Renault : comment gérer le V6 turbo et les ERS de concert
La gestion de l’énergie électrique sera cruciale
En 2014, la quantité d’essence embarquée est limitée à 100 kilos et le débit d’alimentation en carburant à 100 kg/h. Si la nature du circuit et les conditions de course permettent au pilote d’utiliser la pleine puissance du moteur pendant plus d’une heure, il n’y aura donc pas assez de carburant pour rallier l’arrivée.
C’est ici que l’énergie électrique entre en jeu. Les F1 de 2014 roulent certes avec du carburant classique, mais également avec de l’électricité. Il devient alors primordial de trouver le bon équilibre entre les deux sources d’énergie pour optimiser la vitesse et réduire les temps au tour.
UN TOUR DE CIRCUIT TRADITIONNEL
Lors d’une phase d’accélération (par exemple dans la ligne droite des stands) le moteur à combustion interne puise dans la réserve de carburant et le turbocompresseur tourne à la vitesse maximale de 100 000tr/min. Le MGU-H fonctionne alors en mode générateur et récupère une partie de l’énergie fournie par les gaz d’échappements à la turbine. Cette énergie est transmise au MGU-K (ou à la batterie si cette dernière a besoin d’être rechargée). Le MGU-K convertit à son tour cette puissance électrique en puissance mécanique qui, combinée à celle du moteur thermique auquel il est accouplé, permet de hausser le rythme ou d’économiser du carburant selon la stratégie choisie par le pilote.
Au bout de la ligne droite, le pilote lève le pied et freine pour prendre le premier virage. A cet instant, le MGU-K fonctionne comme un générateur : il récupère l’énergie dissipée au freinage et la stocke dans la batterie.
Durant la phase de freinage, la vitesse du turbocompresseur chute du fait de l’absence d’énergie à l’échappement, ce qui, dans le cas d’un moteur traditionnel, cause le principal désagrément du moteur turbocompressé : le temps de réponse. Ce phénomène intervient lorsque le pilote ré-accélère, la combustion du carburant dans les chambres de combustion relance la production de gaz chauds à l’échappement qui fournissent l’énergie pour relancer le turbo, mais celui-ci a besoin d’un certain temps avant de retrouver sa vitesse de rotation maximale permettant au moteur de délivrer toute sa puissance.
Ainsi, pour éviter ce décalage en sortie de virage, le MGU-H agit ponctuellement comme un moteur qui relance instantanément le turbo à sa vitesse de rotation optimale et offre au pilote une réponse immédiate lorsqu’il sollicite l’accélérateur.
L’équilibre entre la consommation de carburant, la récupération d’énergie et sa réutilisation sera étroitement surveillé tout au long du tour.
« Cette saison, il va falloir gérer intelligemment l’utilisation des deux sources d’énergie disponibles pour en extraire le plein potentiel, explique Naoki Tokunaga, le Directeur technique en charge des nouveaux propulseurs. La gestion de l’énergie électrique sera tout aussi cruciale que celle du carburant. En théorie, le système de gestion de l’énergie décide quand consommer du carburant et quelle quantité en prélever dans le réservoir. De la même façon, il choisit à quel moment utiliser l’énergie électrique et la stocker dans la batterie.
Signer le meilleur temps au tour possible en fonction d’un niveau d’énergie donné reste l’objectif majeur. Bien sûr, si vous consommez moins d’énergie, vous irez moins vite. Nous acceptons cela. En revanche, nous ne voulons pas être pénalisés plus que la physique ne nous l’impose. Dans le ratio énergie consommée/temps au tour, il existe une limite entre ce qui est physiquement possible et impossible. Nous l’appelons « la frontière du temps au tour idéal ».
Nous souhaitons flirter constamment avec cette limite et nous rapprocher au plus près de ce qu’il est physiquement impossible d’atteindre. La stratégie dispose elle aussi de son propre cadre, défini par la capacité des composants du propulseur et par le règlement technique. La puissance du moteur est également restreinte. Le règlement, enfin, limite la quantité d’énergie que la batterie peut libérer ainsi que la puissance du MGU-K. Toutes ces restrictions forment une équation qu’il faut résoudre. Pour trouver la solution, nous utilisons alors des modèles mathématiques et optimisons les résultats. Nous appelons cela « planifier la puissance ».
Par conséquent, un échange d’énergie complexe aura lieu entre les différents composants du système de gestion, et ce à différents niveaux. Le pilote ne s’en rend pas compte puisque l’ensemble est géré électroniquement par les systèmes de contrôle. Le pilote pourra en ressentir les effets mais son intervention ne sera, à priori, pas requise. Il pourra donc se concentrer sur sa course.
Il existe bien sûr des modes que le pilote peut actionner pour passer outre le système de gestion et prendre ainsi le contrôle. C’est notamment le cas lorsqu’il souhaite obtenir la puissance maximale lors d’une manoeuvre de dépassement. L’utilisation de ce mode dépend naturellement de la stratégie de course. En théorie, les pilotes peuvent l’activer autant de fois qu’ils le souhaitent. Cependant, s’ils consomment plus de carburant et plus d’énergie électrique, ils doivent ensuite patienter pour récupérer de l’énergie. Jouir de la puissance maximale pendant un ou deux tours est possible mais, à long terme, cette stratégie n’est pas viable ».
Même s’il ne gère pas l’équilibre entre carburant et énergie électrique, le rôle du pilote n’est pas réduit pour autant par rapport à 2013. C’est même l’inverse et son travail sera plus ardu que lors des saisons précédentes. Il devra en effet toujours batailler avec la monoplace pour en garder le contrôle dans les zones de freinage appuyé, toujours adapter le freinage pour éviter de sous-virer, gérer la pédale d’accélérateur avec délicatesse à mi-virage, affronter les enchaînements complexes, avaler les courbes à haute vitesse... En termes de style de pilotage, cependant, des ajustements seront probablement nécessaires.
« La réponse de l’accélérateur va également varier et le pilote devra s’y adapter, explique Tokunaga. Dans les faits, une fois que le pilote accélère à fond, les systèmes de contrôle gèrent la puissance du propulseur, l’objectif étant de réduire le temps au tour avec le niveau d’énergie donné. A pleine charge, le moteur n’a toutefois plus besoin de délivrer sa puissance maximale. En appuyant à fond sur la pédale d’accélérateur, le pilote envoie un signal au propulseur, laquelle libère ensuite le maximum de puissance en fonction des différents niveaux d’énergie disponibles à l’instant donné. Il devra tout de même ajuster son pilotage au comportement de la voiture et de ses nouveaux systèmes de récupération d’énergie ».
La gestion de la course et la stratégie employée seront plus flexibles que par le passé et la solution optimale variera considérablement d’un circuit à l’autre. Elle dépendra de facteurs aussi divers que le pourcentage de temps passé à pleine charge sur un tour, la vitesse de passage dans les courbes et la configuration aérodynamique de la voiture.
« Auparavant, les constructeurs rivalisaient pour atteindre le niveau de puissance le plus élevé. Désormais, ils rivaliseront pour trouver les solutions les plus intelligentes pour gérer la consommation d’énergie » conclut Tokunaga.
LES QUALIFICATIONS EN 2014 ? À FOND, COMME TOUJOURS !
En 2014, les séances de qualifications du samedi se disputeront à pleine charge, ce qui signifie que la voiture la plus rapide sera effectivement en pole le lendemain. La restriction sur le débit d’alimentation en carburant de 100 kg/h s’appliquera, certes, mais celle de 100 kilos sur la quantité d’essence embarquée n’aura aucun impact puisque les monoplaces n’en consomment que très peu sur un tour.
Sur un tour lancé, le pilote pourra utiliser la totalité du débit de carburant autorisé ainsi que l’intégralité de l’énergie électrique contenue dans la batterie. S’il décide toutefois d’utiliser toute son énergie sur un tour, il ne pourra pas couvrir une seconde boucle à pleine vitesse. Ce facteur devrait donner lieu à des séances encore plus intenses, avec des stratégies décalées entre les différentes écuries.