Monaco ou l’art de bien régler sa cartographie moteur
Un paramètre crucial pour briller
La prochaine épreuve du calendrier est le rendez-vous le plus spectaculaire, le plus glamour et aussi le plus imprévisible de la saison.
Faire la course dans les rues n’est jamais de tout repos, encore moins en Principauté, sur un circuit qui n’a que très peu bougé au fil des ans. Le Grand Prix de Monaco ne ressemble à aucun autre.
Sur une piste aussi spécifique, le moteur fourni par Renault Sport F1 fait face à un défi particulier, comme l’explique Rémi Taffin, Responsable des Opérations Piste de Renault Sport F1.
« A Monaco, il n’y a pas que le volant qui aide le pilote à faire tourner sa monoplace. Le moteur a également un rôle à jouer. Il est donc nécessaire que le couple et la puissance soient disponibles à tous moments. Le pilote a besoin d’être en confiance pour attaquer.
Le plus grand défi de Monaco est la très faible vitesse à laquelle les monoplaces couvrent un tour. Le moteur est utilisé de façon très différente du reste de l’année. Il faut garder à l’esprit qu’un moteur capable d’atteindre 18 000 tours / minute tombe à 5 000 tours / minute dans les virages les plus lents à Monaco. C’est un vrai défi et ce n’est pas simple.
Pour nous assurer du bon fonctionnement des moteurs, nous multiplions les cycles au banc afin de garantir qu’ils répondent bien à bas-régime.
Le point critique à Monaco est de fournir un moteur encore plus pointu. On ne peut pas se permettre d’avoir le moindre temps de latence. Le pilote doit être certain d’avoir du répondant lorsqu’il sollicite le moteur, quelle que soit la cartographie ou sa façon d’appuyer sur la pédale d’accélérateur. »
L’analyse de Rémi est corroborée par David Lamb, ingénieur moteur de Pastor Maldonado chez Williams F1 Team. Le Vénézuélien est le dernier vainqueur d’un Grand Prix au moment d’arriver en Principauté.
« Rien ne ressemble à Monaco au cours d’une saison de F1. Sur ce circuit, un surcroit de puissance apporte le plus faible bénéfice de l’année. Quelques chevaux supplémentaires n’aideront par le pilote car la vitesse maximale est rarement atteinte. Mais la façon dont on passe cette puissance au sol peut faire la différence.
En théorie, il y a deux choses à s’assurer en tant qu’ingénieurs moteur. La première est que le moteur fournisse le couple annoncé à tous moments, que ce soit sur quatre ou huit cylindres. Toutes nos monoplaces ont des capteurs de couple qui nous permettent de suivre cette donnée à la loupe. Mais c’est surtout lorsque la pédale n’est pas complétement enfoncée que c’est le plus compliqué. Et c’est souvent le cas à Monaco… Nous surveillons constamment les données du moteur pour nous assurer qu’il délivre le couple comme attendu.
La seconde chose est de parvenir à refléter le style et l’intention du pilote dans la cartographie moteur. Il est nécessaire de trouver une relation parfaite entre la position de la pédale d’accélérateur et le couple délivré par le moteur. On ne peut pas régler ce paramètre sur des bancs d’essais car le pilote doit donner son feedback. Pour citer un exemple, certains pilotes réclament de la puissance moteur pour bénéficier d’un léger survirage, parfois pour tenter d’effacer un sous-virage non désiré. Pour parvenir à un résultat optimal, beaucoup d’échanges sont faits entre le pilote et l’ingénieur dès les essais libres.
Il y a d’autres paramètres à prendre en compte à Monaco. Des exercices qui n’existent nulle part ailleurs. Le virage 6 par exemple : une épingle qui est la plus lente portion de toute la saison. Le pilote freine pour atteindre une vitesse très faible. Le moteur tombe juste au-dessus de 5 000 tours / minute. L’une des conséquences pourrait être un phénomène de poussée si le moteur n’est pas réglé correctement. Si la cartographie cache la moindre faiblesse, elle sera forcément mise à mal à Monaco. »
De par sa nature, Monaco est l’un des seuls circuits à ne pas être modifié d’une année sur l’autre. Chaque écurie arrive donc avec suffisamment de données pour préparer les réglages des monoplaces. Mais, à chaque fois, il faut mettre à jour une série de paramètres.
« Nous allons essayer quelque chose d’un peu différent », promet David. « Si la puissance passe mal, il faut passer les vitesses plus rapidement. Nous devons donc être sûrs que la cartographie moteur est assez robuste pour endurer ce scenario, sans produire d’effets indésirables. Lors d’une course normale, le passage des rapports sans atteindre les plus hauts régimes est limité aux tours d’installation et de décélération. On n’utilise jamais cette technique dans un tour chronométré. On pourrait donc découvrir des problèmes qui n’avaient pas été remarqués par les pilotes auparavant. Mais à Monaco, dans des rues au revêtement particulièrement inégal, on peut utiliser cette technique de passages rapides des rapports pour contrer l’effet négatif des bosses.
Ces bosses, un peu partout sur le circuit, peuvent soudainement casser l’équilibre du groupe motopropulseur en entrainant une rupture de traction. En conséquence, le moteur monte directement au limiteur même si le pilote était loin de l’atteindre. L’endroit le plus connu, où ce phénomène se produit, est la bosse entre le Casino et Mirabeau. »
En arrivant à Monaco, Williams F1 Team et tout le personnel de Renault Sport F1 sont en pleine confiance. Le couple Williams-Renault a déjà été récompensé, seulement cinq Grands Prix après sa réunification. Ce fut la première victoire de l’écurie en huit ans.
« Nous pensions, en connaissant les qualités de Pastor à Monaco, que ce week-end serait notre meilleure chance de bon résultat. Et nous arrivons ici avec le trophée du dernier Grand Prix », continue David. « Bruno n’est pas lent non plus à Monaco et il a gagné sur ce circuit en GP2. Pour la première fois depuis longtemps, Williams arrive sur un Grand Prix en sachant que l’équipe possède une monoplace, un moteur, des pilotes, et surtout, comme nous l’avons vu en Espagne, la confiance nécessaire pour choisir la meilleure stratégie afin d’exploiter toutes les situations et s’imposer. »