’C’était choquant’ : Glock se souvient des menaces après Interlagos 2008

La situation a heureusement été apaisée avec Massa

Par Emmanuel Touzot

20 septembre 2022 - 12:14
'C'était choquant' (...)

Lors de son passage en Formule 1, Timo Glock est notamment devenu célèbre pour avoir joué un rôle malgré lui dans l’attribution du titre mondial 2008. Celui qui était pilote Toyota a en effet permis à Lewis Hamilton de remporter le titre mondial grâce à un dernier dépassement, alors que l’Allemand était en pneus slicks sous la pluie.

"Sur la piste, j’ai juste essayé de faire mon travail aussi bien que possible" raconte Glock dans le podcast Beyond the Grid. "Mais je me souviens très clairement des trois ou quatre derniers tours parce que pour moi, la direction dans laquelle les choses allaient étaient claire."

"Il n’était pas clair que j’allais décider d’un championnat. Mais nous étions septième et neuvième, je pense, et ce nuage est arrivé sur la piste et j’ai dit à trois tours de la fin ’les gars, je pense que ça va finir en désastre parce que ce nuage va arriver à un ou deux tours de la fin. S’il pleut, ça va être chaotique’."

"Ils ont dit ’nous allons prendre le risque et rester en piste, nous n’avons rien à perdre’. Dans l’avant-dernier tour, il s’est mis à pleuvoir dans le dernier virage et j’ai dit ’les gars, je dois rentrer’ parce que je pouvais voir la pluie, et à quel point elle était forte, à seulement 200 mètres de là. Elle se déplaçait très rapidement sur la piste."

"J’ai dit ’les gars, je dois rentrer maintenant, c’est impossible, je ne vais pas survivre à ce dernier tour’. Les pneus refroidissaient déjà, les pneus rainurés. Et ils ont dit ’vous ne pouvez pas rentrer, c’est impossible parce que les portes sont déjà installées pour la cérémonie du podium’."

"Les gens flippaient déjà parce que Massa était, à ce moment-là, champion du monde. Je devais donc rester à l’écart. Je suis arrivé au premier virage, c’était déjà mouillé, je voulais juste survivre. J’étais quatrième à ce moment-là. Je n’ai jamais eu l’information sur le scénario dans lequel j’étais, et ce qui allait se passer dans le dernier tour."

"Je ne savais pas s’ils allaient me rattraper ou non. J’ai juste essayé de survivre et ensuite un tas de voitures m’ont dépassé, [Robert] Kubica avait un tour de retard, [Sebastian] Vettel m’a dépassé, [Lewis] Hamilton m’a dépassé et j’ai terminé en sixième position."

Une escorte de police pour rejoindre son hôtel

Ayant coûté un titre mondial à un pilote brésilien devant son public, Glock est devenu l’ennemi numéro 1, en plus d’être le sujet de théories du complot idiotes. L’Allemand se rappelle des tensions après la course et jusqu’à son départ du pays, sous protection policière.

"C’était très glissant. Avec ces pneus rainurés, dès qu’ils refroidissaient, ils n’avaient aucune adhérence. Comme des pneus d’été sur de la glace. Bizarrement, mon ingénieur m’a dit que Hamilton était champion du monde mais il ne m’a pas dit que j’avais décidé du championnat."

"Je suis revenu aux stands et bizarrement, Lewis s’est arrêté devant moi. Alors je suis allé le voir, lui ai serré la main et lui ai dit ’bien joué, mec, félicitations pour ton championnat du monde’ devant, je ne sais pas combien, 1000 spectateurs brésiliens ?"

"Puis je me suis approché de la balance et tout un tas de journalistes et de photographes sont descendus et sont venus me voir pour me poser des questions comme ’c’était voulu, as-tu aidé Lewis ? Pourquoi avez-vous aidé Lewis ? Vous avez décidé du championnat !’ et j’ai répondu ’mais qu’est-ce que... ? Qu’est-ce qui se passe ?’"

"Ensuite, mon physiothérapeute est venu me voir et m’a écarté, m’a ramené en courant à l’hospitalité, m’a enfermé dans ma loge et m’a dit ce qui s’était passé. C’est alors que j’ai compris ce qui se passait."

"Je me souviens encore de mes mécaniciens... les gens jetaient des trucs sur tous ceux qui portaient un maillot Toyota. J’ai eu une escorte de police du circuit à l’hôtel. Et de l’hôtel le lendemain matin jusqu’à l’aéroport, dans l’avion. Ils ont marché avec moi jusqu’à l’avion."

La peur de tensions avec Felipe Massa

Avec ces conditions rocambolesques pour quitter le pays, Glock n’a pas eu l’occasion de discuter avec Massa et a longtemps pensé que le Brésilien lui en voulait. Mais finalement, il s’est avéré que ce n’était pas du tout le cas, au contraire.

"Je pensais que si je lui parlais, il allait me tuer. Je ne sais pas. C’est drôle, l’année dernière au Mexique, j’étais sur le Sky Pad et Felipe Massa est passé devant moi et m’a fait signe. Je l’ai regardé et je me suis retourné en me demandant s’il saluait quelqu’un d’autre."

"Alors il m’a fait signe et je lui ai répondu. Puis mon caméraman, Toby, a suggéré que je lui demande une interview. Je suis ensuite revenu et j’ai dit ’la semaine prochaine, c’est le Grand Prix du Brésil, pourquoi ne pas faire une interview de Massa au Brésil sur ce moment décisif pour le championnat ?’."

"J’ai écrit à Rubens Barrichello et lui ai demandé s’il pouvait me donner le numéro de téléphone de Felipe en ajoutant ’tu crois qu’il va me parler ?’. Rubens a répondu ’bien sûr qu’il va te parler, pourquoi il ne le ferait pas ?’."

Une interview amusante avec Brundle

L’interview a eu lieu avec Martin Brundle, qui avait prononcé les fameux mots ’Is that Glock ?’ en 2008, et Glock a été heureux de constater qu’il n’y avait aucun problème avec Felipe Massa à ce sujet.

"J’ai donc envoyé un message à Felipe et il m’a répondu de manière très amicale ’salut mon pote, pas de problème, bien sûr que nous pouvons faire une interview. C’est bien. C’est une très bonne idée. Parlons-en !’ Quand je suis arrivé, Martin Brundle s’est approché et j’ai dit que c’était le bon gars pour faire l’interview."

"Martin nous a interviewés au Brésil, ce qui était super émouvant des deux côtés. Felipe n’avait jamais vu la caméra embarquée de moi sur ce dernier tour. La première fois, c’était en 2021 au Brésil. Il a donc vraiment compris dans quelle position je me trouvais. À partir de ce moment-là, c’était juste une relation vraiment cool."

Glock est heureux d’avoir attendu aussi longtemps pour en reparler avec le Brésilien : "Je ne le regrette pas. Bien sûr, j’aurais pu lui parler plus tôt. Mais avec la façon dont ça s’est passé, je pense que l’histoire était encore meilleure."

"Ensuite, il m’a invité chez lui et nous avons dîné avec sa famille. J’ai dit à son père que c’était toujours aussi douloureux de voir ce moment où il fêtait le titre de champion du monde de son fils au Brésil, avant qu’il soit averti que cela n’arriverait pas."

"Ce visage, la façon dont il regardait la caméra, je ne l’oublierai jamais. C’est ce que je lui ai dit. J’ai encore la chair de poule quand j’y pense. C’était juste un week-end très agréable, j’ai vraiment apprécié. J’espère que nous pourrons le refaire."

"Même mes parents avaient peur"

Malheureusement, la situation ne fut pas aussi facile avec les fans de Formule 1, qui s’en sont pris à l’Allemand, qui a reçu des menaces de mort, à l’instar de ce qu’ont connu Nicholas Latifi et Michael Masi l’année dernière, après la fin de saison 2021 controversée.

"C’était vraiment choquant de voir comment les gens peuvent vous traiter d’une manière telle que même mes parents avaient peur. Je recevais des lettres à la maison, des fans qui disaient que je devrais être interdit de course."

"Même des gens qui disaient que je devais être tué, des choses comme ça, ce n’était pas gentil. Chaque fois que la course brésilienne était évoquée, mon compte Twitter explosait. C’est encore le cas parfois. Maintenant, c’est plus positif, les trucs drôles, comme les fameux mots ’Is that Glock ?’."

La publication de la vidéo embarquée du dernier tour de Glock a apaisé certaines colères, mais Glock n’a même pas compris ces accusations : "Ça a beaucoup changé quand la caméra embarquée est sortie. Je ne sais pas pourquoi la F1 l’a attendu cinq ans. Mais quand c’est sorti, ça a changé l’esprit de beaucoup de gens."

"Cela n’a pas changé ma confiance en moi. Je ne comprenais pas pourquoi les gens pensaient que je pouvais aider, ou que j’aurais fait de Lewis le champion du monde. Je pilotais pour Toyota. Pourquoi aurais-je fait de Lewis le champion du monde ?"

"Il n’y avait aucun moyen pour que je sois impliqué dans quoi que ce soit parce que j’avais juste fait ma course, en essayant d’en tirer le meilleur. Donc je ne pouvais pas comprendre que les gens pensent que je l’avais fait exprès. Je n’avais aucune idée de la place que j’occupais dans la course."

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