En chute libre, Haas F1 doit-elle remettre en question son modèle particulier ?

Haas ne cerne pas les défauts d’une VF-19… qu’elle a sous-traitée en grande partie

Par Alexandre C.

7 juillet 2019 - 18:05
En chute libre, Haas F1 doit-elle (...)

Cette saison 2019 devait être, pour Haas, celle de la confirmation. Après un exercice 2018 réussi (5e place au classement des constructeurs), en dépit de nombreux points gâchés en route, l’équipe américaine apparaissait en situation de transformer l’essai et de devenir, officiellement, la « meilleure des autres », derrière les trois écuries de pointe.

Les essais de Barcelone, comme le Grand Prix d’Australie, confirmaient ces promesses : à la régulière, l’équipe américaine avait bien une longueur d’avance sur Renault, McLaren et le reste du milieu de grille. Avec l’expérience, c’était entendu, Haas allait passer à la vitesse supérieure, et, pourquoi pas, commencer à combler l’écart sur les écuries de pointe, notamment grâce aux concours financiers du nouveau sponsor-titre, Rich Energy.

Hélas, pour l’équipe américaine, tout est allé de mal en pis depuis. La voiture a accusé une chute de performance sévère voire gravissime, au point de déclencher « l’alerte cobra » selon Romain Grosjean. C’est bien simple, en rythme de course (le rythme en qualifications est légèrement meilleur), Haas était, en France ou en Autriche, l’écurie la plus lente, juste devant Williams – quoique, Kevin Magnussen a fini à deux reprises derrière George Russell cette année.

Pourquoi donc une telle chute de performance ? Bien évidemment, les ingénieurs de Haas se sont rapidement posés la question… et la réponse se fait toujours attendre.

Dans un premier temps, comme d’autres écuries, Haas a d’emblée ciblé les faiblesses inhérentes aux Pirelli. La fenêtre de fonctionnement des pneus serait bien trop étroite et complexe à trouver selon les écuries ; Haas souffrirait simplement plus pour trouver cette bonne fenêtre de fonctionnement.

« C’est vraiment un travail important que de mieux comprendre les pneus, pour les faire fonctionner de manière constante. Ils semblent fonctionner de manière très troublante, surtout pour nous, donc nous ne visons rien d’autre » assurait encore Günther Steiner avant le Grand Prix d’Autriche. « Nous nous concentrons surtout sur les pneus. »

Les difficultés de Haas, selon ce point de vue, seraient ainsi une simple affaire de gommes, un sujet circonstanciel et non structurel : une fois la voiture revenue dans la bonne fenêtre de fonctionnement, Haas redeviendrait la 4e équipe la plus rapide.

Mais voici : même sur des Grands Prix où les pneus travaillent beaucoup, qui plus est sous une forte chaleur, comme en Autriche (58 degrés de températures de piste), Haas était particulièrement lente… Y aurait-il ainsi un problème plus fondamental, structurel, sur cette VF-19 ? Romain Grosjean le craint déjà : « La voiture n’avance pas, il faut qu’on se pose les vraies questions car [en France] il faisait chaud, on a de la température dans les pneus, ils sont dans la bonne fenêtre, mais on n’a pas de rythme. La voiture est bonne, il y a un bon feeling, mais la performance n’est pas là. On a raté la course au développement et on est tombé derrière [dans la hiérarchie]. »

Il y a pire que d’avoir un problème fondamental sur une F1 : quand une écurie ne sait pas identifier précisément la nature de ce problème… Or, justement, le haut-management de Haas semble totalement désemparé lorsqu’il s’agit d’expliquer, clairement, d’où proviennent les chutes de performance massives de la monoplace. Il n’y a qu’à se remémorer les paroles troublantes et particulièrement inquiétantes de Günther Steiner après la course au Red Bull Ring : « Hier [qualifications du Grand Prix d’Autriche] on était 5e, aujourd’hui on est presque derniers, à se battre avec les Williams. C’est étrange, c’est très frustrant, c’est incompréhensible. Là, c’est de la confusion pour moi, vraiment. »

En réalité, il se peut bien que Haas paie aujourd’hui les limites de fond inhérentes à son modèle particulier. Pour rappel, Haas, afin d’être compétitve à moindre coût, a adopté un fonctionnement original. Le développement de la voiture est sous-traité autant que possible : l’unité de puissance est bien sûr achetée à Ferrari ; Dallara développe une grande partie du châssis ; de nombreuses autres pièces aérodynamiques ou mécaniques (boîte de vitesses, pontons…) proviennent également de Maranello. Ce modèle particulier a fait jaser, au point que Fernando Alonso, moqueur ou envieux, ait rebaptisé « Ferrari B » la Haas de l’an dernier.

Au quotidien, les ingénieurs Haas proprement dit évoluent en nombre limité, en raison du très faible budget de l’écurie ; et ils n’ont pas une totale compréhension de leur monoplace, puisqu’ils n’ont pas directement participé à son développement – à l’inverse des écuries d’usine ou même de Williams ou McLaren. Que le problème fondamental soit lié à un défaut général du châssis ou à la compréhension de la fenêtre de fonctionnement des pneus, les maigres ressources humaines de Haas en matière d’ingénierie, de même que la collaboration qui apparaît insuffisante avec Dallara et Ferrari en la matière, n’aident certainement pas. Comment comprendre une voiture que l’on n’a pas développée ?

Certes, l’an dernier, Haas a récolté les dividendes de ce modèle particulier : lorsque tout fonctionne bien, lorsque la voiture est bien née, sans problème fondamental, lorsque les pneus sont plus faciles à faire fonctionner, Haas peut lutter avec des écuries au budget bien plus important (Renault, McLaren). Au contraire, quand il importe de faire preuve d’une extrême finesse dans les réglages ou dans le développement aérodynamique, les faiblesses structurelles de ce modèle apparaissent, criantes : Haas ne peut corriger les défauts de sa monoplace, puisque les ingénieurs de l’écurie n’ont pas maîtrisé les arcanes de son développement. Aujourd’hui, les ingénieurs paraissent démunis, comme s’ils devaient corriger la trajectoire d’un navire dont ils ne maîtriseraient pas le gouvernail.

En 2018, McLaren avait rencontré de pareilles difficultés : l’écurie de Woking ne comprenait aucunement le développement de sa monoplace, et avait dû tout miser – avec succès, comme on le voit aujourd’hui – sur la monoplace 2019. En ce jour, Günther Steiner envisage sérieusement d’imiter McLaren : si les problèmes structurels ne sont ni compris ni résolus, il vaudrait « mieux commencer immédiatement à travailler sur une nouvelle monoplace. » En remettant en cause le modèle Haas ? La question pourrait se poser si, de nouveau, Haas rencontre de telles limitations au cours de la saison prochaine.

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