De l’ingénieur au manager : Allison raconte l’évolution du rôle de directeur technique en F1

Un métier qui a bien évolué depuis ses débuts en F1 en 1991…

Par Alexandre C.

23 janvier 2020 - 17:32
De l'ingénieur au manager : (...)

Le temps où un seul directeur technique de génie (Gordon Murray, Adrian Newey…) pouvait, à lui seul, faire la différence et donner le titre à une monoplace, semble bel et bien révolu.

Désormais, la F1 est un sport d’équipe par excellence : en raison de la complexité du design des monoplaces, il est peu probable qu’un seul homme puisse avoir assez de vision, d’influence, d’indépendance et de temps, pour être une sorte de démiurge aérodynamique.

Comme l’explique très bien James Allison, le rôle d’un directeur technique est aujourd’hui celui, en bonne partie, d’un manager et d’un superviseur, non d’un ingénieur.

Quand on lui demande de définir son métier, le directeur technique de Mercedes (et ancien de Lotus et de Ferrari) répond ainsi : « C’est difficile de livrer une réponse définitive, parce qu’il y a dix équipes de F1, dix directeurs techniques, et chacun fait son travail à sa propre manière. »

« Généralement, le directeur technique est chargé de s’assurer que la voiture soit légale, sûre, rapide et fiable. Il essaie de rassembler toutes les ressources techniques que le groupe est en mesure de fournir, afin de maximiser les chances de gagner un championnat au cours d’une année donnée - ou, si vous êtes dans une petite équipe, pour obtenir le maximum de points possibles avec les ressources disponibles. »

« Toutefois, aucune personne ne peut être responsable de l’ensemble de ces choses, parce que le tableau d’ensemble à gérer est très vaste. Vous ne pouvez tout simplement pas avoir l’étendue des connaissances professionnelles nécessaires pour être un expert dans tous les domaines, dans ce sport réputé complexe. »

« Et donc cette mission [construire une voiture rapide] est répartie entre plusieurs volontaires. Mon rôle - je suppose - est de me coordonner avec ces personnes pour essayer de trouver un consensus entre elles, lorsque la voie à emprunter, pour le développement, ne va pas de soi. Il m’arrive de prendre des décisions seul, parce qu’il faut alors simplement que quelqu’un prenne une décision. »

« Ce travail est similaire à celui de beaucoup de postes de direction, en le sens qu’il nécessite de fixer des objectifs et de mettre en place des ressources nécessaires pour les atteindre. »

« Bien sûr, quand je le dis comme ça, cela semble être le pire travail du monde - et pourtant, c’est le plus brillant, le plus excitant, celui qui nécessite de travailler le plus dans l’urgence aussi. »

« Plus que toute autre chose, une écurie de F1 est une équipe. C’est la partie du travail que vous appréciez chaque jour. Le directeur technique a le privilège d’exercer dans un département influent de cette équipe, et d’avoir le plaisir de voir les choses fonctionner correctement - ou d’avoir la responsabilité d’essayer de changer les choses si cela ne fonctionne pas bien. C’est un travail déroutant, exigeant, amusant, et j’ai la chance de le faire. »

Ce métier de directeur technique a ainsi fortement évolué avec le temps. Quand il compare la F1 d’aujourd’hui avec celle de ses débuts en F1, chez Benetton en 1991, James Allison estime que le gouffre est immense.

« C’est vraiment un travail différent maintenant. Lorsque les équipes étaient plus petites, elles avaient tendance à être dirigées dans un style très autocratique par quelqu’un ayant une personnalité extrêmement forte - ce qui est la manière polie de dire que cette personne était une brute horrible. Les équipes travaillaient sous les coups de fouet d’une personne dont la vision se reflétait sur chaque partie de la voiture. »

« Mais ce modèle ne fonctionne tout simplement plus. Une fois que l’équipe dépasse une certaine taille, on ne peut plus tout couvrir. L’organisation est bloquée par l’incapacité à prendre des décisions - parce que le décideur ultime ne peut plus décider assez rapidement. »

Et James Allison de citer un ou deux exemples pour illustrer cette nécessité, parfois, de faire des choix draconiens et drastiques…

« Nous avons la chance d’avoir des outils qui apportent des réponses catégoriques : les bancs d’essais des moteurs vous diront si vous avez de la puissance, les souffleries vous diront si vous avez une meilleure aérodynamique, une aérodynamique plus efficace - mais tout ce que ces outils vous disent vraiment, ce sont les caractéristiques du matériel que vous possédez aujourd’hui. Ce qu’ils ne peuvent pas faire pour vous, c’est choisir entre les trois ou quatre voies de développement potentiel qui s’offrent à vous. »

« Nous ne pouvons pas emprunter toutes ces voies, car cela diluerait notre effort, c’est donc vraiment une question de jugement : combien de projets devrions-nous avoir mener en même temps ? Comment répartir nos ressources ? Combien de grands projets audacieux, avec une forte probabilité d’échec, devrions-nous lancer, par rapport à la myriade de petites choses peu ambitieuses qui nous feront avancer - mais seulement par petites étapes ? »

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