Le règlement 2019, une fausse bonne idée technique et budgétaire ?
Le scepticisme monte dans le paddock
L’an prochain, le règlement aérodynamique en F1 évoluera de manière sensible au niveau des ailerons arrière et surtout avant. L’ampleur des changements est telle que la hiérarchie pourrait être « totalement bouleversée » si l’on en croit Toto Wolff – qui a cependant intérêt à motiver les siens, quitte à paraître démesurément anxieux.
Concrètement, le design des pièces sera largement simplifié, l’aileron avant sera réduit à seulement cinq éléments principaux, les multiples ailettes seront bannies, les dérives latérales largement standardisées. L’objectif principal de la FIA (et de la FOM) est de permettre aux voitures de se suivre davantage en piste, grâce à la réduction de l’appui aérodynamique. Actuellement, une monoplace restant deux ou trois tours derrière une autre F1 perd trop d’appuis et use trop ses pneus, ce qui a des conséquences négatives sur le nombre de dépassements.
Ce changement de règlement – aperçu de plus vastes bouleversements qui arriveront en 2021 - aura-t-il des conséquences positives et visibles dès Melbourne, l’an prochain ? Les positions sont aujourd’hui tranchées dans le paddock, mais au fur et à mesure des semaines, le scepticisme semble gagner en puissance.
Du côté des optimistes prudents, l’on retrouve bien sûr Ross Brawn qui, en tant que manager des sports mécaniques travaillant pour Liberty Media, a été le promoteur principal de ce changement réglementaire. « Notre travail de simulation et les données venant des équipes – nous avons étroitement travaillé avec elles – nous disent que les effets sont tangibles » assure ainsi l’ancien ingénieur de Ferrari.
Nick Chester, qui s’occupe de la conception du châssis chez Renault, pense lui aussi que les voitures « pourront davantage se suivre en piste » et qu’il s’agissait du « bon choix à faire. »
Toutefois l’ingénieur britannique relativise la portée de ces changements : « Oui, ça ira dans la bonne direction, donc les voitures pourront se suivre d’un peu plus près. Un peu seulement... il faudra probablement attendre jusqu’en 2021 pour voir ce que le package complet pourra apporter. »
Les sceptiques se font en réalité de plus en plus nombreux. Ils pointent deux écueils majeurs : l’un technique, l’autre de nature budgétaire.
Sur le plan technique, les résultats du règlement sur le spectacle et la capacité des monoplaces à se suivre en piste sont plus qu’incertains. En effet, si la quantité d’appuis va diminuer l’an prochain, ce n’est que « toutes choses égales par ailleurs ». Pendant l’hiver, les ingénieurs vont trouver de nouvelles solutions pour faire gagner de l’appui aux F1. Ainsi, les gains du règlement 2019 devraient être annulés. Retour à la case départ…
Tel est ainsi le pressentiment de Rob Smedley, directeur de la performance chez Williams (aujourd’hui à la recherche d’une nouvelle équipe) : « Oui, ce sera un peu mieux, ça ira dans la bonne direction, mais nous répliquerons tous des solutions aérodynamiques qui nous ramèneront à la situation d’il y a six mois. »
Maurizio Arrivabene, le patron de la Scuderia Ferrari, est encore plus pessimiste : « nous avons le règlement de l’an prochain. Il était supposé favoriser les dépassements, mais pour le moment, selon le premier retour de nos pilotes, l’objectif ne sera probablement pas atteint. »
Ayao Komatsu, ingénieur de course en chef chez Haas, précise d’ailleurs que les ailerons avant ou arrière ne sont qu’une donnée du problème. Les Pirelli 2019 auront une responsabilité aussi grande, sinon supérieure, sur la qualité du spectacle l’an prochain.
Un coup pour rien, donc ? Hélas non… Sur le plan budgétaire, les critiques de ce changement réglementaire s’accumulent aujourd’hui. En effet, comme le précise Maurizio Arrivabene, « nous aurons dépensé beaucoup plus d’argent pour l’an prochain » afin d’anticiper le règlement.
Helmut Marko, fidèle à son style incisif, est plus direct encore : « Pour nous, ce changement n’aura servi à rien à part nous coûter environ 15 millions d’euros. En ce qui concerne les appuis aérodynamiques, nous avons déjà plus ou moins réussi à retrouver les niveaux actuels. Et cela n’aura aucun impact sur le problème des dépassements. »
Pour Red Bull et Ferrari, écuries parmi les plus riches du plateau, la perte de 15 millions n’est pas inquiétante outre-mesure. Mais pour des écuries comme Williams, Haas ou Sauber, le coût d’adaptation avoisinerait les 5 % du budget annuel. Ainsi, ce changement réglementaire, imposé par la FIA et la FOM, entre en contradiction flagrante avec l’objectif de rehausser la viabilité budgétaire des petites écuries.
Déception sur le plan technique, gaspillage sur le plan budgétaire, le règlement 2019 est-il l’exemple même d’une fausse bonne idée, décidée plus ou moins en urgence, et dont les effets secondaires n’ont pas été suffisamment étudiés ? Par le passé, la F1 nous a habitués à ce genre de décision hâtive et finalement contre-productive…
Si une bonne surprise est toujours possible en mars prochain, le règlement 2019 aura eu au moins un avantage, en servant de galop d’essai pour le règlement 2021, dont les bouleversements seront bien plus significatifs. Quitte à ce que les écuries essuient les plâtres d’ici-là…
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