Le nouveau règlement, une aubaine pour le changement ?
De nombreux transferts ont eu lieu
Alors que la saison 2014 de Formule 1 sera lancée dans un peu plus de deux mois, les équipes s’affairent à sa préparation lors d’une intersaison qui n’aura jamais paru aussi courte. Car 2014 marquera pour leur sport le début d’une nouvelle ère, et les plus grands changements que l’on ait pu voir dans la Formule 1 moderne.
Si 2006 avait vu apparaître un nouveau règlement moteur, les V8 remplaçant les anciens dix cylindres, et alors que les normes aérodynamiques avaient totalement changé en 2009, la saison prochaine sera le théâtre de modifications dans ces deux départements.
Les Formule 1 embarqueront un V6 turbocompressé en lieu et place des V8 atmosphériques, et seront mues par des systèmes de récupération d’énergie bien plus puissants que celui en place. Les monoplaces bénéficieront d’un gain de puissance plus important chaque tour pendant un temps rallongé. De fait, la consommation devra en être réduite puisque la quantité de carburant embarquée sera divisée par deux.
Quant à l’aérodynamique, une refonte complète sera effectuée puisque le nez des monoplaces devra être plus bas, l’aileron avant plus étroit et le support de l’aileron arrière sera central. De plus, les contraintes de refroidissement du V6 et de ses systèmes de récupération d’énergie devrait élargir les pontons des monoplaces alors que l’arrière du capot moteur sera plus fin puisqu’une seule sortie d’échappement centrale sera présente.
Un tel changement influera radicalement sur le comportement des Formule 1, comme l’a déclaré récemment Jenson Button après les premiers essais dans le simulateur. Dès lors, de nombreuses équipes ont considéré qu’il serait moins pénalisant cette saison d’engager des nouveaux pilotes, voire même des débutants, et c’est pour cela que presque toutes les équipes ont changé au moins un de leurs pilotes.
La seule à ne pas l’avoir fait est Mercedes, le duo composé de Lewis Hamilton et Nico Rosberg ayant donné satisfaction à ses dirigeants. Avec trois victoires et sept pole positions, les deux pilotes ont contribué à la meilleure saison de l’équipe à ce jour. Ce n’est pas encore confirmé mais de manière plus étonnante, Marussia pourrait en faire de même et conserver Jules Bianchi et Max Chilton. Le Français a déjà signé pour une saison supplémentaire avec l’équipe russe et l’Anglais pourrait être confirmé dans le courant du mois. Les deux pilotes ont fait un bon travail mais les conditions financières de cette équipe ont souvent dirigé ses choix par le passé, d’où la surprise de les voir conserver leurs deux pilotes.
Red Bull a fait le pari de la jeunesse pour remplacer Mark Webber, tout en restant fidèle à son programme de développement des jeunes pilotes, et a engagé Daniel Ricciardo. Avec deux saisons et demi derrière lui, l’Australien présente un bon compromis de vitesse, de jeunesse et d’expérience, et sera amené à épauler Vettel pour le titre, avec sûrement la volonté de devenir numéro 1 de l’équipe si l’Allemand venait à quitter le nid. La tentation était pourtant énorme pour Red Bull de faire venir en son sein un champion du calibre de Kimi Raikkonen ou Fernando Alonso, à qui on a prêté des intentions de rejoindre l’équipe championne du monde.
Mais le pari de la jeunesse a été effectué de manière beaucoup plus radicale par McLaren. Peu satisfaite des performances et du comportement de Sergio Perez, l’écurie de Woking a décidé de s’en séparer et de le remplacer par celui qu’elle considère aujourd’hui comme son meilleur espoir de succès futur, Kevin Magnussen. Près de vingt ans après la seule course effectuée par son père pour le compte de sa future équipe, le jeune Danois pourra profiter de sa rapidité d’adaptation pour être directement au niveau de ses concurrents et de son équipier. Ces derniers devront oublier ce qu’ils connaissent et repartir sur des bases vierges concernant leur expérience, et c’est là que les débutants pourraient tirer leur épingle du jeu.
Le travail sera la clé du succès puisque la marge de développement des monoplaces sera énorme en début de saison, et c’est aussi cela qui pourrait réduire le fossé au sein d’un duo comme celui formé par Button et Magnussen. L’écart pourrait être encore plus facile à combler chez Toro Rosso, qui a choisi un pilote de moins de vingt ans pour remplacer Ricciardo, en la personne de Daniil Kvyat. Le Russe a également montré de bonnes facultés d’adaptation au volant d’une Formule 1 en signant sous la pluie le septième temps de la séance d’essais libres à Interlagos en fin de saison dernière. Avec seulement deux saisons de moins que Jean-Eric Vergne, positionné logiquement en leader de l’équipe Toro Rosso, Kvyat aura la possibilité d’effacer ce manque d’expérience en participant activement au développement de la STR9 afin qu’elle convienne également à son style de pilotage, puisque les connaissances qu’avait Vergne sur la précédente voiture italienne ne pourront être utilisées.
Si Toro Rosso est coutumière du fait d’engager des débutants, le pari est bien plus osé au sein d’une équipe de pointe comme McLaren, qui avait réussi avec Lewis Hamilton en 2007, et qui attend sûrement la même chose de Kevin Magnussen aujourd’hui. Autre équipe de pointe, autre défi : Ferrari a décidé de remplacer Felipe Massa par Kimi Raikkonen, amenant un deuxième loup dans la bergerie de Fernando Alonso.
La Scuderia déroge donc à ses principes pourtant historiques, et a décidé de ne pas tourner autour d’un seul leader. Luca Di Montezemolo s’impatiente clairement, Stefano Domenicali le sait et affiche les ambitions du cheval cabré : les titres mondiaux. Le défi est de taille pour celui qui s’est montré assez tendre dans sa façon de diriger la Scuderia après Jean Todt. Il faudra canaliser les exigences et les egos démesurés des deux pilotes qui n’accepteront en aucun cas de devoir se plier à une quelconque consigne. Le résultat pourrait être fantastique ou désastreux, selon ce qu’en fera Domenicali.
L’équipe Lotus a donc perdu Kimi Raikkonen, qu’elle n’a pas payé en 2013, et l’a remplacé par Pastor Maldonado, en provenance de chez Williams. Sur le papier, l’équipe d’Enstone apparaît comme perdante puisque ses finances délicates semblent avoir dirigé son choix, même si Eric Boullier voit en Maldonado un diamant brut à polir. Ayant réussi à canaliser les émotions de Romain Grosjean, le directeur de l’équipe se pense capable d’en faire de même avec Pastor Maldonado, dont on a vu en 2013 qu’il ne jouait pas pour l’équipe quand la pression était sur ses épaules.
Du côté de Sauber et Force India, un échange a eu lieu puisque Nico Hulkenberg a quitté l’écurie suisse pour retourner chez Force India alors qu’Adrian Sutil a fait le chemin inverse et sera aligné aux côtés d’Esteban Gutierrez. Prometteur en 2013 et soutenu financièrement, il représente pour Sauber le pilote parfait, alors que Sutil sera certainement chargé d’apporter son expertise technique pour ce qui sera sa première saison de Formule 1 hors de l’équipe indienne.
Cette dernière change donc ses deux pilotes et alignera un duo très performant en 2014 avec Hulkenberg et Perez qui y a finalement trouvé refuge après son éviction tardive de chez McLaren. Impressionnante en 2009 après le changement de règlement aérodynamique, Force India pourrait surprendre en 2014 et tirer son épingle du jeu avec des pilotes aux dents longues et au talent brut digne des top teams.
Williams a décidé de prolonger le contrat de son jeune pilote prometteur en la personne de Valtteri Bottas et a emprunté une voie différente des autres équipes en attirant Felipe Massa aux côtés du Finlandais à la place de Pastor Maldonado. L’expérience du Brésilien, dont le parcours ressemble de plus en plus à celui de Rubens Barrichello, sera un atout pour la formation britannique et elle n’a pas caché compter sur lui pour aider Bottas à développer son expérience et ses connaissances.
Caterham n’ayant pas encore annoncé ses pilotes, on peut constater jusqu’à présent la priorité faite aux jeunes pilotes à l’aube de cette saison du renouveau où le manque d’expérience sera bien moins un désavantage que lorsque la Formule 1 est bien installée dans une ère. Les risques pris par les équipes dépendent désormais de leur faculté à concevoir une voiture performante et surtout fiable, et les jeunes talents d’aujourd’hui pourraient devenir les champions de demain, si toutefois ils battent les grands noms de ce sport qui n’auront qu’un but, prouver leur flatteuse réputation.