Et si Claire Williams avait raison dans sa gestion stratégique de l’écurie ?
Vendre Williams, une fausse bonne idée stratégique, sportive et financière
Ces derniers jours, les rumeurs de rachat de Williams, par le père du pilote de F2 Nikita Mazepin, ont de nouveau fait planer le doute sur la situation financière de l’écurie de Grove.
Avérées ou non, Uralkali ayant relativisé cette nui la teneur des discussions en cours, ces rumeurs ne sont pas sans rappeler le feuilleton Force India de l’an dernier – sauvée in-extremis de la disparition par le père de Lance Stroll.
Pour autant, la situation financière et stratégique de Force India 2018 est-elle comparable à celle de Williams ? Les deux écuries se retrouvent-elles dans une impasse également insoluble, sans renfort de capitaux extérieurs ?
En réalité, la situation financière de Williams paraît bien plus confortable, et il est même permis de décrire la stratégie de Claire Williams comme parfaitement rationnelle dans l’optique des prochains Accords Concorde.
Pour le comprendre, il importe de rappeler les résultats, positifs, du dernier exercice financier de Williams Grand Prix Holdings. La holding regroupe Williams Grand Prix Engineering Limited, l’écurie de course, et Williams Advanced Engineering Limited, plus ou moins équivalent de Red Bull Technology. Le business de Williams est ainsi clairement séparé : le business de l’écurie de F1 se porte relativement bien, sans être florissant, tandis que le business de Williams Engineering se porte bien mieux (y compris sur le plan sportif, puisque la Jaguar de Mitch Evans, victorieuse à Rome en Formule E, a été développée en partenariat étroit avec Williams).
La holding Williams a, ainsi, présenté des résultats positifs en 2018. Les revenus ont grimpé à 176,5 millions de livres, contre 166,2 millions en 2017. L’EBITDA du groupe est lui aussi dans le vert et en progression, à hauteur de 12,9 millions de livres, contre 10,8 millions en 2017.
« Les résultats financiers de 2018 représentent une autre année de performance solide pour Williams » rappelait ainsi Mike O’Driscoll, Directeur Général du groupe. « Les revenus ont progressé en 2018, à la fois dans les opérations liées à la F1 et pour Williams Advanced Engineering, à la suite d’autres performances similaires réalisées les années précédentes. »
Sur le plan sportif, les résultats infiniment décevants de cette année, en F1, devraient certes diminuer les résultats futurs de l’écurie de course.
Par conséquent, pour les faire progresser à court terme, pourquoi Williams n’accepterait-elle pas de devenir, comme Haas avec Ferrari, « l’écurie B » de Mercedes, en profitant d’un transfert de technologies important ?
Tout simplement parce qu’une telle décision viendrait mettre à mal le business indépendant de Williams Engineering. Williams entend conserver un savoir-faire interne, une capacité de développement autonome. C’est pour cela qu’il avait été décidé de ne pas utiliser la boîte de vitesses Mercedes l’an dernier.
Cette décision est parfaitement rationnelle pour préserver un pan crucial de la holding. Elle se justifie d’autant plus dans la perspective des Accords Concorde, pour deux raisons principales. Tout d’abord, la standardisation des pièces, les budgets plafonnés et la redistribution des revenus permettront à Williams d’être plus compétitive à moindre coût. Ensuite, Williams Engineering pourrait aussi se porter candidat pour fournir certaines pièces standardisées aux autres écuries, et a donc besoin de conserver un savoir-faire autonome pour tirer profit de ces nouvelles opportunités de croissance.
Le plan de Claire Williams est ainsi de faire le dos rond, en attendant 2021. Sacrifier aujourd’hui le long terme, l’autonomie de l’écurie, pour profiter d’une amélioration temporaire des résultats en 2020, apparaît effectivement comme une stratégie trop imprudente. Surtout quand l’on sait que le modèle des écuries B pourrait être remis en cause à partir de 2021, en raison de la fronde de McLaren et Renault…
En somme, Williams est aujourd’hui contrainte de faire passer les résultats sportifs après la préservation de son savoir-faire et de ses résultats financiers. C’est ce qui fait dire à Jacques Villeneuve que Williams « n’est plus une écurie de course. C’est une entité publique qui doit rendre des comptes en fin d’année. Tout ce qu’on fait, c’est satisfaire son président et directeur général. Or, la compagnie a fait 16 millions de dollars de profit en 2018. Donc elle va bien. »
Dans ces conditions, vendre aujourd’hui l’écurie au père de Mazepin serait une bien mauvaise idée : si le présent et le futur proche de Williams s’annoncent sombres sur un plan sportif, l’avenir, à partir de 2021, apparaît plus dégagé. Claire Williams sait qu’elle devra, d’ici là, encaisser de nombreuses critiques, entendre de multiples appels à la démission.
Pour autant, il est évident que Williams, en raison de son histoire et de son prestige, ne peut sacrifier son indépendance comme Sauber l’a fait à Alfa Romeo ou Haas à Ferrari. Claire Williams se sent investie d’une mission, préserver Grove, ne pas en faire un dominion de Mercedes ou d’une autre écurie. S’il faut souffrir en 2019 et 2020 pour cela, alors, soit, l’avenir lui donnera raison…
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