Technique : Stratégie et consommation d’essence en F1

Un défi complexe

Par Franck Drui

22 juin 2012 - 19:11
Technique : Stratégie et consommation

Le Championnat du Monde de F1 2012 revient en Europe pour la huitième manche. Le circuit urbain de Valencia sera ainsi le théâtre du GP d’Europe pour la cinquième fois.

Longue de plus de cinq kilomètres, cette piste difficile est réputée pour son exigence vis-à-vis des moteurs, et plus particulièrement en matière de consommation d’essence, comme l’explique Rémi Taffin, Responsable des opérations piste de Renault Sport F1.

« Valencia est similaire à Melbourne à bien des égards », commence-t-il. « Il y a de longues lignes droites qui se terminent par des virages négociés sur les premier, deuxième ou troisième rapports. Cela signifie qu’il faut quasiment arrêter la voiture avant de réaccélérer. Ce sont ces successions de gros freinages et d’accélérations ‘on-off’ qui débouchent sur cette consommation élevée. »

« Par exemple, nous utilisons généralement 0,5 kg d’essence par kilomètre. Montréal, qui est déjà un circuit où l’on consomme beaucoup, nécessitait 2,15 kg par tour. A Valencia, nous serons à environ 2,7 kg par tour. Evidemment, cela dépend en grande partie de la météo. A Valencia, le temps est généralement sec et chaud : la consommation devrait être à son plus haut niveau. »

« Nous savons que nous serons sur la corde raide en matière de quantité de carburant embarqué. Les équipes cherchent toujours à réduire la taille du réservoir pour optimiser la conception de la monoplace. La pression est mise sur les épaules du motoriste, qui doit trouver des solutions pour réduire la consommation afin de diminuer la contenance du réservoir. »

« La solution la plus évidente consiste à appauvrir le mélange air/essence pour consommer moins, mais cela a évidemment un impact sur les performances. Cela peut aussi mettre en péril la fiabilité du moteur. On se retrouve alors dans une zone où il faut faire un compromis entre le niveau de performance et les risques encourus. »

Un compromis… Ce mot a souvent été utilisé lors des dernières courses. Mais comment y parvenir sur un circuit dont les clés sont à la fois une consommation élevée et un besoin de performances maximales ?

« Le travail effectué sur les bancs d’essais nous permet d’en apprendre toujours plus sur la façon dont on doit exploiter les moteurs. On peut toujours améliorer la consommation lorsque l’accélérateur est complètement ou partiellement ouvert. Nous pouvons aussi optimiser la manière dont nous utilisons le carburant pour aider la monoplace à ralentir, lors des rétrogradages par exemple. C’est un domaine où il y a beaucoup à gagner. De bons réglages permettent de réduire la consommation de 1%. Sur l’ensemble de la course, cela correspond à un gain de 1,5 kg. C’est loin d’être insignifiant quand on considère le niveau très serré cette saison. »

Des facteurs externes peuvent également avoir un effet sensible sur la consommation. Rémi poursuit son explication : « Quand on arrive à la huitième course de la saison, on a déjà une bonne banque de données sur les facteurs qui affectent la consommation : dégradation des pneus, utilisation du DRS… Il faut garder en tête qu’entre les qualifications et la course, on va passer de pneus neufs à pneus usés, et d’un DRS autorisé sur tout le circuit à une utilisation limité à une zone. A Montréal, l’utilisation ou non de ce dispositif dans la ligne droite se traduisait par une différence de consommation de 2 à 3%. »

« Pour optimiser la performance sur la distance d’une course, on ne doit pas nécessairement utiliser la plus grande richesse d’un bout à l’autre. Par exemple, utiliser un réglage appauvri sur les 20 derniers tours peut permettre d’embarquer 5 kg de carburant en moins : le gain est alors d’environ 2/10e au tour ! »

« Nous pouvons aussi brûler plus d’essence que nécessaire, si nous nous sommes retrouvés coincés dans le trafic ou après une période de safety car. Dans ces cas, nous avons trop d’essence et il faut chercher à l’éliminer pour ramener la voiture au poids optimal. Ce surplus peut aussi être utilisé pour éviter de passer sur un mélange appauvri en fin de course. »

« Ce choix dépendra de la stratégie. Il faut décider à quel moment de la course on souhaite être le plus rapide : au début, au milieu, à la fin ? Cela dépend des options stratégiques et de la position qu’on estime pouvoir viser, des bagarres dans lesquelles on est, de la façon dont on a prévu de passer les différents types de pneus. Cette direction stratégique a un impact sur la quantité d’essence embarquée au départ, mais aussi sur le moment et la façon d’utiliser le carburant. »

« Normalement, il faut toujours prévoir d’utiliser le mélange le plus pauvre en fin de course, juste parce qu’on cherche à gagner des positions en début de course. Il faut voir les choses à long terme et quand on se dit ‘OK, le but est de s’arrêter au 50e tour pour la dernière fois’, il faut être capable d’aller aussi vite que possible pendant la première partie de la course pour être dans la meilleure position au moment de cet arrêt. Par conséquent, cette stratégie nous conduira à utiliser le mélange le plus riche au départ avant de switcher vers un réglage appauvri à la fin. »

« Même si cette stratégie fonctionne, on peut se retrouver à défendre une position tout en ayant passé le moteur sur un mode appauvri. Ce n’est évidemment pas idéal. Il y a certaines choses qu’on peut faire pour faciliter la tâche du pilote. Par exemple, le mélange peut ne pas être le même sur tout le circuit. On peut utiliser le mode appauvri dans les virages et revenir à la richesse optimale dans les lignes droites. En cherchant à défendre sa position de la sorte, les réglages de consommation sont utilisés d’une façon similaire au KERS. »

En résumé, les équipages optimisent la quantité de carburant embarquée dans la voiture pour servir les stratégies individuelles. « Un bon exemple pour illustrer cela est la course de Romain Grosjean au Canada », poursuit Rémi. « Il a utilisé différents modes tout au long du Grand Prix. En adaptant les réglages aux conditions, il a réussi à rester au plus près de la stratégie initiale et à bénéficier de la voiture la plus rapide à chaque instant. L’équipe l’a aidé dans ce jeu tactique et tout a parfaitement fonctionné pour lui. »

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