Prost : Le pilote devra être stratégique avec le moteur 2014

Et savoir utiliser finement sa monoplace

Par Franck Drui

15 janvier 2014 - 14:47
Prost : Le pilote devra être stratégique

Le quadruple champion du monde français, Alain Prost, a connu la première ère turbo de la F1, à la fin des années 70 et dans les années 80. Mais selon lui le défi sera tout autre pour les pilotes lors de la saison prochaine. Stratégie et finesse seront les clés pour l’ambassadeur de Renault...

Comment était la première époque turbo pour des pilotes ?

Si l’on prend ce que l’on a connu au début des années 80, c’est le temps de réponse : deux ou trois secondes. On a vécu l’évolution du turbo année après année, les améliorations entre les premières années turbo en 77 et sur la fin, mais automatiquement, c’est un pilotage très différent – il fallait trouver le bon moment pour accélérer – et anticiper l’arrivée de la puissance. Le bon timing dépendait de beaucoup de paramètres : la nature du virage, la vitesse, l’adhérence, le type de pneus, l’usure des pneus, l’usure du turbo. Pour le pilotage, il y avait des virages où clairement il fallait freiner un peu plus tôt pour pouvoir accélérer plus tôt pour avoir la puissance requise au bon moment. C’est pour cette raison qu’il y avait des gros écarts qui pouvaient se créer, y compris en raison de la fatigue du pilote en fin de course. Le cerveau travaillait différemment.

Est-ce que l’utilisation turbo sera différente ?

Quand on mesure aujourd’hui l’évolution technologique globale au niveau de l’automobile en général et de la F1 en particulier, il est clair que les moteurs turbo de demain seront très différents. Notamment parce qu’il y aura une partie électrique qui génère de la puissance. Le temps de réponse on ne le connaît pas encore avec précision, mais il sera très faible par rapport à ce que nous avons connu dans les années 80.

Est-ce que les pilotes vont devoir s’adapter ?

Sans doute. Tout d’abord, il y aura un minuscule délai de temps de réponse. J’imagine qu’il sera sans doute très faible l’année prochaine, mais il va falloir quand même s’y habituer. Mais il faut aussi regarder plus loin que le turbo : l’interaction entre la partie d’énergie thermique et la partie électrique sera aussi très complexe. La partie thermique représente environ 600 chevaux, la partie électrique 160, donc la gestion de l’énergie sera beaucoup plus importante qu’à l’époque atmosphérique. Il y aura l’exploitation du moteur par les ingénieurs et les pilotes et toutes les stratégies d’utilisation de l’énergie qui en découlent. En fait on va rentrer à l’époque où le pilote devait être stratégique et très bien savoir utiliser finement sa monoplace. Il ne sera plus suffisant d’être rapide ; il faudra être vite et sensible.

Le moteur va-t-il reprendre de l’importance en 2014 ?

A partir du moment où les moteurs sont figés, on redonne l’importance au châssis et à l’aérodynamique. A partir de 2014 cet équilibre sera redressé et on va avoir un côté technique très intéressant qui va redonner de l’importance au moteur. La meilleure intégration portera ses fruits et les innovations seront grâce à une bonne collaboration entre les départements châssis et moteur. Ensuite, il y aura l’exploitation du moteur par les ingénieurs et les pilotes et toutes les stratégies d’utilisation de l’énergie qui en découlent. Pour résumer ; de nouvelles stratégies ce qui va augmenter l’importance du moteur. Sur le papier ça a l’air parfait !

C’est une nouvelle ère de la F1 qui va démarrer ?

Moi je le pense. Pour les gens qui regardent la F1, le fait de voir qu’il y a des restrictions cette année, même si elles sont subjectives, et que les moteurs sont tous plus ou moins les mêmes n’est pas satisfaisant. Aux années 80 ce qui a donné le plus d’intérêt à la F1 ce sont malgré tout les années turbo : tout le monde s’intéressait à ce nouveau challenge technique. Il y avait aussi un peu d’émotionnel dans la mesure où l’on attendait de grosses évolutions de course en course.

Beaucoup de gens s’inquiètent du bruit du moteur turbo... et vous ?

Je sais que c’était un argument à charge de certaines personnes, mais je ne pense pas que ça ait du sens. Il faut du bruit, mais il y en aura largement assez. C’est vrai qu’à une époque on a eu des V8, des V10, des V12 avec des bruits parfois stridents, on les reconnaissait d’ailleurs, sans avoir besoin de se retourner. Moi j’aimais beaucoup le bruit des moteurs turbo, ce n’est pas du diesel ! Il y aura toujours des gens pour dire c’était mieux avant, mais le volume sonore devrait être tout à fait acceptable !

NB : Interview donnée en juin 2013

Recherche

Info Formule 1

Photos

Vidéos