Présentation du Grand Prix de Malaisie par Renault F1
Un gros défi pour les moteurs
Pour les Power Units, la Malaisie représente l’une des courses les plus difficiles du calendrier. Les températures ambiantes y sont en moyenne de 32°C. L’air aspiré par le moteur peut atteindre jusqu’à 50°C, soit une chaleur uniquement rencontrée dans les déserts les plus arides de la planète.
Avec les V6 turbo, plus les températures augmentent, plus la puissance délivrée diminue. Les ingénieurs doivent donc veiller à refroidir le Power Unit du mieux possible et cherchent à éviter toute perte de puissance. Une simple baisse de 1°C peut en effet entraîner une amélioration des chronos de l’ordre de 1/10e de seconde au tour.
La température élevée de l’air à l’entrée du conduit d’admission peut nécessiter une modification de l’allumage. L’objectif est ainsi de réduire le phénomène de cliquetis dans les cylindres, caractéristique des moteurs turbocompressés. L’humidité doit toutefois améliorer ce facteur puisque la pression dans le cylindre est moins élevée.
Comme il s’agit de l’une des épreuves les plus chaudes de la saison, les teams utilisent la solution de carrosserie offrant le refroidissement le plus optimal. Ainsi l’air est-il acheminé le plus efficacement possible vers les radiateurs. Ces conduits ont été étudiés pour que les températures du Power Unit soient proches de la limite. En course, ces valeurs seront atteintes dès le premier tour, mais grimperont encore davantage si un pilote suit de trop près la voiture qui le précède.
L’eau contenue dans le Power Unit peut grimper à des températures supérieures à 100°C, soit au dessus du seuil d’évaporation. Seule la pression du système empêche cette réaction de se produire.
CYRIL ABITEBOUL, DIRECTEUR GENERAL
« Le week-end du Grand Prix d’Australie a été compliqué et n’a pas répondu à nos attentes, ni à celles de nos écuries partenaires. Nous devons travailler main dans la main pour comprendre nos faiblesses, tant autour du moteur que du châssis. Grâce aux données recueillies à Melbourne, nous avons pu constater que le déficit de performance entre Red Bull et Mercedes se répartissait équitablement entre la mauvaise « driveability », la puissance moteur et le châssis. C’est donc le package dans son ensemble qui se doit de progresser et c’est pourquoi, plus que jamais, notre collaboration doit être exemplaire pour aller de l’avant. Nous avons entrepris un développement agressif et devrions en recueillir les fruits en Malaisie, d’autant que nous avons pu profiter des données de l’Australie pour revoir nos réglages. Le travail suit son cours, mais nous sommes d’ores et déjà dans une situation très différente de celle dans laquelle nous nous trouvions au soir de la première course à Melbourne. »
REMI TAFFIN, DIRECTEUR DES OPERATIONS
« Les véritables progrès réalisés durant l’hiver n’ont pas été visibles à Melbourne. Nous sommes donc particulièrement motivés pour relever le défi de la Malaisie. Nous considérons ce Grand Prix comme un nouveau départ de la saison. Notre équipe de développement travaille sans relâche pour trouver un moyen d’améliorer la « driveability » et la fiabilité, et ainsi corriger les soucis rencontrés en Australie. Notre Power Unit a tourné au banc à Viry et de nouveaux tests se poursuivront après Sepang. Il est néanmoins important de souligner que certains problèmes ont été amplifiés par les caractéristiques particulières du circuit de l’Albert Park, à commencer par la nature de son tracé ou les températures ambiantes en constante évolution. Sur ce point, la Malaisie doit se dérouler dans un autre registre car les conditions demeurent stables tout au long du week-end. Avec l’équipe, nous pourrons donc progressivement nous concentrer sur les réglages et démontrerons alors notre véritable potentiel. »
DETAILS SUR LE POWER UNIT
ICE
Le moteur à combustion interne tourne à plein régime pendant environ 60% du tour. Soit l’un des pourcentages les plus élevés observés durant la saison. À titre de comparaison, cette valeur atteignait 55% en Australie, tandis que Monza demeure la référence avec 75 % du circuit.
La ligne droite des stands et celle qui la précède, avant la dernière épingle, sont les deux portions les plus longues – approximativement 1 kilomètre chacune – où l’accélérateur reste ouvert. L’ICE est à fond pendant environ 10 secondes et les vitesses de pointe peuvent atteindre 310 km/h grâce aux effets du DRS.
Les courbes 5 et 6 constituent la portion la plus rapide du tracé. Le pilote la négocie à 200 km/h de moyenne en levant tout juste le pied entre les deux virages. Le changement de direction brutal soumet les éléments internes du moteur à de fortes pressions, tout particulièrement autour du système de lubrification puisque les fluides se retrouvent « plaqués » d’un seul côté en raison des g encaissés.
Le climat malaisien étant très humide, la quantité d’oxygène présente est réduite. L’ICE doit donc en théorie bénéficier, car plus l’air est riche en eau, moins il y a d’oxygène à brûler. En revanche, comme le moteur turbo régule en permanence les pressions dans l’ICE, les effets ne seront pas aussi perceptibles.
Le circuit de Sepang est également doté de courbes moyennes et lentes, à la corde et en sortie desquelles le moteur doit bénéficier d’une remise de gaz immédiate. Le premier enchaînement, notamment, nécessite une parfaite stabilité au freinage et une réponse optimale en sortie, car il précède une longue zone de pleine charge.
TURBOCOMPRESSEUR
Les deux grandes lignes droites font subir d’énormes contraintes au turbo. La météo ambiante est par ailleurs une source de stress supplémentaire pour ses composants internes ; si le turbo veut produire la même puissance, sa vitesse de rotation doit être plus élevée.
L’épingle reliant les deux lignes droites, puis dans l’enchaînement des virages 1 et 2, mettent en avant le temps de latence du turbo, qui doit être le plus réduit possible. Les forces encaissées au freinage abaissent le régime de l’ICE à environ 6500 tr/mn, tandis que la vitesse du turbo diminue simultanément de moitié.
MGU-K
La plupart des virages se négociant à des vitesses moyennes et élevées, Sepang n’est que modérément exigeant pour le MGU-K. Les opportunités de récupérer l’énergie dissipée au freinage sont donc minimes, au contraire de la consommation de carburant, élevée si on la compare à d’autres circuits, comme Silverstone, où les gros ralentissements sont fréquents.
La zone de freinage du virage 1 est l’une des plus appropriées pour faire le plein d’énergie. Dans la foulée de la longue ligne droite où les moteurs tournent à plein régime, le pilote rétrograde du 8e au 3e rapport et sa vitesse est de 80 km/h à l’entrée de la courbe.
L’épingle du virage 15, abordée à environ 90 km/h, est une autre portion propice au recouvrement de l’énergie par la génératrice électrique.
MGU-H
Environ un quart du circuit de Sepang est constitué de lignes droites. Le MGU-H dispose ainsi d’une certaine souplesse pour se recharger en énergie grâce aux gaz d’échappement. Cette piste est d’ailleurs l’une des plus efficaces dans ce domaine.
Dans les courbes moyennes et rapides des deuxième et troisième secteurs, les pilotes jonglent en permanence entre les pédales d’accélérateur et de freins. L’ICE tourne à plein régime pendant environ 40 secondes, offrant au MGU-H un temps de rechargement conséquent.
ZOOM SUR… LE GRAND PRIX DE MALAISIE 2005
La saison 2015 marque le 10ème anniversaire du premier titre de Champion du Monde du Renault F1 Team. Au volant de la Renault R25, Fernando Alonso coiffe sa première couronne mondiale lors du dernier Grand Prix au Brésil. Sa campagne victorieuse débute cependant réellement en Malaisie. Son équipier Giancarlo Fisichella a en effet frappé le premier en s’imposant en Australie, et Alonso doit attendre ce deuxième meeting à Sepang pour trouver son rythme. L’équipe possède alors un certain avantage sur le reste de la grille et Fernando signe la pole position avec 2/10e de seconde d’avance sur la Toyota de Jarno Trulli. Il conserve ensuite les commandes à l’extinction des feux et emmène la meute pendant toute la durée du Grand Prix. Il suffit cependant d’observer la fatigue du pilote, visible lorsqu’il grimpe sur la plus haute marche du podium, pour comprendre que sa course fut loin d’être aussi facile qu’elle ne l’y parut de l’extérieur.
Son ingénieur moteur d’alors n’est autre que Rémi Taffin, qui nous dévoile les coulisses de ce succès : « L’équipe avait terminé premier et troisième à Melbourne, mais Fisico avait fini devant. Nous avions en effet commis une erreur en qualifications avec le niveau de carburant ce qui avait pénalisé Fernando. Nous arrivons donc en Malaisie incroyablement motivés. La voiture est performante et Fernando en grande forme. Il adore Sepang, ce circuit où il décrocha sa première pole en F1 lors de la saison 2003. Il y réitère sa performance deux ans plus tard, avec une confortable avance, mais il est pris de fièvre le dimanche et n’est pas au meilleur de sa forme durant la course. Il manque même de s’évanouir en sortant de la voiture, mais il gagne avec près de 25 secondes d’avance. Je vous laisse imaginer notre satisfaction de posséder un pilote – même malade – et une voiture aussi performants. Le moteur, est également l’un des meilleurs sur lequel il m’ait été donné de travailler, et certainement le plus compétitif du plateau. Nous avions repensé le concept du V10 et surpris notre monde tant il était puissant et souple. Pendant l’épreuve, Fernando s’était construit une confortable avance réduite à néant par l’intervention de la voiture de sécurité. Il parvint ensuite à creuser de nouveau l’écart que l’on sait. Nous avons dès lors cru en nos compétences et en notre capacité à nous battre pour le championnat. »
À l’usine, un petit groupe d’ingénieurs suit cette manche depuis l’écran géant de la salle de cinéma installée chez Renault. L’un d’eux, Ricardo Penteado, aujourd’hui Responsable du centre d’opérations à Viry, était à l’époque ingénieur banc et simulation. Il raconte : « Il n’y avait que deux ou trois personnes dans la pièce car l’horaire était très matinal en Europe. C’était intense, car même si nous savions que l’organisation était au rendez-vous et la course sous contrôle, il faut toujours fournir des efforts intenses pour s’imposer en Malaisie. L’humidité est élevée et nous avions affiné la cartographie du moteur pour gérer ce facteur. Voir Fernando l’emporter avec une telle avance démontra que nous avions vu juste. Je me souviens avoir envoyé le résultat du Grand Prix à toute l’usine. Quel sentiment ! Nous étions tellement surexcités par cette domination que j’y suis allé de mes prédictions pour d’autres épreuves à venir et je les ai également transmises ! »