Pourquoi McLaren, Renault et Williams n’ont pas intérêt à la faillite de Force India

Une préférence pour le présent nuisible

Par Alexandre C.

3 août 2018 - 15:09
Pourquoi McLaren, Renault et Williams

Pour qu’une équipe soit revendue à un nouveau propriétaire et que celle-ci puisse conserver les revenus et bonus obtenus grâce à sa performance au classement des constructeurs, l’unanimité des écuries doit être obtenue selon le règlement de la FIA.

Force India, au bord de la faillite, se trouve dans pareille situation. Or, McLaren, Renault et Williams utilisent actuellement leur droit de veto en la matière, ce qui met bien sûr en péril l’avenir à court terme de l’équipe de Sergio Pérez et d’Esteban Ocon. Sans ces revenues historiques, Force India est une écurie bien moins attractive pour des acheteurs potentiels. Pour ne pas dire invendable...

McLaren, Renault et Williams entendent ainsi se débarrasser (ou au moins affaiblir) d’un concurrent gênant, afin d’avoir l’opportunité de marquer plus de points chaque week-end, et pour eux-mêmes engranger plus de revenus à l’avenir. Il n’y a pas de morale en F1… Laissons donc cet aspect éthique de côté.

Or, du point de vue strict de l’efficacité rationnelle également, cette décision, apparemment sensée à court terme, l’est beaucoup moins à moyen terme.

Tout d’abord, pour McLaren, Renault et Williams, cette attitude génère des retombées d’image négatives, alors même que le marketing est la raison d’être numéro 1 de la présence de ces écuries en F1. Il n’y a qu’à lire les réactions sur les réseaux sociaux, quasi-unanimes sur le sujet, pour s’en rendre compte… A-t-on chiffré également la perte nette d’image due à ces réactions négatives ? Dans le même temps, les autres écuries, dont Sauber ou Haas, profitent, par effet de balancier, d’une réévaluation méliorative de leurs comportements.

McLaren et Renault, qui sont des écuries aux moyens plus conséquents, ne devraient pas avoir besoin d’avoir recourir à de pareils subterfuges pour sécuriser leur place au classement des constructeurs. A moyen terme, la différence des budgets engagés, des effectifs, de l’ingénierie interne, des recrutements et des investissements en cours, devrait être suffisante pour éloigner la menace Force India à la régulière.

Perdre Force India, c’est encore perdre un client moteur potentiel dans les prochaines années, ou encore une structure pouvant accueillir des jeunes pilotes. Force India a certes un partenariat avec Mercedes actuellement, mais l’exemple de Sauber, qui a rapidement divorcé de Honda, montre qu’en F1, rien n’est jamais acquis. Or McLaren et Renault ont besoin d’une écurie « B », à l’image de Sauber pour Ferrari, pour placer à moyen terme leurs jeunes pilotes – on voit que McLaren risque actuellement de perdre Lando Norris, faute d’avoir une équipe junior dédiée.

La disparition de Force India rendrait aussi le championnat moins attractif et compétitif aux yeux des spectateurs, des médias et des investisseurs potentiels. Qui voudrait investir dans un sport aussi risqué ? Et sans le charme de ces écuries de milieu de grille qui survivent avec moins de moyens, une baisse de l’intérêt pour la F1 n’est pas non plus à exclure. Par conséquent, les revenus générés par la F1 dans le futur pourraient ne pas augmenter autant que prévu par Liberty Media.

Du point de vue de Williams, l’équation semble plus transparente encore. L’écurie de Grove, en grande difficulté financière elle aussi, pourrait bientôt se retrouver dans une situation identique à celle de Force India. Williams survivra peut-être au départ des fonds de Lawrence Stroll. Mais qui dit que dans les prochaines années, elle ne se retrouvera pas aussi en quasi-faillite ? Dans ce cas, il serait légitime que les autres équipes du plateau rendent la monnaie de sa pièce à Williams. Autrement dit, Grove se tire une balle dans le pied et regrettera peut-être cette attitude fatale dans une poignée d’années.

Les économistes ont une notion pour caractériser une attitude apparemment profitable à court terme, mais nuisible à moyen terme : la préférence pour le présent. Le monde de la F1, un business comme un autre, n’échappe malheureusement pas à ces calculs rationnels à courte vue.

On pourrait certes arguer en dernier ressort que l’objectif pour McLaren, Renault et Williams, est peut-être aussi de mettre la pression sur Liberty Media, afin de démontrer à quel point les budgets plafonnés et la redistribution équitable des revenus, sont deux nécessités vitales aujourd’hui. Alors que les négociations pour les prochains accords Concorde battent leur plein, il s’agirait ainsi d’une stratégie de négociations offensive… stratégie qui peut se révéler évidemment très risquée pour la survie de Force India.

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