Sergio Perez : vrai talent ou pilote payant ?

Un potentiel difficile à juger

Par Emmanuel Touzot

1er septembre 2013 - 17:45
Sergio Perez : vrai talent ou pilote (…)

S’il est un pilote qui fait débat, tant par son évolution de carrière que par ses performances et son comportement en piste, c’est bien Sergio Perez. Le Mexicain, dont l’ascension en Formule 1 a été suivie et financée par Carlos Slim, magnat des télécommunications mexicaines et homme le plus riche du monde, a réalisé de nombreuses bonnes performances mais a également déçu lors de courses ou de virages de carrière où il était attendu.

Faisant ses premières armes aux Etats-Unis, le jeune Perez débarque en Europe à l’âge de 15 ans en Formule BMW avant d’effectuer deux saisons dans le réputé championnat de F3 Britannique. Candidat au titre lors de sa deuxième saison, il termine quatrième derrière les pilotes Carlin et décroche un volant pour le championnat hivernal des GP2 Asia Series dans lequel il remporte deux victoires.

Sa saison 2009 de GP2 est discrète mais il se fait tout de même engager, toujours avec le soutien de Telmex, chez Barwa Addax pour la saison qui le verra se révéler. Il termine en effet vice-champion en remportant quatre courses. C’est à ce moment-là que sa carrière décolle réellement.

Il est intégré au Ferrari Driver Academy en octobre 2010 en même temps que Sauber lui propose un contrat. L’écurie suisse est coutumière de l’engagement de jeunes pilotes et reçoit par la même occasion un bon contrat de sponsoring avec les mécènes mexicains. Compte tenu des liens entre Sauber et Ferrari, ainsi que son appartenance au programme des jeunes pilotes de la Scuderia, le jeune Perez a toutes les cartes en main pour se faire un nom.

Ses débuts en Formule 1 sont plutôt convaincants, il démontre immédiatement une faculté de gestion des pneumatiques et une bonne vitesse de pointe. Il termine septième de son premier Grand Prix avant d’être déclassé pour une non-conformité technique. Des performances qui montent en puissance, mais Perez est victime d’un accident très violent à Monaco qui le laissera sur le carreau plusieurs semaines. Il signe cependant une nouvelle septième place à Silverstone qui sera son meilleur résultat de l’année.

Grâce à ses performances, tout autant que par le sponsoring de Telmex, Perez garde sa place chez Sauber l’année suivante. La monoplace helvète est bien née et son jeune pilote est toujours aussi doué quant à la gestion de ses pneus. Dès la deuxième course de l’année, sur une piste changeante, Perez termine deuxième derrière Fernando Alonso. Une performance qui ravit Peter Sauber et qui prouve que malgré sa réputation de pilote payant, le Mexicain a aussi un fort potentiel.

Montrant encore quelques limites d’expérience et de maturité, Perez est redoutable dans le rôle de l’outsider et signe encore un podium au Canada. C’est en Italie qu’il égale son meilleur résultat en carrière en dépassant Alonso et en terminant derrière Hamilton. Une performance là encore très convaincante qui lui permet d’effacer la déception de Spa-Francorchamps où, qualifié quatrième, il est impliqué dans l’accident du premier virage.

C’est à la fin du mois de septembre 2012 qu’il est engagé en remplacement de Lewis Hamilton chez McLaren pour la saison 2013. Une décision qui met automatiquement fin à son contrat avec Ferrari, alors que Telmex annonce continuer son implication avec Sauber et le jeune Esteban Gutierrez. L’étiquette de pilote payant s’éloigne un peu pour Sergio Perez qui, dans le même temps, se met à multiplier les erreurs en piste et les performances en demi-teinte. Le Mexicain ne marque plus un seul point jusqu’à la fin de saison, faisant craindre pour McLaren qu’elle ait fait une erreur en le recrutant.

Et lorsque tout le monde attend avec impatience la confrontation avec Jenson Button, champion du monde de son état, les espoirs des observateurs sont rapidement douchés par le manque de potentiel évident de la nouvelle McLaren. L’équipe est en effet repartie d’une feuille blanche pour sa MP4-28 à cause des difficultés à mettre en relation les performances en simulation et sur la piste de sa précédente monoplace.

Le début de saison voit les deux pilotes se débattre avec du matériel difficile à gérer, enregistrant une neuvième place chacun lors des deux premières manches. Button finit cinquième en Chine alors que Perez enregistre une sixième place à Bahrein, une performance correcte toutefois controversée par le duel en piste que se livrent les deux pensionnaires de Woking.

Sergio Perez touche l’arrière de la voiture de son équipier, qui n’apprécie pas, et les deux pilotes se livrent une bataille aux limites de la piste qui aura probablement coûté quelques ongles à Martin Whitmarsh. Le Grand Prix d’Espagne se déroule sans problème mais il n’en sera pas de même de la course monégasque, quinze jours plus tard.

Ce que l’on pourrait appeler le ‘festival Sergio Perez’ se déroule essentiellement à la chicane du port, puisque ce dernier aura maille à partir avec trois champions du monde : son propre équipier, Fernando Alonso et Kimi Raikkonen. Ce dernier ira jusqu’à menacer son adversaire. Quelques manœuvres plus tard, le pilote McLaren est devenue le bad boy de la Formule 1 et a plus qu’écorné son image.

En façade, McLaren reconnaît l’audace et la générosité en piste de sa nouvelle recrue, mais on peut imaginer qu’il en est différemment en coulisses. Car au-delà de sa propre image, Perez ne semble pas faire dans le détail et prend tout autant de risques quand il s’agit de son propre équipier que d’un adversaire lambda. Une pratique à laquelle on adhère peu chez McLaren.

Dès lors, c’est un Sergio Perez appliqué que l’on voit en piste, quitte à sacrifier un peu du rythme en course et à être plus en retrait de son équipier en termes de performances. Ce pilotage appliqué voit Perez terminer les courses dans les points dès que la McLaren retrouve le chemin du top 10, quitte à les terminer une ou deux positions derrière Button.

Le dernier Grand Prix en date a vu Sergio Perez retrouver ses vieux démons et se faire pénaliser d’un drive-through pour avoir mis Romain Grosjean hors-piste, une manœuvre déloyale mais qui semble, contrairement à celles de Monaco, faite avec un peu plus de bonne foi.

Cette première année dans un top team qui ne tient pas son rang est pour le moment tumultueuse mais aura présenté deux avantages pour la recrue de Woking : les attentes relatives au volant d’une monoplace ratée lui enlèvent de la pression alors que l’impossibilité de cette même monoplace à se battre pour les avant-postes aura été la raison évidente du manque de résultats de Perez, puisque son équipier n’arrive pas à en tirer de très bonnes courses non plus.

Un coup en retrait, un coup trop optimiste, Perez devra mettre à profit la fin de saison pour canaliser son potentiel entrevu l’an dernier chez Sauber et se tenir prêt à être au niveau si McLaren récupère son statut dès 2014. On a rarement vu cette équipe enchaîner deux mauvaises saisons et Martin Whitmarsh et toute son équipe attendront des performances dès le début de saison si la MP4-29 est réussie. Perez devra alors montrer qu’il est digne d’un top team et faire honneur à l’équipe qui lui fait confiance.

Il se murmure que Vodafone sera remplacée par Telmex sur les carrosseries des monoplaces britanniques, une occasion en or pour qualifier celui qui est soutenu par Carlos Slim de pilote payant à la moindre incartade. On peut cependant espérer pour lui qu’il continue à appliquer son cycle d’apprentissage comme ce fut le cas chez Sauber et en GP2. En effet, Perez a toujours eu besoin d’une année pour apprendre où ses performances n’étaient pas forcément convaincantes.

Et jusqu’ici, les personnes qui lui ont fait confiance n’ont pas forcément été déçues, à commencer par Carlos Slim. Les équipes Sauber et Barwa Addax auront respectivement remporté trois podiums et quatre courses grâce à lui et même s’il vit une saison difficile et qu’il doit toujours justifier sa présence au plus haut niveau, il faut espérer que son implication et son application lui permettront de se montrer à un bon niveau.

Personne ne lui en voudra de se montrer légèrement en retrait de Button, mais il est certain que McLaren ne tolérera pas d’engager un pilote qui n’est pas au niveau et qui ternit l’image de l’équipe. Si l’écurie réussit sa transition vers 2014, il est certain que ce sera l’année ou jamais pour que Perez capitalise les espoirs placés en lui, d’autant qu’il aurait d’évidentes difficultés à atterrir dans un autre top team, ayant volontairement fermé la porte à une carrière chez Ferrari.

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