Du camouflet au respect : Moss, le seul à qui Enzo Ferrari permit de conduire une Ferrari bleue en F1
L’hommage tardif du Commendatore à Moss...
Si Sir Stirling Moss n’a jamais piloté pour Ferrari en F1, il s’en est fallu cependant de peu… Les relations entre le Cheval Cabré et le pilote britannique, qui partaient sur des bases prometteuses, ont en effet été tumultueuses. Il faut dire que deux grandes personnalités étaient alors en présence : d’un côté, le Commendatore, Enzo Ferrari, ombrageux, redouté, écrasant, qui plaçait sa marque avant toute chose, y compris les pilotes ; d’un autre côté, un patriote britannique, qui voulait surtout courir au sein d’une équipe anglaise – des « garagistes », railla-t-on longtemps chez Ferrari.
Les débuts de cette relation remontent à 1952. Moss était alors l’un des plus grands espoirs du sport automobile – il s’était notamment illustré lors d’une course à Bari, en finissant 3e, au volant d’une très modeste Formule 2 de HWM Team (une équipe britannique, bien sûr), derrière les invincibles Alfa Romeo de Nino Farina et Juan Manuel Fangio.
Moss tapa dans l’œil d’Enzo Ferrari, qui invita le jeune pilote (il n’avait que 20 ans) à tester la future F2 qu’utiliserait Ferrari l’année suivante. Après un long et éreintant voyage en train, Moss se présenta au lieu de rendez-vous ; il aperçut la bête rouge, s’y glissa un instant, quand il fut interrompu par un mécanicien, qui lui demanda ce qu’il faisait là.
« J’ai dit » se souvient Moss, « je suis Stirling Moss et je conduis cette voiture. »
Le mécanicien répondit alors rapidement : « Non, c’est faux, Piero Taruffi va la conduire. »
Enzo Ferrari n’avait finalement pas tenu parole envers Moss et avait, comme souvent, préféré un pilote italien à un pilote britannique. Le Commendatore ne s’expliqua pas un seul instant et resta chez lui, à Modène, à des centaines de kilomètres…
« J’étais stupéfait » poursuit Moss. « Je n’ai pas oublié, et je ne pardonnerais pas. Et pour cette raison, c’était toujours un grand plaisir pour moi que de battre les voitures rouges. »
« Piero Taruffi était un gars sympathique et un bon pilote, mais Enzo Ferrari avait simplement changé d’avis, sans me le dire. Sur le moment, je me suis juré que je ne courrais jamais pour lui, et je ne l’ai jamais fait. »
Moss passa en effet le reste de sa carrière avec des écuries anglaises ; et quand il conduisit pour une équipe italienne, ce fut pour Maserati, non pour Ferrari.
Qui sait ce qui serait advenu si Moss avait finalement piloté pour Ferrari, en 1953 par exemple ? Ascari avait alors écrasé la compétition. Mais Moss, avec la même monture, aurait-il pu lui résister ?
Cette histoire entre Moss et Enzo Ferrari laissa longtemps ses séquelles. Mais le temps fit son œuvre.
En 1961, Moss, toujours contraint de ne pas courir pour Ferrari, s’était rabattu sur une modeste Lotus financée par Rob Walker, et ne put rien faire face aux bolides rouges plus puissants (il faut dire que le règlement moteur en vigueur les avantageait fortement). Cependant, à deux reprises, au Nürburgring et surtout à Monaco, Moss fit part de son talent en intact en devançant les Ferrari.
A la fin de l’année 1961, après que le pilote britannique a disputé les 24 Heures du Mans au volant d’une Ferrari 250 GT, Enzo Ferrari, qui tenait plus que jamais Moss en grand respect, le convoqua à Modène.
« Ferrari m’a dit : "Si tu me dis quelle voiture tu veux, je te la construis" » se souvient Moss.
« J’ai répondu : "Je veux une Ferrari 250 GTO pour BRP [British Racing Partnership, l’écurie de Moss] peinte à leurs couleurs et je veux une Ferrari 156 [F1] peinte aux couleurs de Rob Walker - alors je courrai pour vous". Il a accepté et a construit les voitures. »
Enzo Ferrari, l’homme plaçant le Cheval Cabré au-dessus de tout, accepta que Moss conduise une Ferrari rachetée, et surtout repeinte en bleu : par ce geste très inhabituel chez lui, le Commendatore rendit hommage, à sa manière, au champion sans couronne.
Mais Moss ne conduisit jamais ce bolide bleu : à quelques jours du début de saison 1962, il fut gravement accidenté à Goodwood, ce qui mit fin à sa carrière en F1.
« Oui, je dois dire que mon plus grand regret est de n’avoir jamais roulé pour Ferrari » estimait Moss il y a quelques années, invoquant, avant tout, des motifs sécuritaires – signe des temps.
« Si vous parcourez l’histoire de Ferrari, je ne peux pas penser à un seul accident - à l’exception peut-être d’Alberto Ascari, mais on ne sait pas vraiment ce qui s’est passé - où la voiture a été la cause de la mort du gars. »
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