son lot d’inconnues et de risques. Il demeure, en tout état de cause, un choix audacieux fait par Cyril Abiteboul et qui, même s’il échoue, aura au moins le mérite d’entretenir la flamme de la passion chez de nombreux fans.

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