L’instabilité, talon d’Achille de Manor ?

Un éternel recommencement

Par Emmanuel Touzot

5 janvier 2017 - 15:36
L'instabilité, talon d'Achille

L’existence de Manor en F1 a été un long chemin parsemé d’embûches, depuis ses débuts en 2010 sous le nom de Virgin, puis durant la période Marussia, où elle a vécu deux drames avec les accidents graves de Maria De Villotta puis de Jules Bianchi. C’est aussi lors de cette période qu’elle avait enregistré son meilleur résultat avec une neuvième place à Monaco, toujours grâce au regretté Bianchi.

Toutefois, ces trois entités traduisent le principal problème de cette équipe, à savoir son manque de stabilité. Et la liste des moteurs utilisés, comprenant Cosworth, Ferrari et Mercedes, fait comprendre que Manor navigue au gré des vents qui la poussent de survie en survie.

La saison 2016 s’annonçait la plus prometteuse puisque, outre l’arrivée de deux nouveaux pilotes, ce sont surtout les partenariats avec Mercedes et Williams, qui fournissaient respectivement le moteur et la boîte de vitesses, qui laissaient espérer un pas en avant.

C’est même un grand pas en avant qui était espéré puisque l’année précédente, en 2015, Manor utilisait le moteur et le châssis de 2014. La faute à un sauvetage in extremis qui n’avait apporté qu’un simple changement de nom et avait contraint ses pilotes à passer leur année à au moins une seconde du reste du peloton.

Avec Wehrlein, Haryanto, un nouveau châssis et un bloc propulseur Mercedes, le tableau était nettement plus encourageant et il faut reconnaître que les résultats l’ont été. Rendons au moteur ce qui lui appartient, c’est lui qui gommait la majorité des défauts du châssis et qui a permis à la petite équipe de se hisser au niveau de Renault et Sauber. Avec un point au championnat constructeurs et une dixième place tenue quasiment jusqu’à la fin de saison, Manor a vécu une très belle saison et a failli remporter les millions de la répartition des droits télé.

Malheureusement, l’histoire en décida autrement et les deux points de Felipe Nasr à Interlagos ont offert cette prime à Sauber qui, soyons honnêtes, en avait bien besoin aussi.

Le fait est qu’à l’aube de cette saison 2017, Manor n’est pas dans une meilleure situation qu’elle l’était il y a 12 mois. Aucun pilote annoncé, une situation très peu claire en ce qui concerne un éventuel acquéreur, et il se murmure que l’usine est à l’arrêt en attendant de nouveaux fonds que pourrait amener Esteban Gutierrez.

Tant que Manor ne trouvera pas d’investisseurs solides et fiables à long terme, chaque nouvelle saison ressemblera à un retour à la case départ. La stabilité est une condition essentielle pour développer une équipe, surtout quand on part du fond de grille.

En 2003, Jordan perdait son sponsor titre et avec lui, le budget lui permettant de lutter en milieu de peloton. Cédée en partie à des investisseurs en 2004 puis 2005, l’équipe irlandaise semait le doute à chaque début de saison quant à sa présence, avant d’être définitivement vendue par Eddie Jordan début 2006.

Mais là encore, les problèmes ne s’arrêtaient pas puisque Midland, dirigée par Colin Kolles, n’avait pas les moyens de subsister en F1 et revendait son équipe au bout d’un an au constructeur Néerlandais, Spyker, qui voulait arriver dans la discipline reine. Mais là encore, les moyens manquaient et au bord du gouffre, Spyker revendait son équipe à un indien inconnu du milieu, Vijay Mallya.

Perçu à l’époque comme un énième propriétaire fantasque voulant se montrer dans le monde très en vue de la F1, Mallya persévérait malgré une première année catastrophique pour son équipe qui n’a eu cesse, depuis, de se faire une place et de progresser au sein du peloton jusqu’à terminer à la quatrième place du classement constructeur cette saison.

Cet exemple montre exactement l’erreur commise par les propriétaires successifs de Manor qui, déçus de ne pas faire de miracles en une petite année, abandonnent leur projet et le fond repartir de zéro au main d’un autre homme d’affaire qui croise les doigts pour une saison inattendue.

Hélas, c’est précisément la méthode qui empêchera l’équipe de se faire une place définitive en F1 à moins de recevoir des fonds conséquents sur plusieurs saisons.

En attendant, la saison 2017 s’annonce compliquée pour Manor qui, à deux mois et demi de la première course, n’a pas encore signé de pilotes et reste à vendre. Les Indonésiens à qui l’on prêtait l’envie de venir ont abandonné et il se pourrait même que l’équipe éprouve des difficultés à signer deux pilotes payants.

Si Esteban Gutierrez est en pole position pour sauver sa place en F1, l’identité de son futur équipier reste inconnue. Wehrlein est en partance chez Sauber, Nasr aimerait faire le chemin inverse mais n’a plus de soutien, et c’est à Jordan King que pourrait revenir l’occasion de débuter en Formule 1. De quoi sauver Manor, mais certainement pas de quoi lui offrir une pérennité qui sera pourtant nécessaire si elle veut un jour avoir un rôle plus important que celui de faire le nombre en fond de grille.

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