La F3 Européenne : après Verstappen, Lance Stroll ?
Retour sur une série de promotion en pleine progression
Parmi la foule de formules de promotions, il ne faut pas confondre GP3 et Formule 3 européenne. Pour simplifier, disons que le GP3 est considéré comme une catégorie supérieure à la Formule 3 européenne, même si celle-ci n’a absolument pas à rougir puisqu’elle est tout aussi bien réputée dans les paddocks.
Ainsi, pour l’an prochain, le leader actuel de la F3 est pressenti pour remplacer Felipe Massa chez Williams : Lance Stroll. Le jeune Canadien domine la discipline, certes, mais relevons d’emblée qu’il est aidé, dans l’achat de son matériel même, par son milliardaire de père. De plus, ses apports financiers ne laissent pas insensibles Claire Williams qui, rappelons-le, ne gère qu’une écurie privée dont les moyens sont sans comparaison aucune avec ceux des trois écuries de pointe.
Passer de Felipe Massa, quasi champion du monde en 2008, à un parfait rookie peut passer pour une nette régression. Mais peut-on réviser notre jugement en examinant l’historique de cette discipline depuis l’introduction de son format actuel, en 2012 ?
Tout d’abord, il faut savoir que le châssis de la F3 est construit par le manufacturier italien Dallara. Très sûres, les monoplaces génèrent beaucoup d’appuis mais n’ont évidemment pas une vitesse de pointe impressionnante avec 240 chevaux dans le moteur (565 kg de poids minimum).
Par le passé, la F3 européenne a envoyé plusieurs de ses anciens en Formule 1. Sebastian Vettel, Lewis Hamilton, Michael Schumacher sont tous passés par cette école, mais avant 2012.
Or dans le cas de Lance Stroll, ce sont les pilotes passés directement de la F3 européenne à la discipline reine du sport automobile qui nous intéressent. Ils ne sont certes pas légion. Faisons le point année par année.
En 2012, le vainqueur du championnat fut Daniel Juncadella. Il fut promu l’année suivante… en DTM, avec Mercedes. Raffaele Marciello, 2e en 2012, est toujours bloqué en GP2 aujourd’hui. 4e du classement, Pascal Wehrlein a eu une suite de carrière bien plus heureuse, à l’image du 5e d’alors, Carlos Sainz. Mais aucun d’entre eux n’était passé directement en F1.
En 2013, Raffaele Marciello s’imposait devant Felix Rosenqvist et Alex Lynn. Le 1er et le 3e d’alors sont donc toujours en GP2, même si Alex Lynn est désormais aussi pilote de développement de Williams. Jordan King, pilote de développement chez Manor trois ans plus tard, termina 6e du championnat. Là encore, aucune promotion directe en F1 n’est à noter.
En 2014, Esteban Ocon remporta le championnat devant Tom Blomqvist et Max Verstappen. Le Français fut promu en GP3 l’année suivante, et réussit à remporter aussi le championnat pour être ensuite titularisé chez Manor en 2016. Aucune promotion directe, mais tout de même, l’on peut noter que le championnat F3 fut particulièrement relevé cette année.
Esteban Ocon battit donc Max Verstappen. Le Néerlandais avait signé une deuxième moitié de saison canon, en enchaînant les victoires. Il fut, on le sait, titularisé l’année d’après par Toro Rosso. Cette progression fulgurante interpelle toutefois. Il n’avait fini que 3e après tout ! Mais son jeune âge et la dynamique impressionnante de sa fin d’année laissaient augurer d’un potentiel certain. Surtout, la réputation de la F3 Européenne fut sensiblement soignée par les débuts remarquables du Néerlandais en F1. Dès lors, il fut prouvé qu’il était possible de passer de la F3 à la F1. A condition d’avoir le talent d’un Verstappen ?
L’année 2014, cru exceptionnel pour la F3, sera-t-elle ainsi une exception ? En 2015, le vainqueur fut un habitué du championnat, le Suédois Felix Rosenqvist, un vieux briscard puisqu’il avait 22 ans ! Il court désormais pour Mercedes… en GT3 et en DTM. Il a su aussi trouver une place en Formule E, dans l’équipe Mahindra. Mais la F1 est très loin… Le deuxième homme de la F3 Européenne en 2015, Antonio Giovinazzi, mène actuellement la vie dure en GP2 à Pierre Gasly. 4e il y a deux ans, Charles Leclerc est en passe de remporter le championnat GP3. Par ces trois exemples, la F3 Européenne confirme donc qu’elle est un excellent vivier de talents. Mais passer directement en F1 peut sembler risqué. Le cas Verstappen ne peut faire à coup sûr jurisprudence. Il faudra d’autres précédents pour le juger.
5e du championnat de F3 en 2015, et actuel leader en 2016, Lance Stroll devrait, s’il est titularisé par Williams, être un excellent indicateur. Assuré de terminer dans les trois premiers du classement, le Canadien aura le droit à sa superlicence. Nous avons donc montré que ces dernières années, figurer parmi les premiers en F3 était un gage, dans la majorité des cas, de réussite dans les formules de promotion supérieure, voire sur-le-champ en F1 pour Max Verstappen.
Le pari que pourrait tenter Williams, certainement profitable sur le plan financier, n’est donc pas aussi absurde sportivement. Lance Stroll pourrait être une bonne pioche, et son potentiel de progression est indubitable. Ainsi, toutes ses victoires, sauf une, se concentrent sur la deuxième partie de la saison, ce qui n’est pas sans rappeler un certain Max Verstappen.
Des hics demeurent : Lance Stroll serait immédiatement propulsé dans l’une ces cinq meilleures écuries du plateau, avec un coéquipier aussi véloce que Valtteri Bottas. De plus, on ne sait pas à quel point l’argent de son père le favorise en F3… d’autant plus qu’il figure dans la meilleure équipe, Prema.
Avec Williams, il serait clairement un deuxième pilote, d’autant plus que son statut de pilote payant (contrairement à Max Verstappen, promu pour son seul talent dans la filière Red Bull) ne lui attirera certainement pas les grâces médiatiques. Et pourtant ! Il aurait été impensable pour Williams de songer à le titulariser sans ces performances au rendez-vous cette année. Lance Stroll est une pépite financière, c’est entendu ; quant à être une pépite sportive, ce n’est pas acquis, mais c’est tout de même envisageable au moment où ces lignes sont écrites.