‘Depuis mes 13 ans, j’avais tout vécu avec lui’ : Gasly se souvient d’Anthoine Hubert
Il évoque aussi sa première victoire… et sa prochaine ?
« Annus horribilis » : l’expression n’est pas galvaudée pour Pierre Gasly, lorsque l’on évoque la saison 2019.
Six mois à peine après son arrivée chez Red Bull, le Français était rétrogradé à mi-saison chez Toro Rosso. Surtout, à Spa la même année (pour sa première course avec Toro Rosso…), il apprit sur place le décès d’un ami d’enfance, Anthoine Hubert, le pilote F2, suite au terrible accident survenu au Raidillon.
C’est sur ce moment terrible qu’est revenu, pour le podcast "Beyond the Grid", Pierre Gasly.
« Ce fut un choc. J’étais dans la galerie de mon téléphone, en train de regarder des photos, et j’ai fini par voir les photos avec Anthoine du temps où nous étions à l’école ensemble, avec ce dernier dîner que nous avons eu à Budapest avant les vacances d’été. Nous avions prévu de sortir et à la dernière minute, je n’ai pas eu envie d’y aller, et je me souviens avoir dit "au revoir" depuis le trottoir, et je le vois encore debout à côté de ma petite amie. »
« Je ne pense pas que l’on soit préparé dans sa vie à perdre un ami, et un ami très proche, à un si jeune âge. Malheureusement, ce n’était pas le premier ami très proche que je perdais [Jules Bianchi]. C’était très, très difficile de s’en remettre et de vivre la même chose. C’était quelqu’un avec qui j’ai tout vécu dans mon sport depuis l’âge de 13 ans, on vivait dans la même chambre, on allait tous les matins en cours, étudiant ensemble, et s’entraînant ensemble. J’ai toujours dit qu’il avait fait de moi une meilleure personne sur la piste et en dehors. »
Pierre Gasly raconte comment il a surmonté cette terrible nouvelle - après avoir déjà vécu le drame de la mort de Jules Bianchi.
« Ce qui s’est passé à Spa… je pense que cela a aussi changé ma vision de la vie en général, et ma relation avec les gens qui sont importants pour moi. Je veux apprécier chaque seconde que vous pouvez passer avec ces personnes proches. Évidemment, on ne peut pas changer la vie. C’est le destin. Et je suis quelqu’un de très fataliste. Je crois que nous avons tous notre histoire et qu’il y a très peu de choses que nous pouvons faire pour changer notre destin. Je pense que c’est quelque chose que j’ai retenu de ce qui s’est passé avec Jules Bianchi. »
« Cela m’a aidé à accepter l’histoire de la vie d’Anthoine et à transformer cette sorte de douleur et de chagrin en quelque chose de plus positif, et à essayer d’utiliser l’impact qu’il a eu sur ma vie d’une manière très positive. C’est pourquoi je suis extrêmement heureux et fier de ce que nous commençons avec Alpine, car je sais que c’était son objectif. Son objectif [Anthoine Hubert] était d’être un pilote de Formule 1 pour Alpine et d’essayer de gagner avec Alpine. Pour être dans la position où je suis aujourd’hui, je suis sûr à 100 % qu’il est avec nous et qu’il nous regarde. Il va faire en sorte que de grandes choses se produisent pour nous. »
L’année d’après, Pierre Gasly vivait son meilleur week-end en F1, à Monza, après avoir vécu le pire de sa carrière, à Spa.
Et sur le podium du Grand Prix d’Italie 2020 qu’il avait remporté, Pierre Gasly dit bien sûr avoir pensé à Anthoine...
« J’avais des millions de pensées dans la tête, donc c’était très compliqué d’assimiler tout ce qui se passait là-haut. Évidemment, Anthoine faisait partie des gens auxquels j’ai pensé tout de suite quand j’ai franchi la ligne. Mais c’est un moment dont on rêve un million de fois quand on est enfant. On s’endort en pensant et en rêvant : "Je veux être pilote de Formule 1... Je veux gagner en Formule 1... Je veux vivre ce que c’est que d’être sur la plus haute marche du podium après avoir gagné une course". »
« Nous sommes toujours en train de nous inquiéter de l’avenir, du passé, et nous oublions trop souvent de profiter de ce qui se passe. Alors que les autres pilotes quittaient le podium, je me disais : "Ce moment est le mien. Il se terminera quand je le déciderai". C’est trop fort en termes d’émotions. J’en ai rêvé tellement de fois que je me suis dit : "Prends quelques secondes pour toi, assis là". »
Mais ce podium 2020 à Monza était aussi bien particulier : en raison des restrictions sanitaires, la piste n’avait pas été envahi comme à leur habitude, par les tifosi…
« Personne n’était sur la ligne droite principale à Monza. Vous avez normalement ces images des tifosi sur la ligne droite principale. Mais je suis probablement le seul à n’avoir vu personne sur le podium à Monza, et à avoir gagné le Grand Prix d’Italie avec une équipe italienne. »
Après sa victoire de Monza, Pierre Gasly a été porté par un tourbillon de félicitations, dont un appel du Président de la République.
« C’était comme un fantastique chaos. Cela faisait 24 ans qu’un pilote français de Formule 1 n’avait pas gagné en F1 et les attentes de notre pays étaient énormes. Je me souviens toujours de la première fois où je suis arrivé en Malaisie, dans le paddock, un jeudi, j’ai pris mon premier rendez-vous avec les médias, et la première question du journaliste français a été : "Serez-vous le prochain vainqueur français en Formule 1 ? »
« J’ai tout de suite compris que ces gens attendaient ça depuis longtemps. Il y a beaucoup d’attentes. J’ai répondu "je l’espère". C’est pourquoi je pense qu’il y a eu une telle réaction et une telle réponse de la part de tout le pays. Ma victoire a définitivement déclenché un plus grand intérêt pour la Formule 1 en France. Cette victoire a eu un impact considérable sur ma vie et ma carrière, mais aussi sur les fans de F1 en France. »
À quand une prochaine victoire française en F1 ?
Mais Monza restera-t-elle la seule et unique victoire de Pierre Gasly en F1 ? Quand est-ce que le Normand, ou son coéquipier Esteban Ocon, pourront regagner et refaire triompher, par la même occasion, l’équipe française Alpine F1 ?
« J’ai envie de dire en 2024, parce que c’est l’objectif clair et que c’est le but vers lequel je travaille. Je veux juste que cela se passe très, très, très bien la saison à venir. »
« Ce sera difficile jusqu’à la fin de l’année et il faudra un miracle pour que cela se produise. Mais j’espère vraiment que nous pourrons entendre l’hymne français sur le podium de la Formule 1 rapidement. »
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