Les budgets plafonnés, le plus grand plan social de l’histoire de la F1 ?
Baisser les salaires ou licencier les ingénieurs, une alternative inévitable ?
Pour réduire les écarts de performance entre les écuries, et ainsi introduire plus d’incertitude au départ des Grands Prix, Liberty Media compte en bonne partie sur la mise en place des budgets plafonnés, à compter de 2021.
Un accord serait proche entre la FOM, la FIA et les écuries sur le montant de ces budgets plafonds. Pour amadouer les écuries les plus récalcitrantes (c’est-à-dire celles qui dépensent beaucoup, comme Ferrari ou Mercedes), une progressivité dans la mise en place de ce système a été proposée : 185 millions de dollars en 2021, 160 millions en 2022 et 135 millions en 2023.
Un autre point, et de taille, devra être éclairci prochainement : quelles dépenses ne rentreront pas dans le plafond ? Le budget marketing, le salaire des plus hauts cadres de l’écurie comme des pilotes, ainsi que les crédits dédiés à la communication, au marketing et à l’événementiel, pourraient être épargnés : un lot de consolation pour les plus grandes structures.
Même en tenant compte de ces exceptions, la F1 se dirige vers un changement majeur, dont on ne mesure peut-être pas assez les conséquences aujourd’hui. Le changement sera certes imperceptible pour les écuries dont le budget est aujourd’hui proche, voire inférieur, au budget plafond. Sauber, Racing Point Force India, Toro Rosso, Williams ou Haas sont dans ce cas.
Cependant, pour les écuries à plus gros budget, l’introduction de budgets plafonnés causera, sans aucun doute, de gros problèmes en termes de ressources humaines.
Ferrari, Mercedes et Red Bull, voire McLaren, seront contraintes de se séparer d’une partie de leur personnel. De nombreux ingénieurs se retrouveront ainsi sur le marché. Leurs perspectives d’emploi ne seront pas considérables, du moins en F1, car ce seront toutes les écuries qui seront forcées de se mettre au régime sec.
Combien d’ingénieurs devront prendre la porte au cours de ces prochaines années ? Une estimation est difficile à dresser, tant elle dépend de nombreux facteurs. Une centaine d’ingénieurs en moins (les usines moteur ne sont pas prises en compte) apparaît comme un minimum. Lors d’un entretien exclusif avec Nextgen-Auto.com, en septembre dernier, Cyril Abiteboul allait jusqu’à évoquer le nombre de 200 à 300 ingénieurs à renvoyer pour les plus grandes écuries.
Renault est d’ailleurs dans une situation intermédiaire : l’écurie aurait les moyens d’atteindre aujourd’hui le niveau d’effectifs des top-teams… Mais se retient de le faire, pour des raisons évidentes de calendrier : il serait absurde de devoir licencier, en 2021, un ingénieur recruté début 2020 !
« On ne peut pas faire n’importe quoi et engager 200 personnes – et ça prend aussi du temps de le faire. Le temps de les recruter, nous serions en 2020, et on ne va pas leur dire le 31 décembre 2020 ‘Merci et au revoir, on revient à 700 personnes’. Cela représente un vrai défi. Il y a la sous-traitance, etc., des façons de gérer un pic temporaire d’activité » nous confiait ainsi le patron de Renault F1 lors du dernier Grand Prix d’Italie.
Une solution, pour rester dans les clous du budget plafond, tout en évitant de mettre à la porte de nombreux employés, serait de… baisser les salaires. Or, toujours selon Cyril Abiteboul, une telle piste n’apparaît pas comme réaliste à l’heure actuelle.
« Ce n’est pas quelque chose que l’on imagine, parce que le problème, c’est qu’il va y avoir surtout une course aux talents. Et s’ils sont payés 20 % de moins que dans l’écurie d’à côté, ils iront dans l’écurie d’à côté. Donc on se tient tous d’une certaine façon par la barbichette, on est tous obligés, de la même façon, à être compétitifs, comme partout ailleurs. En revanche, on se pose des questions pour savoir comment être plus attractif en tant qu’employeur. Il y a le salaire, mais si ça ne passe que par cela, il y aura le budget cap. Donc cela passe par tout le reste. On essaie de se mobiliser sur ce genre de sujets. »
Baisser les salaires, ou licencier de nombreux ingénieurs : sur le plan social, l’introduction des budgets plafonnés est ainsi une très mauvaise nouvelle pour les ingénieurs en F1.
Si le règlement 2021 est finalement plus souple que prévu, les effets négatifs de ce projet pourront être au moins atténués. Espérons qu’avec leurs grandes qualifications, les ingénieurs infortunés pourront rapidement retrouver un emploi – tandis que la F1 deviendra, de plus en plus, un univers réservé à une élite.
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