Les menaces de Ferrari ont-elle encore un impact sérieux ?
L’époque change, pas les vieux réflexes
En bon patron de Ferrari, Sergio Marchionne a fait survivre l’une des plus grandes traditions de la Scuderia, appliquée avant lui par Luca Di Montezemolo et Enzo Ferrari en personne, à savoir menacer de quitter la Formule 1.
Il est un peu plus surprenant de voir cette menace revenir plusieurs années après la dernière occasion à laquelle elle avait été proférée. Ferrari avait l’habitude de lancer cet avertissement en sachant qu’il ferait plier un Bernie Ecclestone résistant et teste aujourd’hui la solidité nerveuse des dirigeants de Liberty Media.
Martin Brundle conseillait récemment à Liberty de ne pas plier face aux menaces de Ferrari, assurant qu’elles n’étaient pas fondées et qu’elles servaient à arranger la F1 selon ses désirs. En réalité, ces menaces sont-elles vraiment sérieuses ?
Une chose est sure, elles ont un sens, car la Formule 1 ne serait plus tout à fait la même sans son constructeur le plus emblématique.
Mais bien que Marchionne se plaigne de la volonté de Ross Brawn de "ne pas respecter l’ADN du sport" en privilégiant le spectacle à la technologie, Ferrari n’est pas mal lotie en F1.
Il ne faut pas oublier que la Scuderia bénéficie d’une prime d’environ 100 millions de dollars chaque année, uniquement parce qu’elle est Ferrari et que cette prime, négociée dans le passé, lui revient de droit.
On peut comprendre que la standardisation de certaines pièces ne plaise pas aux motoristes et que Ferrari soit tentée de ne pas suivre une telle dynamique, mais pourquoi quitter un championnat où la manière dont l’argent est distribué garantit d’être bénéficiaire ?
Le département voitures de route fonctionne très bien pour le Cheval Cabré mais les pertes seraient conséquentes, du moins tant que l’argent est distribué de cette façon. Ferrari pourrait proférer une menace réelle de quitter la F1 si les primes étaient modifiées et que ces millions ne lui parvenaient plus. Et c’est sûrement la raison pour laquelle la prime n’est pas retirée...
En attendant, que penser d’une telle menace ? Ferrari n’a nulle part où aller en compétition. Aucune destination qui lui apport autant que la Formule 1, en dépit des frais engagés.
La Formule E ne serait pas porteuse en termes d’audience, et encore moins en termes de marketing et communication. Bien qu’elle ne coûte pas cher, elle ne représente ni le luxe que Ferrari représente, ni les moteurs thermiques qui restent chers au constructeur, toujours très attaché à son emblématique V12.
Le WEC traverse une période difficile et malgré les vieux succès de la Ferrari 333 SP, le constructeur italien devrait reprendre à zéro pour un programme qui n’est pas encore défini. Quant aux autres formules, elles sont toutes monotypes et donc marquées par la standardisation tant refusée par Ferrari.
Enfin, quoiqu’en dise Marchionne, il serait difficile de créer un championnat qui représente un intérêt commercial pour des partenaires et sportif pour les fans, sans fédération, tout en attirant des acteurs de la F1 comme Mercedes dans son sillage.
La présence de Ferrari ne garantirait en rien que ce championnat parallèle, chimère des italiens depuis de longues années, puisse rivaliser avec la Formule 1 en termes de popularité, si tant est qu’il fasse mieux au niveau du spectacle !
Bien qu’il paraisse logique pour Sergio Marchionne d’emboîter le pas de ses illustres prédécesseurs chez Ferrari, il est évident que la menace ne va pas prendre autant qu’elle le faisait face à Bernie Ecclestone.
D’autant que si elle était compréhensible face aux penchants dictatoriaux de Tonton Bernie, elle paraît beaucoup plus arrogante face au dialogue ouvert par Ross Brawn, qui semble totalement prêt à faire le maximum pour satisfaire tout le monde.