Spa : Vraiment le plus grand challenge pour un motoriste

David Lamb, ingénieur Renault Sport F1

Par Franck Drui

30 août 2012 - 18:47
Spa : Vraiment le plus grand challenge

Le Grand Prix de Belgique est le premier des neuf derniers rendez-vous de la saison 2012, qui seront concentrés en treize petites semaines. Comme l’explique David Lamb, ingénieur Renault Sport F1, il n’y a sans doute pas de défi plus excitant que le légendaire circuit de Spa-Francorchamps pour un moteur de F1.

« Ce qui symbolise Spa est l’Eau Rouge et le Raidillon », introduit-il. « La compression en bas de l’Eau Rouge n’est pas un souci en soi, car la force verticale plaque tout vers le bas. Avec cette pression, le carburant est ‘tassé’ vers le fond du réservoir, où se situent les pompes. En revanche, il peut y avoir un problème au sommet du Raidillon. Lorsque la force verticale est inversée, la monoplace devient très légère et le pilote sent son estomac remonter. Les fluides sont également ‘portés’ et ce phénomène peut exposer la pompe à essence ou les systèmes de lubrification.

Ne pas réussir à faire circuler correctement l’essence ou l’huile peut devenir une préoccupation majeure. Le système qui permet d’alimenter le V8 en carburant est généralement assez facile à gérer, car on décide de la pression à exercer. Mais l’huile peut poser problème. La force verticale appliquée sur la monoplace peut faire passer l’huile au-dessus de la pompe. Par le passé, nous avons vu que – dans un cas comme celui-ci – il y avait un réel risque pour la fiabilité. Sans lubrifiant, le moteur n’a que peu d’espérance de vie.

Pour vous donner une idée de la criticité de ce phénomène, pensez bien qu’en arrivant dans le Raidillon, on est déjà sur le septième rapport. On prend la montée en sortie de l’Eau Rouge. Les pistons sont à 250 rotations par seconde. Sans lubrification, le moteur pourrait ne pas tenir plus d’une demi-seconde, peut-être une seconde au maximum. La gestion de ce système est donc cruciale.

Ce week-end, il sera nécessaire d’assurer en ce qui concerne les niveaux d’huile. En course, nous pourrons même dépasser nos limites habituelles pour éviter de prendre le moindre risque. Nous avons des contraintes similaires à Silverstone entre Maggotts et Becketts ou dans le virage 8 en Turquie. Dans ces deux cas précis, ce sont des forces latérales qui s’exercent. Spa est le seul circuit à imposer une telle force verticale.

Évidemment, le carburant doit être parfaitement distribué pour ne pas perdre de performance. Dans le cas contraire, il deviendrait difficile de défendre une position dans la longue ligne droite vers Les Combes. Mais en ce qui concerne la fiabilité, c’est le système de lubrification qu’il faut surveiller.

Spa ne se résume toutefois pas à cette portion. Ce circuit présente également des virages délicats qui impliquent de fortes contraintes latérales sur la monoplace.

Blanchimont possède un rayon relativement grand, il ne devrait pas trop nous affecter. En revanche, Pouhon est plus délicat à gérer. C’est un double gauche en descente qui a de nombreux points communs avec le virage 8 en Turquie. L’huile et l’essence sont projetées vers le côté droit de la voiture. Il faut donc compenser, car il est possible de déjauger. Pour l’essence, nous avons plusieurs pompes, mais seulement une pour l’huile. C’est la raison pour laquelle le système est plus compliqué à gérer.

Ajouté à cela, il faut savoir que Spa propose un vrai défi en matière d’altitude.

La pression atmosphérique change beaucoup à Spa. Si elle n’affecte pas énormément le moteur, elle est fascinante à regarder sur les acquisitions de données. Nous utilisons une stratégie d’alimentation d’essence en boucle fermée (Closed-Loop Fuelling Strategy - CLF) qui nous permet d’apporter des corrections au moteur. En toute logique, nous devrions être à 100% avec une cartographie d’essence parfaite. Mais à Spa, on oscille entre 100 et un peu moins de 99% car la pression est plus faible à mesure que l’on monte. Ça se mesure à 10 ou 12 millibars. Les pilotes ont moins de puissance au sommet qu’ils n’en ont au point le plus bas du circuit. Sur les datas, on le remarque facilement. »

Spa est un parfait circuit pour la rentrée. Pour gagner, il ne faut pas seulement un pilote au top, il est nécessaire d’avoir un moteur aussi performant.

« Entre La Source et Les Combes, c’est immense. On reste sur le septième rapport durant longtemps, à très haut régime. Selon moi, cette situation n’existe sur aucun autre circuit, pas même à Monza. Quand on passe la montée, on entend le moteur hurler. Le moteur est si longtemps à haut régime qu’on a l’impression que tout va exploser. Et on fait ça trois fois par tour, avec 40% du temps passé sur le septième rapport. Spa offre vraiment le plus grand challenge pour un motoriste. »

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