La face cachée du Grand Prix du Japon (1ère partie)
Les conversations entre pilotes et ingénieurs
Alors que la saison a entamé sa dernière ligne droite et que Sebastian Vettel se dirige tout droit vers un quatrième titre consécutif, nous nous retrouvons face à une difficulté évidente à garder de l’intérêt pour cette saison 2013 de Formule 1. Et alors que ce sport nous montre une facette parfois ennuyeuse du fait des enjeux semblant très réduits, le déroulement des Grands Prix reste toujours un rituel des plus procéduriers pour les équipes et les pilotes.
Dès lors, il est toujours bon de comprendre ce qui peut se passer entre le muret des stands et le cockpit des monoplaces que ce soit avant, pendant ou après la course. Et bien que Suzuka nous ait offert une première ligne monopolisée par les Red Bull, la tension n’en était pas moins palpable à quelques minutes du départ…
Partie 1 – L’avant course et l’animation des premiers tours
Quelques minutes avant le départ, toute les équipes sont aux petits soins autour de leurs monoplaces respectives. Les pilotes se font communiquer les réglages inhérents à leurs monoplaces, mais pas seulement. Et dimanche dernier, quelques minutes avant le tour de formation, Lewis Hamilton a ainsi appris que Nico Rosberg avait « trouvé sa voiture un peu trop sur l’avant et enlevé un degré d’aileron après le tour de formation. Il a ensuite pensé qu’il était un peu trop réglé pour du sous-virage mais pense que c’est dû au fait que les pneus ne sont pas sur leur fenêtre de fonctionnement ». S’ensuit un débat entre Hamilton et ‘Bono’, son ingénieur, pour savoir quel réglage adopter sur sa monoplace par rapport à l’autre W04.
C’est au même moment qu’on informe Mark Webber que « la température de la piste est déjà en train de baisser. Il fait trois degrés de moins que lors de la deuxième séance d’essais libres mais ça va continuer à descendre. On va partir du principe que tout le monde est en médiums, je te dirai si quelqu’un a chaussé les pneus durs ». Quelques minutes plus tard, Simon Rennie revient vers Mark Webber : « Tout le monde est en médiums sauf Ricciardo à la seizième place et Pic en fond de grille. Procédure classique une fois qu’on aura démarré le moteur, on veut le KERS à sept, huit, sept. Et une fois que la voiture sera reposée, à trente secondes du départ, il y aura un point fixe d’embrayage, tu auras besoin d’écraser la pédale de freins ».
Il est désormais quinze heures à Suzuka, les feux rouges libèrent les voitures pour le tour de formation. Une dernière occasion de vérifier le fonctionnement des diverses parties de la voiture, tant le KERS que les commandes sur lesquelles agit le pilote. Et bien entendu, l’occasion unique de mettre les pneumatiques à température pour le départ qui interviendra au tour suivant.
C’est ainsi que dans un message des plus scolaires, Nico Hulkenberg reçoit un ordre simple : « Chauffe les pneus et les freins, fais défiler les vitesses ». Daniel Ricciardo de son côté, se fait informer que « toutes les vitesses sont synchronisées ».
Dans un flot de vocabulaire spécifique, Sebastian Vettel et Lewis Hamilton se font adresser les mêmes consignes durant ce tour, leur expliquant qu’ils devront faire attention à garder les pneus et les freins assez chauds mais le moteur plutôt frais en attendant que le reste de la grille se positionne.
Et justement, dès que les autres pilotes se sont positionnés, c’est à Charlie Whiting que revient l’étape suivante, celle de l’allumage progressif des cinq feux rouges sur la ligne de départ. Et dans une fraction de seconde, tous s’éteignent, libérant les 22 monoplaces de leurs emplacements sur la grille de départ alors qu’elles se dirigent tout droit vers le premier virage. Premier virage qui sera le théâtre de deux incidents principaux.
A l’arrière du peloton, Giedo van der Garde accroche Jules Bianchi, entraînant l’abandon des deux pilotes. Le Français lâche un laconique « Ok c’est fini », à quoi son ingénieur répond « Tu n’as rien ? ». Silence radio qui laisse comprendre la frustration d’abandonner au bout de quelques mètres de course.
Devant, alors que Romain Grosjean est parti comme une fusée, Lewis Hamilton se fait toucher par Sebastian Vettel. Ce dernier s’en inquiète auprès de son ingénieur : « Vérifie l’aileron avant, dommage possible, il faut que tu vérifies l’avant gauche ». Ce à quoi Guillaume Rocquelin répond : « Pour le moment, tant sur les données que visuellement, ça a l’air d’aller. Reste en piste ».
Mais la véritable victime de ce contact n’est pas Vettel mais bien Hamilton. « Crevaison du pneu arrière droit, on va passer en pneus durs pour un long relais et enlever un peu d’aileron » lui explique son ingénieur, qui lui indique en temps réel son retard par rapport au peloton : « Les leaders sont dans le 130R ».
Et pendant que les autres pilotes vérifient auprès de leurs ingénieurs que toutes leurs températures sont celles attendues, les ennuis de Lewis Hamilton ne semblent pas vouloir s’arrêter. L’Anglais prévoit de miser sur un long relais de 19 tours, mais s’inquiète au sixième tour de ce qu’il observe : « A quel point mon rythme est mauvais ? La voiture a un souci ». Souci confirmé par ‘Bono’ qui lui confirme « un manque de performance aérodynamique, on perd une seconde par tour ». Un fait évident pour Hamilton qui confirme que la voiture « se comporte n’importe comment ».
Devant, Grosjean mène devant Webber, et même si l’Australien montre une réelle envie d’attaquer le Français, le rythme de ce dernier semble trop élevé. « On doit faire attention aux pneus arrière. Si tu ne peux pas passer Grosjean, laisse le prendre deux secondes d’avance, on se rapprochera avant l’arrêt » lui conseille Simon Rennie.
Chez Ferrari, ce n’est pas un conseil mais un ordre stratégique codé donné à Felipe Massa, qui roule juste devant son équipier. « Stratégie multifonction A. Stratégie Multifonction A. Maintenant s’il te plaît ». Il n’en sera rien, cet ordre donné au huitième tour ne sera pas appliqué et Alonso attendra la vingtième boucle pour doubler son équipier qui semble résolu à ne pas travailler en équipe.
Pour Lewis Hamilton, c’est en revanche terminé, la crevaison ayant abîmé le fond plat de la voiture : « Le garage est libre, tu peux y rentrer directement, les gars t’y guideront ». « Désolé les gars » lâche Hamilton, tout de suite repris par son ingénieur : « Ce n’est pas de ta faute Lewis, il semble que tu aies été touché par l’aileron avant de Vettel ».
Voilà qui conclut un Grand Prix du Japon bien malheureux pour Lewis Hamilton. Mais la course est loin d’être finie, puisqu’après dix tours, c’est un Romain Grosjean étincelant qui tient la dragée haute aux Red Bull ! Et alors que chacun a désormais pris son rythme de course, c’est déjà le moment de rentrer aux stands pour changer de pneumatiques pour la quasi-totalité des pilotes…
A suivre...