Comment Horner et Newey ont mené Red Bull au sommet de la F1
"La confiance, l’amitié et le respect mutuel"
Titres, défaites, heureux hasards, Verstappen : le directeur de Red Bull Racing et son responsable technique reviennent sur leur histoire commune au sein de l’écurie double championne en 2022.
Retour en 2005. Christian Horner débute sa carrière en F1 à la tête d’une toute nouvelle écurie baptisée Red Bull Racing. Une équipe qui, tout comme Horner, n’a donc pas encore fait ses preuves. Pourtant, le Britannique sait de qui il a besoin : Adrian Newey.
"Il nous manquait une direction technique claire" affirme-t-il aujourd’hui. "Adrian était le meilleur en F1, donc on s’est juste demandé comment l’attirer chez nous."
Passé de Leyton House à McLaren et Williams en tant que directeur technique, Newey est considéré (à juste titre) comme le plus grand génie de la F1 en 2005. C’est pourquoi au cours de cette même année, Christian Horner s’est fortuitement (pas vraiment...) retrouvé partout où ledit génie mettait les pieds.
"Je m’en souviens tout particulièrement à Silverstone" explique Adrian en riant. "Il était là... comme par hasard."
"Puis, un jour, nous avons eu un autre échange du même genre, et un homme en blouson de cuir noir a surgi de derrière le camion et dit ’Je suis Helmut Marko, voilà ma carte. On va vous appeler’."
Et Dr Marko a bel et bien appelé. Derrière ? Newey a rejoint Horner chez Red Bull Racing et l’écurie est passée du statut de nouvelle venue à multiple championne du monde pour mieux entrer dans l’histoire de la F1.
En 2022, le team a même décroché son premier doublé depuis 2013, Max Verstappen ayant décroché son second titre mondial d’affilée et Sergio Pérez permis à l’écurie d’aller chercher son cinquième titre constructeurs.
Les deux tauliers de Red Bull Racing sont revenus sur les origines de leur relation professionnelle, la façon dont ils ont créé un lien unique en travaillant dans le même sens ou encore leçon tirées des succès (et des périodes de vaches maigres).
Au coeur de cette histoire : David Coulthard, 13 fois vainqueur de Grand Prix et pilote Red Bull Racing lors de la première saison, qu’Adrian connaissait depuis ses passages chez Williams et McLaren. Un homme qui a convaincu Newey qu’une équipe sérieuse, solidement financée et très ambitieuse se cachait derrière la réputation de "party team" de Red Bull.
"David est un bon ami et j’avais confiance en son jugement" se souvient l’ingénieur britannique. "Red Bull Racing organisait toujours de grandes fêtes, mais pouvait-elle être prise au sérieux ? Il me semblait que oui en grattant le vernis."
L’écurie a commencé à grandir lorsque Sebastian Vettel a remplacé Coulthard (parti à la retraite en 2009) après avoir notamment gagné un Grand Prix pour la petite soeur de Red Bull, Toro Rosso (aujourd’hui AlphaTauri) à Monza en 2008. Rapidement, le jeune Allemand a imposé sa patte, remporté la troisième course de l’écurie en Chine et écrit ses premiers grands chapitres en décrochant par la suite 4 titres mondiaux, 38 Grands Prix moins de 10 ans après la création du team.
Lorsqu’il revient sur la carrière de Vettel, achevée après 299 courses lors du grand final de la saison 2022 à Abou Dabi, Horner explique qu’il doit son statut de légende de la F1 à un mélange de skills et de travail acharné.
"À l’époque, Toro Rosso fournissait à certains juniors Red Bull l’opportunité de se faire remarquer" explique Horner. "Et dès que Sebastian a pu la saisir, il a montré qu’il avait un talent exceptionnel. Mais il a aussi travaillé incroyablement dur. Il était souvent le dernier à traîner dans le bureau d’ingénierie à la fin d’un vendredi ou d’un samedi. Et ses debriefs..."
Un engagement qui, selon Newey, a incité l’équipe à placer la barre toujours plus haut. "Il avait une approche très méthodique et se donnait beaucoup de mal" détaille-t-il. "S’il faisait une erreur, il voulait comprendre pourquoi ’et savoir comment faire mieux. Et, de fait, il faisait rarement deux fois la même."
"Ce dévouement a également profité à l’équipe entière, prête à faire des efforts supplémentaires en voyant à quel point il s’impliquait."
Et si, pour l’heure, les exploits de Sebastian Vettel restent inégalés, il se peut qu’un certain Max Verstappen le dépasse très bientôt.
Le Néerlandais n’a pas tardé à s’imposer chez Red Bull Racing après 23 courses chez Toro Rosso, décrochant même une victoire dès ses débuts en 2016. Puis, Max la Menace a défendu son titre fou en 2021 avec une maestria totale en 2022 et deux records à la clé (15 victoires en GP et 454 points marqués).
"Ce sont des gens très différents" affirme Christian Horner en parlant de Vettel et Verstappen. "Sebastian était très germanique niveau éthique de travail. Il bossait très, très dur. Max, lui, est un talent très naturel, très brune, qui a une faim et une détermination comme je n’en ai jamais vu auparavant. Ils sont donc différents à bien des égards, mais très semblables dans leur désir de gagner et d’être les meilleurs."
"Quelle que soit la suite de sa carrière, Max a réalisé beaucoup de choses en peu de temps. Et il a seulement 25 ans. Le simple fait de penser à ce qui l’attend est effrayant."
C’est un fait : la F1 est faite de cycles. Les pilotes vont et viennent. Mais après 17 saisons passées ensemble, Horner et Newey s’accordent à dire qu’ils ont autant appris lors des années difficiles qu’au cours des campagnes triomphantes. Selon eux, la dimension humaine du sport reste plus importante que tout le reste.
"Nous avons su faire le dos rond pour traverser cette période, et je pense que c’est l’une des forces de l’équipe" explique Newey à propos de la parenthèse sans titre 2014-2018. "Après avoir récupéré une bonne unité de puissance avec Honda, nous avons pu répondre."
Même son de cloche du côté d’Horner, qui ajoute : "Cette période était difficile parce que nous venions de remporter quatre championnats et soudain, une autre équipe avait des années-lumière d’avance sur tout le monde."
"Il est très facile pour une organisation habituée à gagner de perdre sa motivation. La chose la plus importante pour nous, à ce moment-là, était de rester soudés et de nous concentrer sur les choses que nous pouvions contrôler. Nous avons vu beaucoup de loyauté et de continuité durant cette période. Puis, petit à petit, nous avons décroché des victoires ici et là. Et la question de l’unité de puissance a toujours été primordiale."
La saison 2022 est déjà dans le rétroviseur, et Newey, en bon ingénieur, est avant tout concentré sur ce qui se profile à l’horizon en termes d’interprétation du règlement. "Ferrari ne se reposera pas" affirme-t-il.
Mais si le futur est incertain, Horner et Newey savent pourquoi leur union - qui approche les deux décennies - a fonctionné et fonctionnera encore : "Elle est basée sur la confiance, l’amitié et le respect mutuel de ce que fait l’autre" explique Horner.
"Nous avons confiance dans le fait que nous pouvons aller de l’avant, faire notre travail et savoir que l’autre fait le sien." abonde Newey. "C’est cette sorte de méthode de travail informelle, cette confiance et cette amitié qui font que cela fonctionne si bien."
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