Ferrari : les raisons d’être pessimiste (ou optimiste) pour 2020
Trois raisons d’espérer, trois raisons de douter
Et si la Ferrari de 2020 était finalement une déception ? Leo Turrini, journaliste italien réputé, a récemment recueilli des informations qui iraient dans ce sens. « Il me semble que, jusqu’ici, les indications du simulateur et de la soufflerie n’ont pas impressionné les ingénieurs » expliquait-il dans la presse italienne, avant de relativiser immédiatement cet aperçu : « Mais il faut garder à l’esprit qu’il y a encore du temps. »
Bien sûr, il est encore bien tôt pour dire, sur le fait de cette seule indiscrétion, qui n’a d’ailleurs pas été confirmée par d’autres sources, que la saison 2020 de Ferrari sera une nouvelle déception. Il ne faudra pas même compter franchement sur les essais hivernaux (souvenons-nous de l’épisode de l’an dernier) pour conclure ce que ce sera la saison de Ferrari.
En cette période hivernale, et compte tenu des informations disponibles jusqu’à présent, que pourrait-on alors dire des perspectives 2020 pour les Rouges ? En vérité, il y a des raisons d’être pessimistes… comme d’être optimistes.
Les raisons du pessimisme
Ferrari risquerait-elle, en 2020, de devenir la troisième meilleure équipe du plateau, derrière Mercedes bien sûr, mais aussi derrière Red Bull ? Les pessimistes peuvent arguer de quelques arguments allant en ce sens…
Le premier de ces arguments concerne le développement du concept aérodynamique de la Ferrari. On le sait, pour 2019, Ferrari avait fait le choix d’un concept à faible traînée, privilégiant la vitesse de pointe sur la vitesse de passage en virages. La Scuderia fut ainsi performante en lignes droites, à Monza ou à Spa, mais souffrit par exemple à Budapest. Et dans l’ensemble, Ferrari était l’équipe de pointe qui maltraitait le plus les Pirelli.
Ce concept d’aileron avant n’a pas donné entièrement satisfaction à Maranello, qui admet être aujourd’hui en recherche d’appui (les évolutions importantes introduites à Singapour allaient déjà dans ce sens). Pour 2020, comme Mattia Binotto l’avait annoncé en décembre dernier, Ferrari, sans totalement se renier, fera ainsi quelque peu machine arrière sur ce concept : « Nous aurons une philosophie aérodynamique différente, mais ce sera évidemment basé sur ce que nous avons appris cette année. Sa conception a été tournée vers la production de plus d’appuis aérodynamique, au détriment de la traînée. Nous ne nous attendons donc plus à avoir la voiture la plus rapide sur les lignes droites. Je ne dis pas que nous allons copier les autres, mais nous pouvons mieux nous adapter au comportement des Pirelli puisqu’ils ne changeront pas l’an prochain. »
Les risques d’un changement de concept – même partiel – sont connus : alors même que le règlement 2020 sera stable, Ferrari prend un risque en ne misant pas sur la continuité et le savoir-faire acquis. Était-il si judicieux de consacrer autant de ressources à un changement de concept partiel, pour une saison de stabilité réglementaire, là où Mercedes et Red Bull devraient plus s’inscrire dans la continuité et ainsi tirer profit de l’expérience acquise ? Le département aérodynamique de Ferrari a déjà assez déçu par le passé…
La deuxième raison qui incite au pessimisme du côté de l’Émilie-Romagne ne concerne pas l’aérodynamique, mais le moteur. Jusqu’au milieu de la deuxième moitié de saison, l’avantage moteur de Ferrari était très net sur la concurrence ; en fin de saison, il s’était quasiment estompé. Cette dynamique négative fut concomitante des directives de la FIA enjoignant à un contrôle plus strict de l’utilisation de l’unité de puissance, notamment autour de l’utilisation de l’huile comme carburant. Forcément, une telle coïncidence a alimenté les soupçons, par exemple d’un Max Verstappen qui avait évoqué une « tricherie » de la Scuderia.
Mais la coïncidence n’est pas forcément conséquence… Ferrari dit d’ailleurs avoir changé d’approche dans les réglages, en privilégiant davantage les virages que la vitesse de pointe (comme un aperçu de la saison 2020). Ce qui est certain, c’est que Ferrari ne semble plus devoir compter sur un avantage moteur décisif en qualifications et en lignes droites.
La troisième raison incitant au pessimisme concerne enfin les pilotes. La guerre interne entre Sebastian Vettel et Charles Leclerc, en dépit des déclarations lénifiantes entendues après l’accrochage d’Interlagos, n’a aucune raison de s’arrêter. Du même coup, Ferrari devrait continuer à gaspiller des points, quand ses deux pilotes se gêneront bien sûr, mais aussi tout simplement dans la course au titre : car alors que Mercedes et Red Bull ont clairement deux pilotes numéro 1, qui rafleront la majorité des points inscrits par l’équipe, Ferrari, elle, n’aura pas de leader naturel à privilégier pour la course au titre. Si la saison est serrée, attention à ne pas revivre le psychodrame Lewis Hamilton / Fernando Alonso en 2007, qui, malgré une McLaren plus compétitive, avaient laissé filer le titre à Kimi Räikkönen.
La gestion des pilotes par Mattia Binotto ne laisse d’ailleurs pas d’interroger. Récemment, le directeur d’écurie a de nouveau interloqué en assurant que, malgré la prolongation de contrat à très long terme de Charles Leclerc, Sebastian Vettel restait « au cœur » du projet de la Scuderia. La F1 de 2020 aurait d’ailleurs été développée en sa direction, comme il l’expliquait : « Nous dessinerons une voiture qui est plus en phase avec le style de pilotage de Sebastian. Avec plus d’appui sur l’arrière. Le manque d’appui a donné plus de vitesse, mais ça n’a pas fonctionné comme nous l’espérions. » Peut-on faire confiance à un Sebastian Vettel qui est apparu émoussé et friable en 2019 comme en 2018 ? Et ce cette nouvelle direction dans le travail aérodynamique ne risque-t-elle justement pas de nuire aux performances de Charles Leclerc ?
En somme, si l’on rassemble ces arguments, et si l’on considère, d’un autre côté, que Honda et Red Bull devraient continuer leur progression naturelle, la deuxième place de Ferrari au classement des constructeurs ne semble pas acquise…
Les raisons d’être optimiste pour Ferrari
Mais il y a bien sûr, également, des sérieuses raisons d’être optimiste pour Ferrari.
La première raison tient au dernier point évoqué sur Sebastian Vettel et la philosophie aérodynamique de la nouvelle voiture : si la nouvelle Ferrari redonne effectivement confiance à l’Allemand, il est possible que le quadruple champion du monde que l’on connaissait soit véritablement de retour. Avec des bourdes en moins, de la vitesse pure en plus, Sebastian Vettel pourrait-il être un des moteurs de la saison 2020 de Ferrari ?
La deuxième raison tient au nerf de la guerre en F1 : le budget. Louis Camillieri, le PDG de Ferrari, a annoncé une augmentation substantielle du budget de l’équipe, certes pour préparer le grand changement de règlement en 2021, mais aussi pour 2020. Ces investissements devraient aussi servir à la construction d’un nouveau simulateur. « Le budget que nous avons est celui dont nous avons besoin » a déjà déclaré Mattia Binotto. Reste à voir si Ferrari saura bien utiliser ces nouvelles ressources.
La troisième raison tient à la stabilité de l’équipe technique. L’année dernière, Mattia Binotto prenait ses fonctions en remplacement de Maurizio Arrivabene, tandis que Laurent Mekies découvrait son rôle de directeur sportif. Désormais, l’équipe technique est bien installée, à tous les échelons d’ailleurs, puisque Ferrari a récemment promu de nouveaux ingénieurs – ce qui faisait dire à Mattia Binotto que Ferrari était en réalité une « jeune écurie. » Avec une année d’expérience en plus, la marge de progression devrait être appréciable.
Trois raisons d’espérer, trois raisons de douter : en cette période hivernale, on l’aura compris, les incertitudes entourent encore la saison 2020 de Ferrari. La Scuderia est capable du pire (2014) comme du meilleur (2017) au sortir d’une intersaison. Dans quelle lignée s’inscrira 2020 ?
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