Ross Brawn : Itinéraire d’un surdoué (4e partie)
La pause et le retour dans un nouveau rôle
Parti de Mercedes fin 2013, et assurant avoir tiré un trait sur la Formule 1, Ross Brawn avait fermé toutes les portes à une collaboration avec les écuries potentiellement intéressées par ses services. Retraité mais toujours concerné, il était appelé en octobre 2014 pour faire partie de la commission chargée d’éclaircir les circonstances de l’accident tragique de Jules Bianchi. Un contact avec la F1 qui montrait une envie de s’impliquer sans toutefois que ça ne soit sur du long terme.
Le temps passé auprès de sa femme et les journées occupées par ses autres passions n’auront pas eu raison de celle qui l’anime le plus, la F1. En 2016, McLaren est a première à tirer une cartouche et se rapproche de nouveau de Brawn pour essayer de le faire sortir de sa retraite, en vain. Mais au fur et à mesure qu’il s’exprime au sujet des demandes qu’il reçoit, il finit par concéder qu’il est intéressé par un poste dans le nouvel organigramme que veut mettre en place Liberty Media. Avant cela, Brawn est déjà sollicité par le nouveau propriétaire pour le conseiller durant la phase de reprise.
L’arrivée de Brawn à un poste de décisionnaire est finalement actée en même temps que le remplacement de Bernie Ecclestone par Chase Carey. Il est précisément nommé manager des sports mécaniques, c’est-à-dire qu’il fera le lien entre les équipes et la FIA pour tout ce qui concernera la gestion technique du sport et les décisions qui en découlent. Il est probable qu’il aura un mot à dire également sur les variations du règlement et sur la manière de les imposer aux équipes. Il sera en duo avec Sean Bratches, ancien directeur marketing d’ESPN, qui aura le même rôle que Brawn mais sur la partie commerciale du sport.
Le retour de l’ancien directeur technique et propriétaire d’équipe est évidemment une très bonne nouvelle, non seulement parce qu’il jouit d’une réputation exceptionnelle dans le paddock et que sa voix sera forcément écoutée, mais aussi parce que grâce à son passé, il a une vision très précise de ce qui a pu fonctionner et échouer dans le passé.
Il ne faut pas oublier qu’il a connu l’ère turbo des années 80, le retour aux moteurs atmosphériques, les années 90 et l’avènement des V10, mais qu’il a également assisté à l’arrivée des V8, au gros changement de règles de 2009 lors duquel il a produit la meilleure voiture du plateau, et qu’il travaillait encore en F1 lorsque les V6 turbo hybrides ont été développés. Sa vision précise de ce que tous ces changements ont impliqué auprès des équipes et de la discipline sera précieuse pour savoir comment redorer le blason de la F1, surtout si le règlement technique prévu en 2017 produit, comme c’est craint actuellement, un spectacle assez pauvre.
Ross Brawn a déjà mis en place sa première ligne conductrice qui consistera à ne pas réagir dans l’urgence, comme ça a pu être fait par le passé, pour produire des règles « patch », comme on l’a vu par exemple en 2012 avec les nez cassés des monoplaces où en 2014 avec les appendices disgracieux que la FIA a cherché à atténuer sans avoir réfléchi au préalable aux règles qu’elle appliquait. Brawn ne veut plus créer de problèmes en tentant d’en résoudre d’autres et va donc travailler avec les équipes pour mettre en place des solutions durables, conjointement avec Casey et Bratches, afin de donner la priorité au plaisir des spectateurs, dont ils estiment que l’ancien corps dirigeant les avait enlevé de la place centrale qu’ils occupent.
Vu la réussite qui a toujours couronné les projets de Brawn, on ne peut qu’avoir hâte de voir ses premières mesures et la direction qu’il voudra donner à la discipline.