Marko : La Formule 1 va dans la bonne direction mais...
... il y a encore beaucoup de choses à améliorer
Bien nombreux sont les changements notables engendrés par le nouveau règlement technique de la Formule 1.
Depuis des mois, les experts tentent de mettre en relief ce que vont impliquer les changements de règles. Une multitude de promesses alléchantes ont été évoquées, avec des voiture plus agressives et plus belles, un spectacle sur la piste sensationnel et tant d´autres choses…
Les tests de Barcelone ont donné un léger avant-goût et ont surtout permis de voir si les promesses vont être tenues. Helmut Marko livre son sentiment et ses observations pointues sur le sujet.
Cette année, nous pouvons constater un retour des ailerons de requin, longtemps laissés de côté. Ces derniers ont beaucoup fait parler d´eux, non seulement par leur design mais aussi par leur utilité.
Mais pour le consultant de Red Bull ce n´est pas ce détail qui est le plus important et qui va jouer le plus grand rôle dans l´aérodynamique.
« On doit, le plus possible, générer de l´appui sans trop provoquer de résistance à l´air. Cela veut dire que les voitures dans les virages doivent coller au sol sans trop avoir en même temps de résistance à l´air dans les lignes droites. L´aileron de requin ne joue pas un grand rôle dans tout ça. On pourrait s´en passer si c´était décidé ainsi. »
Les gommes sont aussi un sujet qui fait débat. Plus larges, elles seraient plus difficiles à mettre à la température optimale, mais les pilotes se sont montrés ravis car elles semblent moins se dégrader que celles qu´ils avaient eu à disposition ces dernières années. Pour l´Autrichien, le gain est clair et peut être déterminant pour l´action en piste.
« Le détail le plus important, et c´est cela qui fait la différence, c´est que tu peux freiner plus tard et les vitesses atteintes dans les courbes sont beaucoup plus élevées, et avec cela, les forces G également, presque 50 % en plus. Tous les pilotes ont eu un entraînement énorme pour leur cou. Verstappen a pris 3 kilos de muscles au niveau du buste et du cou. »
« De plus l´effort physique va sûrement être, à nouveau, un critère à prendre en compte dans les résultats. Ils vont tous devoir être au top de leur forme, pour ne pas donner de signes de fatigue trop importants sur la distance d´un Grand Prix. »
« Avec les pneus plus larges, la limite de la voiture devient beaucoup plus compliquée à gérer. Par exemple, nos deux pilotes ont été à fond dans les virages 3 et 9 ; dans le 3, Räikkönen est sorti, ce qui n´était absolument pas le cas l´an dernier. Cela montre que la voiture est vraiment à la limite et bien plus difficile à piloter. Ce sera à cela que l´on verra le niveau des pilotes, les meilleurs gèreront, et ceux qui ne sont pas bons auront beaucoup plus de mal. »
« Les pneus médiums semblent tenir une éternité. Aspect très important : on espère que l´on pourra rouler à fond. Avant on ne le pouvait pas parce que les pneus surchauffaient tout de suite, sous-viraient beaucoup trop et cela dégradait peu à peu l´équilibre de la voiture. Maintenant avec les nouveaux pneus, les dépassements devraient devenir plus faciles. »
Depuis quelques années, un autre reproche récurrent était fait au sport : les voitures étaient jugées trop faciles à conduire, ce qui tuait le spectacle. Marko trouve que le nouveau règlement technique remédie à ce problème, mais il y a encore fort à faire pour redonner aux pilotes des conditions de pilotages de haut niveau.
« Nous allons dans la bonne direction, mais nous ne sommes pas encore là où nous devrions être. Là où nous ne sommes pas du tout au bon endroit, c´est la sécurité qui est à mon avis exagérée avec ces larges zones de dégagement. Tu n´es plus pénalisé quand tu fais une sortie ou que tu vas trop vite, après 2 secondes tu es de nouveau sur la piste. »
« Il y a encore pas mal de points à améliorer. Il y a encore beaucoup de choses techniques présentes qui facilitent le pilotage, et je me dis que les pilotes sont des jeunes hommes, très bien rémunérés, je crois donc qu´on peut leur réclamer davantage au niveau physique, afin que sur une distance de Grand Prix, ils aillent jusqu´à l´épuisement comme auparavant. »
Un point d´interrogation subsiste concernant les dépassements. Pour les pilotes, il sera plus difficile de doubler. Mais Marko ne partage pas cet avis.
« Pour les top pilotes, je ne le crois pas. Nous avons deux pilotes (Ricciardo et Verstappen) dans notre équipe qui sont deux très bons freineurs. Nous sommes donc optimistes sur ce point. Mais on ne le saura vraiment que sur la piste. Les simulations vont dans telle ou telle direction mais ce sera le pilote qui pourra faire la différence. »
Un détail de taille préoccupe le consultant de Red Bull : la quantité autorisée de carburant embarquée, qui selon lui, risque de poser problème car il l´estime trop restreinte.
« Au niveau de l´économie de carburant... en Australie, à Sotchi, à Bahreïn et éventuellement en Chine, cela va être un grand sujet. Parce qu´il y a sur ces circuits beaucoup de sections où on roule à fond et nous n´avons que 5 kilos de carburant en plus cette année. Cela ne suffit pas pour compenser l´élévation de la performance du moteur et l´augmentation de la trainée aéro, si l´on souhaite finir la course en roulant à fond. »
Depuis son apparition en F1, le DRS a beaucoup de détracteurs dont Marko, qui, comme beaucoup de personnes dans le paddock, souhaiterait sa disparition.
« Je suis d´accord pour supprimer les dépassements sous DRS. C´est un genre de dépassement artificiel. Si quelqu´un est devant et qu´il n´y a qu´une seule voiture derrière lui, ses chances de ne pas se faire doubler sont nulles, car avec l´aileron ouvert on a un tel gain de vitesse que celui qui mène ne peut rien faire. Mais lorsqu´il y a 3 ou 4 voitures les unes derrière les autres, l´effet s´annule et ces voitures forment alors une sorte de convoi. Sans DRS cela révèlera les bons pilotes, qui seront les seuls à arriver à dépasser. »
Le poids des monoplaces atteint cette saison est aussi un souci pour Marko. Selon lui, il faudrait inverser la tendance, car un tel poids a des conséquences sur le spectacle pendant les courses.
« Nous avons beaucoup trop de poids : les F1 font 722 kilos, c´est comparable au poids d´un camion (sic). Il faudrait descendre à 500, 550 kilos, sans pilote. Toute l´agilité se perd avec un tel poids. Notre nouvelle voiture de sport signée Newey, la Valkyrie (Aston Martin) a 1000 chevaux et pèse à peu près 980 kilos et c´est une voiture de sport capable de rouler en ville. C´est juste pour faire une comparaison. »
Dernier thème régulièrement abordé depuis trois ans, le manque de bruit des Formule 1 avec ces V6 turbo hybrides.
« Cela s´est amélioré, mais cela n´a rien à voir avec ce que c´était dans le passé. Mais je pense qu´une partie du public n´est pas intéressé par le retour du bruit d´origine.
Je crois que c´est complètement illusoire de développer un système artificiel pour obtenir un son plus fort, personne n´accepterait l´idée. Nous avons de vrais moteurs, qui ont le rendement et la brutalité nécessaires, mais ça doit être les pilotes qui doivent être décisifs pour le spectacle, pas les ingénieurs. Je veux que les gens soient admiratifs de ce que fait un pilote, qu´ils se disent "je n´oserais pas, je n´en suis pas capable". »