Technique : quand le moteur aide à préserver les pneus

Explications de David Lamb, ingénieur de piste Renault pour Williams

Par Franck Drui

12 mai 2012 - 10:19
Technique : quand le moteur aide à (...)

Ils ont été au cœur de toutes les discussions depuis le début de la saison : les pneumatiques Pirelli P Zero. Seuls points de contact avec la piste, ils constituent un élément primordial de la performance, puisqu’ils font passer la puissance au sol. Voilà pourquoi ils constituent un paramètre capital pour les ingénieurs de Renault Sport F1.

« Lors des deux premières courses de la saison, l’usure des pneumatiques n’était pas très importante. Mais à Shanghai et Bahreïn, ce paramètre était à prendre en considération. C’est devenu l’une des clés de la course et un facteur de performance », explique David Lamb, ingénieur de piste Renault Sport F1 pour Williams. « Les pneus arrière sont généralement les premiers à perdre de leur efficacité car ils sont sujets à davantage de contraintes au freinage et à l’accélération. Nous avons donc un rôle à jouer pour les préserver. »

« Lorsque le pilote lève le pied de l’accélérateur, l’arrière déleste. Mais dès que le moteur est à nouveau sollicité, les forces appliquées aux pneumatiques sont accentuées. Cette pression alternative augmente l’usure. Et en cas de blocage de roues, on ne fait pas que perdre du temps, on chauffe aussi les pneumatiques et on accélère leur usure. »

« Les premiers points sur lesquels il est nécessaire de travailler sont la réduction des blocages de roues et l’amélioration de l’utilisation des pneumatiques. L’idée est de conserver un couple linéaire lorsque le pilote lève le pied de la pédale. Même lorsque l’on a 0% d’accélération, on peut encore demander au moteur d’envoyer du couple. Nous parvenons à ce résultat grâce à une cartographie spécifique. La conséquence immédiate est l’arrêt des blocages de roues et une réduction de l’usure des pneumatiques. Dans les faits, on imprime un couple négatif car il est interdit d’appliquer un couple positif lorsque la pédale n’est pas sollicitée. Le pilote possède trois ou quatre options, selon le scenario de la course. »

Le concept semble finalement assez simple, mais on peut aussi en déduire que les bénéfices doivent être mis en regard des désavantages liés à cette technique.

« Le plus gros désavantage est la consommation d’essence qui, forcément, augmente. Et le delta est d’autant plus important que l’option choisie est radicale. Il est possible d’atteindre 1 ou 2% d’augmentation de consommation par tour. C’est l’équivalent de 3 kg d’essence au départ de la course. Ce poids supplémentaire ralentit la monoplace de quelques centièmes de seconde au tour. Ironiquement, on peut utiliser ce système pour réduire l’usure des pneumatiques mais le poids supplémentaire embarqué peut avoir un impact négatif sur ce même paramètre ! »

L’autre inconvénient est une augmentation de la température de la mécanique : « Comme on utilise davantage le frein-moteur, la température augmente. Ce ne devrait pas être un problème à Barcelone mais, à Bahreïn, où les températures ambiantes étaient bien plus élevées, nous étions à la limite. »

Le frein-moteur n’est pas le seul outil à la disposition des ingénieurs de Renault Sport F1. Comme l’explique David, la cartographie de l’accélérateur n’a jamais été aussi importante.

« Il y a une corrélation directe entre l’usure des pneumatiques et la cartographie de la pédale. Le pourcentage de couple utilisé est à mettre en relation avec la force appliquée sur la pédale d’accélérateur.

Prenons l’exemple d’un pilote qui nous dirait : ‘Lorsque la pédale est enfoncée à 30%, je veux 15% du couple moteur’. Une cartographie douce permettrait au pilote d’avoir une montée lente lorsqu’il attaque la pédale. Mais cela signifie aussi qu’il profitera de moins de progressivité par la suite car, selon le règlement, les positions 0% et 100% de la pédale doivent correspondre à 0% et 100% du couple moteur. Il faut trouver un compromis car s’il y a un décalage entre les deux courbes, il faut le rattraper par la suite. »

Ce paramètre a un effet important sur l’utilisation des pneumatiques. Il faut s’adapter aux sensations et aux désirs de chaque pilote, selon la piste et même virage par virage, pour éviter au maximum le patinage. Pour un ingénieur, ce réglage est un des défis les plus intéressants.

« Il y a, évidemment, des limitations pour que les réglages de l’incidence de la pression exercée sur la pédale ne serve pas d’antipatinage électronique. La FIA est assez stricte sur l’utilisation de cette cartographie, spécifiquement lors de la procédure de départ. Durant la journée du vendredi, nous travaillons très dur pour perfectionner la cartographie de la pédale pour chaque virage et avec chaque pilote, afin qu’ils soient satisfaits de la relation entre leur commande de pédale et la réponse du moteur. »

Renault Sport F1 semble avoir pris la mesure des défis imposés par le niveau de compétitivité de la concurrence en ce début de saison 2012. Les performances affichées lors de la dernière course sont un signe clair des progrès accomplis depuis les premières courses du championnat.

« Le résultat de Bahreïn est fabuleux pour tout Renault. Avoir un top 4 motorisé par Renault est un grand succès. Ce résultat a donné à chacun de nous un surplus de motivation au moment de nous rendre aux essais du Mugello, puis au prochain Grand Prix d’Espagne. »

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