Lettre de Jean Alesi, capitaine de l’équipe de France FFSA Circuit
Il se réjouit du retour en force de la France en F1
Quelle année ! 2011 restera sans aucun doute comme une année de référence pour la FFSA et plus particulièrement pour son Équipe de France Circuit.
Elle se conclut en effet par l’officialisation de l’arrivée de trois pilotes français sur les grilles de départ F1, Charles Pic, Jean-Eric Vergne et Romain Grosjean, qui ont été parrainés par la FFSA pendant la majeure partie de leur cursus. Jules Bianchi sera lui aussi sur les circuits du championnat du monde de F1 en 2012, dans un rôle qui sera prochainement annoncé et il reste quoi qu’il en soit une pièce maîtresse chez Ferrari.
On m’a parlé d’un grand cru au sujet de 2011. Mais je voudrais souligner que pas un seul des pilotes qui a intégré l’Équipe de France FFSA Circuit depuis sa création, en 2000, n’a démérité, bien au contraire ! Aujourd’hui, de nouvelles orientations ont été prises et certaines opportunités qui se sont libérées ont été profitables à nos pilotes. Les quatre qui étaient dans des formules d’accès direct à la F1 ont su se donner les moyens de saisir ces opportunités et ils franchissent un palier important. C’est une immense fierté pour la FFSA et pour moi car le travail et les efforts commencent à payer.
Pourquoi certaines portes se sont-elles ouvertes ? Je pense que c’est un tout et si la F1 est un sport individuel en piste, il est collectif en coulisses. A force d’insister sur la qualité de nos pilotes et de leurs formations, grâce au travail des journalistes qui ont martelé que la France ne pouvait pas être à la traîne d’un sport de pointe, les industriels commencent à nouveau à s’impliquer. J’espère que ce n’est qu’un frémissement et que le meilleur est à venir.
Personnellement, je suis très touché car je suis issu du monde de la F1, c’est ma petite famille et j’étais un peu triste lorsque j’entendais dire qu’il y avait un sentiment anti-français. Cette perception est erronée. Aujourd’hui les circonstances sont réunies pour que l’on entre dans un nouveau cycle de prospérité.
Mais revenons sur le parcours de chacun. Romain a réussi un tour de force en devenant le premier et unique double champion de l’histoire des GP2 Séries. Il a conquis une 2ème chance de rouler en F1 à la force du poignet, avec une nouvelle maturité et son talent s’est poli. Charles a fait sa meilleure saison depuis ses débuts en sport automobile et cette dynamique devrait se prolonger dans les années à venir.
Sans quelques infortunes dont il n’était pas responsable et que son équipe aurait dû éviter, il aurait pu se battre pour le titre, contre Romain, jusqu’à la dernière course. Dans le même championnat, Jules a vécu un début d’année compliqué mais il a toujours montré qu’il avait le potentiel et la rapidité pour être un prétendant à la victoire à chaque week-end de course. Les résultats n’ont pas toujours suivi mais sa fin de saison a laissé entrevoir de quoi il était capable dans tous les compartiments de la course. Les GP2 Séries sont une série tellement pointue qu’un petit rien peut ruiner un week-end.
Comme Charles, Jean-Eric a plus souvent qu’à son tour mangé son pain noir. Dans le paddock une blague dit qu’il savait quand il rentrait aux stands, mais jamais quand il en repartirait ! Pas de titre pour lui non plus, mais une véritable saison d’exception au niveau de la performance pure, justement récompensée par cette accession à la F1 avec la Scuderia Toro Rosso.
Nathanaël Berthon n’est pas en reste. Il a réalisé de belles performances dans un contexte difficile qui ne lui était pas favorable et le milieu ne s’est pas trompé : il a participé à la finale des GP2 Séries à Abu Dhabi puis aux tests F1. Ce premier contact était important et il a convaincu la profession par son sérieux et sa faculté d’adaptation. J’espère qu’il aura un deuxième rendez-vous avec la F1 dans un an.
Enfin, encore très jeunes, Arthur Pic et Norman Nato font partie de ceux qui doivent apprendre. Ils doivent affiner leur talent, bien comprendre les enjeux et se fondre dans le moule de leur équipe et d’un championnat pour en devenir les leaders. Il faut également que leur entourage les aide à rester sur le droit chemin.
Pour nos pilotes engagés en F1, le conseil que je leur donnerai est de ne pas avoir d’appréhension, quelle que soit la qualité de leur équipier. On dit souvent que l’on est comparé à celui-ci mais quand on débute tout est pardonné et il n’y a pas de comparaison immédiate avec un partenaire expérimenté. L’essentiel est de suivre le travail de l’équipe et de l’exploiter à 100% du début à la fin d’un week-end. Il faut bien négocier chaque moment clef pour être au sommet de son potentiel et de celui de sa machine en qualification puis en course. Il faut aussi et surtout prendre du plaisir à ce que l’on fait, ne pas oublier la chance que l’on a. Ce n’est qu’en étant épanoui personnellement que l’on rayonne en piste et dans son équipe.
La FFSA est en train d’écrire de très belles pages de son histoire. Elle a été contactée par plusieurs fédérations étrangères pour des conseils ou des échanges de bons procédés. Elle sert d’exemple ! Pourtant, les gens étaient méfiants au début de l’aventure de l’Équipe de France Circuit. Nous avons démontré le bien-fondé de notre action sans qu’il n’y ait jamais la moindre influence extérieure. La FFSA n’a jamais rien reçu de personne pour enrôler ses pilotes et j’agis en tant que bénévole. C’est ainsi que ça doit fonctionner. Je n’ai aucun frein pour parler aux pilotes lorsque l’un d’eux ne respecte pas la charte comme c’est arrivé, une fois, dans le passé.
Tous nos pilotes qui entrent en F1 ne s’éloignent pas définitivement de la FFSA même si elle a rempli son rôle et que le témoin peut être passé. Tout d’abord, lorsque le téléphone sonne, je suis toujours prêt à aider. Et puis mon rayon d’action est plus efficace sur les gens qui sont déjà en place en F1. Ils seront plus proches de leur capitaine !
On peut se poser la question de l’avenir de l’Équipe de France FFSA Circuit. Les prochaines promotions rencontreront-elles le même succès ? La première partie de la réponse appartient aux pilotes, bien sûr. Pour ce qui est de la FFSA, je peux affirmer que l’on a les bons outils. Le karting évidemment, mais aussi la F4 dans laquelle j’ai roulé récemment. J’ai trouvé que c’était une voiture incroyablement efficace et qui donne une bonne première vision de ce que doit être une monoplace. Il faut être fin pour aller vite, l’aérodynamique est présente mais ne dérange pas trop lorsqu’on suit une voiture de près.
On peut toujours faire mieux et il ne faut pas se reposer sur nos lauriers, mais nous avons les outils pour construire de belles choses. Et puis les prochaines générations seront dans l’aspiration de la promotion 2011. Mais encore une fois, la première impulsion doit venir des pilotes : rien ne remplace le travail !